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MUSIQUE ROMANTIQUE RUSSE  |  OEUVRE

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Modest MOUSSORGSKI - Tableaux D'une Exposition (karajan) (1886)
Par MARCO STIVELL le 4 Janvier 2019          Consultée 1674 fois

Modest MOUSSORGSKI, le plus torturé du Groupe des Cinq (RIMSKI-KORSAKOV, CUI, BALAKIREV, BORODINE, lui), celui qui a le moins produit, et pourtant le plus talentueux. C'est ce que l'on retient, le portrait que l'on pourrait faire de ce grand monsieur de la musique russe. On l'accrocherait à la fin de la fameuse exposition qui, ainsi mise en sons, est devenue l'une des plus célèbres du 3ème art (la peinture), transposée au 4ème (la musique).

En voulant rendre hommage à son ami Victor Hartmann, peintre parmi les plus importants d'une nouvelle génération d'artistes issus de Mère Russie et parti trop vite en l'an 1873, MOUSSORGSKI crée une oeuvre impressionniste d'une grande force. Elle est composée en une vingtaine de jours seulement, au début de l'été 1874, et suite à l'exposition dédiée au défunt Hartmann. Au début, ce sont dix pièces de piano solo, mais avec le temps, les Tableaux d'une Exposition ("Kartinki s vystavki") trouvent leur forme courante et définitive par le biais de représentations orchestrales.

Il est connu qu'un autre ami de MOUSSORGSKI et membre du Groupe des Cinq, à savoir Nikolaï RIMSKI-KORSAKOV, intervenait constamment dans les partitions de l'homme Modest, les corrigeant, les changeant, les complétant, si bien qu'il devient difficile de savoir à quoi ressemblait véritablement l'oeuvre d'origine. Celle-ci est d'ailleurs posthume, publiée en 1886, cinq ans après la mort de MOUSSORGSKI. Au moins, la trame est conservée : le compositeur déambule sur le lieu de l'exposition, il décrit chaque tableau qu'il voit en y consacrant une pièce, et il relie le tout avec un thème et variation simple et récurrent qu'il baptise "Promenade".

Ouverture gracieuse, légère, qui garde quelque chose de baroque, en s'éloignant des élans post-romantiques, WAGNER notamment, ce que souhaitait MOUSSORGSKI. On est sur un mode traditionnel très russe, la trompette menée par Karajan ralentit légèrement le tempo par rapport à d'autres versions et ce n'est pas plus mal. Si l'interprétation du maestro Herbert est citée parmi les meilleures existantes des Tableaux d'une Exposition, ce n'est pas pour rien : il réussirait presque à en gommer les défauts tant sa maîtrise de la moindre nuance et des enchaînements reste un régal.

L'oeuvre est en effet complexe, bien qu'étalée sur une grosse demi-heure à peine. Les "Promenades" deviennent de plus en plus intéressantes, y compris la troisième, pourtant très courte, car c'est là où, d'un début enjoué, on commence à sentir un changement dans l'harmonie, vers des tonalités plus sombres, en accord avec le fil conducteur narratif. Maurice RAVEL en personne, un des premiers chefs d'orchestre à avoir immortalisé les Tableaux d'une Exposition, avait supprimé une "Promenade" (située juste avant « Limoges ») qu'il jugeait superflue car trop conforme à une antérieure, tandis que Karajan, qui reprend la partition du Français en 1966 - l'enregistrement qui nous intéresse -, maintient celle qui se trouve entre les "Catacombes" et "Baba Yagà". À raison : cette harpe qui ressort timidement !

Quant aux tableaux, ils sont d'une réussite variable, au minimum correcte, et pour le meilleur, des idées grandioses. Vers les deux tiers de l'oeuvre, l'intérêt se trouve moins suscité par le "Ballet des poussins dans leur coque" et jusqu'à la fin des commérages de la populace de Limoges (apparemment inspiré par une brève période de la vie du peintre Hartmann lorsqu'il travaillait sur la cathédrale Saint-Etienne du chef-lieu limousin). Ce sont deux tableaux remarquables au moins pour leurs partitions de cordes époustouflantes, des danses russes fougueuses et encore une fois, la baguette de Karajan est pour beaucoup dans l'appréciation.

