Originaire de Caroline du Sud où il voit le jour en juillet 1937, Chuck JACKSON va réussir à traverser les décennies. Il se produit toujours sporadiquement dans le circuit rétro et celui des chanteurs de charmes.
Passé, comme 98% des chanteurs afro-américains, par la chorale de son église, Chuck Jackson intègre les Raspberry Singers, formation basée à Cleveland, avant de rallier les Del-Vikings, un quartet de Doo-Wop constitué à l’origine de membres des forces armées. En 1957, le quartet se fait un nom en intégrant les charts avec « Come Go With Me » et « Whispering Bell » qui montent tous deux sur la 5ème marche des podiums. Si la formation est l’une des premières à tomber dans la mixité, le succès ne durera pas essentiellement pour des raisons juridiques. Passé d’un micro label comme Fee Bee Records à Dot ne se fera pas sans douleur, le groupe se scindera en deux avec d’un côté Kripp Johnson et de l’autre les quatre autres membres dont notre Chuck. On retrouve alors la formation sous plusieurs noms The Versatiles, The Del-Vikings et enfin The Dell Vikings.

Chuck Jackson va servir d’ouvreur pour Jackie Wilson tout en enregistrant une poignée de singles pour d’obscurs labels parfois sous des noms d’emprunt (Charles Jackson, Chuck Flamingo). Mais c’est sa rencontre avec le producteur Luther Dixon qui va lui permettre de signer chez Wand Records, sous-marque de Scepter le label fondé par Florence Greenberg.

En 1961, Chuck Jackson enregistre son premier disque « I Don’t Want To Cry » qui atteint à la fois le Top Ten R&B et le Top 40 Pop. Une sacrée surprise pour un label nouveau venu et un chanteur qui n’a ni la puissance émotionnelle d’un Wilson PICKETT, ni la cohérence de Bobby « Blue » BLAND, ni le dynamisme de James BROWN ou la fantaisie de Lee Dorsey. A peine dix mois plus tard, il remet le couvert avec « Any Day Now ». Sur les douze titres du disque, huit seront édités en singles dont six regroupés sur trois 45 tours.

Alors, si le disque avait fait une entrée fracassante dans les classements américains de l’époque, la galette diffuse aujourd’hui comme un arrière-goût de rassis ou de produit périmé. L’orchestration, les arrangements et la direction artistiques devraient se tenir au premier rang des accusés, Chuck Jackson fait du mieux qu’il peut avec ce qu’on lui a refourgué. Le label Wand qui n’avait pas été capable de faire monter dans les charts « Nobody But Me », une tuerie des Isley Brothers, allait en réalité marcher sur les traces de la Motown en développant une Soul lisse, urbaine et souvent d’une affligeante platitude. De la Soul Pop noire à destination d’acheteurs blancs ou d’un public amateur de chanteurs de charme. Contrairement à la Stax, Hi Records, Chess et Atlantic, Wand va préfabriquer la plupart de ses artistes, les confiant à des équipes de songwriters réputées tout en leur façonnant une voix et une image bien proprette sous fond d’une avalanche de cordes, de violons, de chœurs souvent bien sucrés et de cuivres.

N’allez pas croire que tout est à jeter dans ce disque. En ouverture « I Keep Forgettin’ » fait largement illusion, le vibraphone reste sympathique et sobre et le chant n’est pas trop pollué par des chœurs intempestifs. Un morceau qui au fil des années connaîtra de bon repreneurs (Roger Chapman, Michael McDonald, Ringo Starr et les poids lourds Bowie et Cocker). En seconde position, « Any Day Now » qui donne son titre au disque sera le plus gros succès du chanteur avec une 23ème place dans les hit-parades. Repris près d’une soixantaine de fois (on conseille les versions d’Alan Price Set, Carla THOMAS, Oscar Toney Jr., Mitch Ryder) et mis à la sauce Country Soul par une brochette de countrymen sans feeling, le titre connaîtra une seconde vie via la reprise d’Elvis PRESLEY en face b de « In The Ghetto », une version pourtant quelconque.

« Make The Night A Little Longer », une compo du tandem Carole King/ Gerry Goffin, diffuse encore un certain charme, mais on ne peut s’empêcher d’avoir une préférence pour les versions des Shirelles ou de Dionne Warwick, (deux autres artistes Wand). « Everybody Needs Love », une compo de Luther Dixon et Chuck Jackson peut encore faire illusion en clôture de disque. Avec son intro Country Blues à l’harmonica, « Angel Of Angels » aurait pu se situer dans la bonne tranche si le titre n’était pas encombré de cordes et de chœurs bourratifs, la voix de Jackson méritait mieux.

Alors si un tiers des pistes navigue entre l’excellence et l’honorable, les deux tiers (CQFD) s’avèrent aujourd’hui bien difficiles à digérer, la faute à une orchestration vieillotte, des chœurs qui tombent comme à Gravelotte, des arrangements « bling bling » et une production quelque peu rétrograde. Chuck Jackson sera plus tard l’auteur de quelques duos méritants avec Maxine Brown, Tammi Terrell et Sylvia. Note réelle 1,5