S'arrêter en si bon chemin serait dommage, Authentik a fait un tel raffut dans le monde du hip-hop qu'il faut battre le fer tant qu'il est encore chaud. C'est ainsi que naît 1993 J'appuie sur la gâchette, second album du groupe mythique de rap français NTM. Le groupe sait faire parler de lui, sait choquer le bien-pensant et attiser la curiosité, et la justesse des paroles écrites par Kool Shen et Joey Starr n'ont presque aucun égal à l'époque. Les rappeurs partagent la scène française avec IAM et ASSASSIN pour le moment, et ne sont pas vraiment décidés à lâcher le morceau, en effet ils veulent la plus grande notoriété et vont tout faire pour atteindre leur but.

Cet album est un tournant dans la discographie du groupe, un album de transition. Il est marqué par le fait que Joey Starr, pour des raisons assez sombres, est présent sur la moitié à peine des morceaux de l'album. La part belle est donc faire à Kool Shen qui monopolise le micro, tandis que l'un des hommes de l'ombre du groupe qui a pour nom Yazid va donner de sa voix. En termes de production cet album est assez fidèle à ce que le groupe nous avait proposé sur Authentik, n'établissant aucune prise de risque majeure à ce niveau. Le projet va cependant être une énorme déception commerciale, alors que Authentik avait été une surprise tonitruante, celui-ci n'atteint que tardivement les objectifs de vente et NTM va faire une tournée minimaliste, voulant se concentrer directement sur la suite.

Les singles sur 1993 J'appuie sur la gâchette sont deux morceaux emblématiques de NTM. Le premier est "J'appuie sur la gâchette", un morceau très engagé qui va mettre un scène une personne qui n'a plus d'attache dans la vie et qui décide de se suicider. Les paroles, certainement trop virulentes pour les médias, vont freiner cette chanson dans son ascension et elle ne pourra jamais atteindre le succès commercial escompté. Cependant, ce n'est pas le cas pour "Pour un nouveau massacre" qui est bien plus accessible, n'étant ni plus ni moins qu'une mise en garde de Kool Shen sur ce qui va se passer dans cet album, et la puissance avec laquelle il compte nous envoyer ses rimes. Les arguments défilent sur une production qui va à toute allure, et les rappeurs arrivent à nous convaincre de tendre l'oreille un peu plus attentivement et de se plonger dans l'ensemble du projet.

Les bonnes idées s'enchaînent dans cet album. Que ce soit par la prestation énorme de Kool Shen sur "Police", la spontanéité qui fait mouche dans l'interprétation de Joey Starr sur "Prisonnier du passé". Le titre "De Best" fait mouche et nous gratifie de la présence du reggaeman BIG RED, tandis que "Dans le vent" brille par son instrumentale funky et énergique au possible. Cependant on ressent une certaine lassitude à l'écoute de "Sur 24 pistes", ou "C'est clair pt2", qui seront rattrapés par la qualité de titres tels que "La révolution du son".

Cet album prouve s'il le fallait que NTM est l'un des groupes les plus engagés de France. Les thèmes ne divaguent pas, même l'exercice d'égo-trip, pourtant tellement apprécié dans le monde du hip-hop, est une discipline qui est très peu pratiquée par les deux rappeurs. 1993 J'appuie sur la gâchette s'inscrit comme une suite logique du premier album de NTM, si ce n'est qu'il souffre d'un manque de synergie entre les deux rappeurs. Kool Shen et Joey Starr ont cependant encore des choses à prouver et à dire, et la montée en puissance est encore loin d'être freinée. Si ce projet ne s'inscrit certainement pas comme leur meilleur, il est nécessaire dans l'établissement d'un groupe qui se cherche encore, surtout en termes d'instrumentations. Le meilleur reste donc à venir.