La ré-édition en vinyle il y a quelque mois des albums de TEENAGE FANCLUB est l'occasion parfaite pour revenir sur le chef-d’œuvre de ce groupe injustement oublié.
Formé à Glasgow à l'aube des 90's par Norman BLAKE, Norman MCGILEY et Gerard LOVE, le fanclub adolescent se fait rapidement connaître sur la scène locale en jouant une musique fortement inspirée par des groupes californiens comme les BYRDS ou BIG STAR, la distorsion en plus. Ils cesseront de faire péter les larsens pour leur troisième album, mais c'est véritablement Grand Prix, leur cinquième skeud, qui les fait percer temporairement -un petit succès aussi dû à Liam Gallagher d'OASIS qui dira d'eux qu'ils sont « le deuxième meilleur groupe du monde », compliment qu'il fit à d'innombrables autres groupes-.

C'est pourtant avec l'album suivant, l'objet de cette chronique, qu'ils atteignent pour la première fois les charts anglaises. S'ils connaissent un certain succès d'estime dans leur Albion natale, la chance ne leur sourit pas aux USA où ils sont boudés comme tant d'autres, malgré une tournée là-bas avec RADIOHEAD.
En dépit d'une carrière aujourd'hui plutôt longue (30 ans au compteur cette année !), la presse n'a jamais su dans quelle case les ranger. Au début adeptes d'un son abrasif qualifié de grunge à la va-vite, ils sont tout aussi hâtivement classifiés comme faisant partie de la vague Britpop dès lors qu'ils peaufinent un peu plus leurs sons. Le nom du disque est d'ailleurs un pied de nez à ce classement abusif, mais la question reste : TEENAGE FANCLUB est-il un groupe de Britpop ? On peut dire oui, dans la mesure où tous les groupes anglais des années 90 se virent tôt ou tard qualifiés de britpopers au point que cela ne veut plus rien dire, mais ceux pour qui le genre à encore une signification diront plutôt qu'ils se situent sur une frontière mince.

Le véritable atout du groupe qui lui permet de sortir du lot est d'avoir trois auteurs, trois songwriters qui se partagent équitablement l'affiche. Des douze chansons du disque, chacun d'eux a le droit à quatre moments pour s'exprimer et cela leur permet d'aborder des sujets qui sont autant de petites tranches de vie. Il y a dans ces Songs of Northern Britain des histoires d'amour, des petites joies et de grandes détresse. Mais avec une honnêteté et une passion pour leurs sujets loin du cynisme d'un Jarvis COCKER ou de l'humour caustique d'un Damon ALBARN. Maintenant, ajoutez à ces textes les influences déjà citées, et vous obtenez de petites pépites d'écriture qui font du bien. Reprendre les harmonies des BYRDS, les mélodies power-pop façon BIG STAR et BADFINGER (influence revendiquée par le groupe), bref la folie douce psychédélique des sixties à laquelle on ajoute une bonne influence SONIC YOUTH, DINOSAUR JR, bref, les chantres de l'alternative de la fin des eighties ? Il fallait y penser, et entre de bonnes mains écossaises ça passe tout seul. Sachant se faire tantôt acoustique (« Your Love Is The Place I Come From »), ou tantôt taillée pour le succès (« Ain't That Enough », la chanson du groupe qui se hissera le plus haut dans les charts britannique) mais n'oubliant pas de varier son propos en se faisant bucolique (« I Don't Want Control of You ») ou en insérant quelques synthétiseurs bien placés (« Planets »), il se dégage de cet album ce charme propre à ceux qui savent ne pas trop en faire et se contentent de jouer selon leurs envies.

Certains succomberont d'emblée, mais les récalcitrants, n'abandonnez pas et offrez-vous quelques écoutes supplémentaires : une fois que vos oreilles adopteront le propos des Écossais, il vous sera difficile de vous demander comment vous avez pu vous en passer jusque là. Et petite cerise sur le gâteau en guise de post-scriptum, la grande altiste Jocelyn POOK (qui a composé entres autres pour Kubrick sur Eyes Wide Shut, Scorsese pour Gangs of New-York...) est présente sur cet album. Que demander de plus, vraiment ?