En 1991, l'humeur n'est pas à la gaudriole chez LEVEL 42. Les tensions apparues depuis World Machine, et qui ont conduit au départ des frères Gould, ne sont pas retombées ; notamment à cause de leur maison de disques qui a purement et simplement... refusé le futur "Guaranteed". Genre "trop cheum ton skeud azy batard bouge de là !", mais en plus sémantiquement gentilhommesque, bien sûr. C'est l'année où Mike LINDUP, force créatrice quelque peu sous-estimée du groupe, choisit d'enregistrer enfin son album solo. Pourquoi pas ? Pianiste émérite (et mérite mieux que ça d'ailleurs), bon chanteur puisqu'il partage (on l'oublie trop souvent) le micro avec Mark KING, et compositeur très vite identifiable, LINDUP a sauté sur l'occasion.

Et pour l'accompagner, qui prendre vu que les membres de L42 sont soit fâchés, soit trop reconnaissables ? Mike tape dans le dur avec un casting 5 étoiles et se paie rien de moins que Manu Katché, Pino Palladino et (ça tombe bien il cachetonne dans L42 à mi-temps) Dominic Miller. En gros, ça pourrait être un album de STING ! Et à bien des égards car le style, vous vous en doutez, sera plus tranquille, plus laid back que le premier album, fou furieux (et génial), de son acolyte Mark "Thunderthumbs" KING. Tranquille à un point d'ailleurs peut-être trop poussé : disons-le, ce disque aura probablement l'occasion de vous plonger dans une certaine torpeur. Certains préfèreront le terme de confort.

Le titre d'ouverture a pour but de montrer rapidement l'identité de son géniteur, et en effet, avec ce rythme doucereux, on pense à "People", à "Kansas City Milkman". L'excellente intro en gospel a capella surprend, les arrangements ciselés du premier couplet rassurent. LINDUP met à contribution son équipe de choc pour délivrer des parties intéressantes non pas à cause d'un déluge de notes, mais de par leur cohérence. La première partie s'en tire d'ailleurs fort bien. "Lovely Day" possède un charme fou, inexplicable : faux reggae lourd, il fait penser au Andy SUMMERS de XYZ ou à Fugitive de Tony BANKS, des albums au capital sympathie stratosphérique. "Fallen Angel", dont la production riche se déguste au casque comme un Côte Rotie 2007, laisse exploser les divers talents.

Single évident, "The Spirit is Free" a eu l'insigne honneur d'être carrément joué par LEVEL 42 pendant leur tournée suivante. Et c'est du pur LINDUP comme on l'aime : catchy, mélodique, et harmoniquement recherché mais pas trop, ce qu'il faut. "Desire" continue sur la lignée funky, mais hélas, la suite se montre bien moins enthousiasmante. Un peu prisonnier d'une personnalité effacée, ce qui n'est pas une tare entendons-nous bien, LINDUP peine à convaincre sur la durée et de "West Coast Man" à la VOULZYesque (en moins bon) "Paixao", les chansons douces et un peu ternes se suivent sans accrocher. Le charme est présent, mais dilué, jusqu'à un "Judgement Day" où malgré des programmations intéressantes la chanson ne présente aucune aspérité, aucun angle permettant de s'y accrocher.

Il faut attendre le final "Jung" pour retrouver ce petit plus qui fait les bons titres : instrumental, et quasi-solo, il développe une ambiance onirique, un peu gâchée par des marimbas envahissants, mais où l'on retrouve l'homme qui était derrière "Jugband Blues" ou "Sandstorm". On pourra s'enthousiasmer devant la propreté du disque, la maîtrise instrumentale jamais - à aucun moment - mise en avant gratuitement, mais le lissage permanent laisse un arrière-goût d'inachevé, comme s'il manquait à Mike la funky attitude que ses collègues lui imposaient. Anecdotique mais agréable, ce Changes n'a rien de honteux, il faut juste ne pas en attendre les merveilles dont son géniteur est pourtant, par bribes, capable.

Note finale : 2,5/5