Le dialogue des deux Juifs "Samuel Goldenberg et Schmuyle" a de quoi nous émouvoir davantage, pour ses savants contrastes. De même, l'orchestre prend une ampleur de grand orgue sur la visite des "Catacombes" de Paris (incluant le "Cum mortuis in lingua mortua"), un mouvement étrange et contemplatif qui nous montre combien MOUSSORGSKI avait raison de s'entêter dans ses divagations, en marge d'autres compositeurs. A contrario, "La Grande Porte de Kiev", un des tableaux les mieux retenus en général, paraît trop consensuel et va-et-vient. C'est lumineux, grandiose, la "Promenade" est reprise intelligemment comme final de l'oeuvre, mais on préfère la légèreté de la deuxième mélodie et le crescendo qui "aère" la musique.

En matière d'optimisme, l'innocence des enfants des Tuileries est un délice, avec un jeu de clarinette superbe, comptine tempérée plus tard par les mystères qui entourent la "Cabane sur des pattes de poule" de la sorcière Baba Yagà et les maléfices qui en sortent. L'apport de percussions est massif, les instruments se perdent dans le lointain, on fait ce saut de septième au début, bel exemple de mélodie tarabiscotée. Et puis il y a le "Gnome" ("Gnomus") bien sûr, ce simple jouet ou casse-noisette de l'esquisse originale qui développe l'imaginaire du compositeur, avec ses roulements de cordes et ce thème rusé de célesta qui évolue en marche funèbre, avant l'explosion finale !

Restent encore deux thèmes dramatiques pour le moins fabuleux. "Bydlo" exprime le rocher de Sisyphe qu'est la vie paysanne, avec un crescendo/decrescendo puissant, porté par un piano dans les graves obstiné. Le plus beau reste évidemment ce "Vecchio Castello" ou "Vieux Château", admiration d'un édifice italien d'une beauté et d'une élégance rare. L'effet luth ou mandoline est palpable dans le rythme, mais il y a surtout cette introduction nocturne et brumeuse, très intense aux bassons. Le saxophone alto est l'instrument judicieusement choisi pour cette mélopée merveilleuse, et chez Karajan, il est tellement doux qu'on le prend pour une clarinette !

S'ils ne sont pas parfaits, ces Tableaux d'une Exposition font preuve d'audace et de diversité de propos (images populaires, contes, voyages). La richesse de composition et instrumentale donne envie d'y revenir régulièrement, et puis c'est une "oeuvre à programme", un vrai concept qui n'a pas volé son succès. Un mot en ce qui concerne l'interprétation rock et déjantée du groupe anglais EMERSON, LAKE & PALMER en 1971 (Pictures at an Exhibition), soit un siècle plus tard. Si on pardonne difficilement au groupe d'avoir saccagé le "Vieux Château", entre autres libertés excessives, il a le mérite d'avoir voulu, lui aussi, mettre un coup de pied dans la fourmilière, et d'avoir amené plein d'amateurs (dont votre serviteur) à écouter Modest MOUSSORGSKI.

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   MARCO STIVELL

 
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- Modest Moussorgski (compositions)
- Maurice Ravel (orchestrations)
- Herbert Von Karajan (direction d'orchestre)
- L'orchestre Philharmonique De Berlin


- tableaux D'une Exposition, Orchestrés Par Mauric
1. Promenade
2. Gnomus/le Gnome
3. Promenade
4. Il Vecchio Castello/le Vieux Château
5. Promenade
6. Tuileries, Disputes D'enfants Après Jeux
7. Bydlo
8. Promenade
9. Ballet Des Poussins Dans Leur Coque
10. Samuel Goldenberg Et Schmuyle
11. Limoges, Le Marché, La Grande Nouvelle
12. Catacombae, Sepulcrum Romanum
13. Cum Mortuis In Lingua Mortua
14. Promenade
15. La Cabane Sur Des Pattes De Poule (baba Yagà)
16. La Grande Porte De Kiev



             



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