La Finlande n’a guère laissé de traces marquantes en matière de musique. Les Hurriganes s’étaient illustrés dans le Pub Rock durant les seventies mais disparaitront au milieu des eighties. Le groupe semi parodique et hyper décapant The Leningrad Cowboys, des mecs avec des coiffures de ouf, prendra la relève durant les années 90 et puis c’est à peu près tout.

Le pays peut désormais compter sur une nouvelle perle avec Ina FORSMAN. Après un premier disque enregistré en 2013 avec le Helge Tallvist Band, Ina s’est fait remarquer par Ruf Records qui l’a propulsée avec succès sur les scènes européennes. En 2016, la finlandaise enregistrait un second disque éponyme salué par la critique internationale. 2016 s’annonçait décidément comme une bonne année pour la Finlandaise qui participait au disque « Blues Caravan 2016 » en compagnie de Layla Zoé, qui hurle plus qu’elle ne chante, et de Tasha Taylor.

Ce nouvel opus dont le titre laisse présager plein de nouvelles chansons a bien failli ne pas voir le jour. Lors d’un séjour à New York, Ina Forsman a perdu son téléphone dans lequel figuraient toutes ses chansons. Il lui faudra près de deux ans pour concocter un nouvel opus de douze titres. « Been Meaning To Tell You » s’avère encore une fois un album bien personnel, Ina a écrit tous les textes, Anna Wilkman et le pianiste Samuli Rautiainen (ex Plastic Tones) lui ont donné un coup de pouce sur dix mélodies.

Enregistré à Austin, au Wire Recording Studio en mars 2018 et produit par Mark « Kaz » Kazanoff, présent sur le disque précédent et déjà entendu avec Jimmie VAUGHAN, W.C. Clark, Marcia Ball ou Anson Fuderburgh, ce nouvel opus surprend par un patchwork particulièrement éclectique. C’est bien sûr la voix, tour à tour suave, sexy, complice, puissante, compatissante et terriblement expressive qui retient l’attention. En ouverture, « Be My Home » pourrait s’inscrire comme un Gospel Jazzy crépusculaire. Elle accentue le tempo avec « Get Mine », excellent titre avec la grosse basse bien ronde de Chris Maresh (ex Eric Johnson, Pinetop Perkins et Sue Foley). « All Good » nous renvoie entre Jazz, Acid et un répertoire à la Kate Bush tandis que « Genius » s’oriente sur un Blues Soul Jazzy cuivré dans lequel la guitare de Laura Chavez (ex Candye Kane) s’offre un solo aussi efficace que sobre.

On ignore le nombre de chanteuses victimes de harcèlement sexuel, mais le sujet a visiblement intéressé la Finlandaise. Dans le sillage de l’affaire Weinsten et du mouvement Me Too, Ina délivre deux chansons « Whatcha Gonna Do » et « Why You Gotta Be That Way » se plaçant du côté de l’homme harceleur pour la première, la seconde mettant en scène une fille qui veut juste pouvoir faire son job alors que le gars n’a qu’une chose en tête.

Le Blues n’est bien sûr pas oublié, « Miss Mistreated », un brin cosy, révèle une puissance qu’on n’imaginait pas chez la chanteuse qui nous donne pour le coup un sacré frisson. « Who Hurt You » conte la fin d’une relation violente dans un couple sur une mixture de Soul alors que « Every Single Beat » propose un beau voyage avec cuivres et rythmes latinos. « Chains » propose une habile construction conjuguant work song avec percussions tribales vite remplacées par une section cuivre et un orgue classieux.
Le disque s’achève avec l’impressionnant « Sunny » chanté a capella pendant plus de trois minutes, titre qui évoque par sa force émotionnelle certaines chanteuses de l’âge d’or du Gospel.

Certains trouveront que cet opus tourbillonne un peu trop et qu’à l’instar de certaines abeilles qu’il finit par se perdre en route. Mais si vous êtes amateur d’éclectisme, de fantaisie, de chant puissant et de beaux textes cet album devrait vous aller comme un gant. Signalons pour conclure qu’on aura une préférence pour cette pochette par rapport aux productions de cette excellente chanteuse. Il ne manque à cet album qu’un Hit capable de propulser Ina sur les ondes. A toute fin utile, Ina Forsman excelle généralement sur scène et ne laisse pas le public indifférent. Peut-être la meilleure trouvaille du label Ruf ! Cet album éclectique difficilement classable sera rangé dans le tiroir du Blues.