Le Requiem de Joseph-Guy-Marie ROPARTZ, ou seulement Guy ROPARTZ tel qu'il est mieux connu, est une oeuvre qui devait être créée pour la fin des années 1910, or cela n'arrive que vingt ans plus tard, en 1938, à Angers. Elle n'a que rarement été interprétée ensuite, et sur le plan discographique, il n'existe pour l'heure qu'une seule référence, celle de Michel Piquemal (homonyme de l'écrivain jeunesse) dirigeant l'ensemble Jean-Walter Audoli et publiée en 1991.

L'existence du Requiem tient sur plusieurs décennies, à l'image de la vie de son compositeur qui a connu les trois guerres déchirantes entre la France et l'Allemagne, depuis la fin du Second Empire. Le troisième et dernière, toute proche en cette année 1938, n'est pas encore survenue, mais Guy ROPARTZ, Breton de sang et de coeur conduit par une grande foi catholique, ne se soucie guère des tensions socio-politiques à travers une oeuvre qui échappe au temps et pleine de majesté.

Contrairement à Gabriel FAURÉ qui, à travers son effort similaire et plus que connu, joue grandement sur son discours agnostique et renverse beaucoup de choses, le Requiem hélas moins connu de ROPARTZ fait preuve de la dévotion la plus grande et pour un résultat équivalent. Ce n'est pas un mince exploit, et un non-croyant/pratiquant peut s'y retrouver tout autant que chez FAURÉ, pour peu qu'il soit sensible aux envolées mélodiques vocales dans un certain contexte. Pour conclure cette analogie, les deux Requiem reprennent la même sélection de mouvements considérés comme « importants », au détriment des autres (le « Dies irae »).

L'empreinte bretonne de ROPARTZ, détachée du folklore quand il s'agit de musique, se ressent à travers des vagues qui donnent un parfum marin aux arrangements de l'orchestre comme du choeur. Parfois, elles sont très douces et à d'autres moments, houleuses, mais la maîtrise d'un point de vue écriture est incontestable dans les enchaînements, la gestion des nuances, ensuite l'interprétation.

Le Choeur Régional Vittoria d'Île-de-France immortalise cette oeuvre sous la direction de Piquemal et lui donne un corps tout à fait séduisant. La soprano Catherine Dubosc, pour ses quelques parties solistes (sur l' « Introït », le « Pie Jesu »), contribue beaucoup à cette réussite, contrairement peut-être à la mezzo Jacqueline Mayeur dont, d'un point de vue personnel, j'apprécie moins le timbre guttural. Le « Libera me » est de toute façon le mouvement le moins convaincant de l'oeuvre.

Le reste du temps, l'orchestre accompagne le choeur et tente de timides apparitions, que ce soit aux cuivres, aux flûtes ou hautbois, mais à part un peu sur le « Libera me », il n'y a aucune impression de lourdeur. La chorale, outre les vagues, marque des silences brefs pour revenir en pianissimo (volume très faible, dans un espace qui semble lointain à l'auditeur) et ce sont précisément ces instants qui nous marquent, mieux encore que les crescendos/decrescendo.

La fragilité du « Kyrie » s'oppose aux montées glorieuses du « Sanctus », mais la beauté reste égale. Les cordes et les hautbois s'illustrent à divers moments de l' « Agnus Dei », tandis que le lumineux « In paradisum » emporte et accueille l'auditeur au son des voix féminines, angéliques, d'une grande pureté. L' « Introït » a, plus que les autres mouvements, quelque chose de cinématographique dans la mélancolie qu'il distille... Que l'on soit ouvert ou non à la religion, Le Requiem de Guy ROPARTZ est bel et bien une oeuvre à écouter, encore et encore !