Etre prolifique c'est bien, et en évoluant c'est encore mieux. SCYLLA en fait son combat, aucun album n'aura à souffrir d'une comparaison avec le précédent, chaque projet est unique. Les similitudes qui pouvaient se faire ressentir entre Abysses et Masque de chair ponctuaient pourtant d'une évolution majeure du rappeur, qui optait pour un flow plus tendre et moins incisif. Quand aux mélodies, avec le nouvel album Pleine Lune le rappeur nous confirme ce qu'il expérimentait sur Masque de chair. La confrontation voix et piano s'avère être d'une efficacité redoutable, il choisi donc d'en faire le thème de son nouvel album.

Depuis le début, les envols pianistiques du rappeur SCYLLA ont été accompagnés par le talentueux Sofiane PAMART. Il ne déroge pas à la règle sur Pleine Lune et compose l'album entier avec le pianiste. Une démarche qui va découler un album doux, mélodieux et attachant. "On m'reconnait entre des milliers de voix autant que Scylla et Furax". Le rappeur L'HEXALER, confrère belge et ami de SCYLLA, avait scandé ces rimes dans "Les Yeux fermés" présent sur l'album Testa Nera de FURAX. Loin de pouvoir lui donner tort, notre rappeur à la voix unique va néanmoins opter pour un revirement de style dans une ambiance beaucoup plus douce et mélancolique, à milles lieues des travers dans lesquels nous l'avons connu avec son EP Immersion.

Oubliez le SCYLLA qui pose parfaitement sur la rythmique, oubliez aussi celui qui avait une voix toute droit venue des bas-fonds, rappelant les ténèbres. Le rappeur nous ouvre la voie avec "Château dans le ciel", morceau dont la douceur dressera les poils sur la peau de certains, tandis que d'autres trouverons leur compte dans l'ambiance inquiétante de "L'enfant et la mer", morceau plus mélancolique. Les espoirs d'émancipation sont légion dans les textes de SCYLLA. On les retrouve assez régulièrement, et "Clope sur la lune" n'y déroge pas. La collaboration avec le talentueux ISHA en fait une des pièces les mieux ficelées du projet, sans trop de failles. On trouve également un SCYLLA qui pousse la voix jusqu'à chanter, et cela est plus que plaisant.

L'alchimie qui découle de la collaboration entre SCYLLA et Sofiane PAMART est grande. Pleine Lune est un album plein de beauté, cachant quelques traits de noirceur tout de même. Les interludes musicaux qui proposent à la fois un piano doux et mélancolique sur "Constellations" et une énergie rythmée et épique sur "Nakama" prouvent les qualités artistiques du pianiste. Cela ne retire cependant aucun crédit à la prestation de SCYLLA. Il nous prouve dans "Blade Runner" sa capacité d'écriture en rédigeant un texte à l'effigie du film éponyme. La tentative de positivisme se retrouve souvent dans les textes tout le long du projet, "Petit Prince" lui aussi apporte avec une beauté incomparable son lot d'émotions. Les titres "Le monde est à mes pieds" et "Ecoutez moi" sont quelque peu en retrait par rapport à la qualité générale de l'album. Tandis que "Voilier" étonne par son originalité qui nous rappelle les chanteurs de variété d'une trentaine d'années auparavant. L'un des morceau phares de l'album, "Solitude", est une pièce d'une tristesse réelle, comme seul SCYLLA peut les créer.

Finalement, pas grand-chose à redire sur le projet Pleine Lune. SCYLLA et Sofiane PAMART ont une belle synergie, tous les deux peuvent gravir les échelons pour arriver en haut de l'échelle. Si le talent réside dans les deux personnalités, je pense cependant que la collaboration se doit d'être unique. La beauté d'un album comme celui-ci serait amplifiée par l'aspect éphémère de la chose. Pour ce qui est du projet Pleine lune, on a entre les mains un album solide, qui ne conviendra certes pas à tous, mais qui a l'audace de risquer une évolution de style majeure. Chapeau bas SCYLLA, nous attendons la suite avec une impatience folle.