A la base un super groupe de la cote ouest américaine, même si cette expression renvoie à une réunion de rockeurs classiques, très souvent utilisée depuis les années 70. Le line-up ? Deux futurs MUDHONEY, deux futurs MOTHER LOVE BONE et PEARL JAM .Soit la crème , si on peut dire, de ce rock bruyant que l’on va appeler « grunge ». Dès 84, ce commando est opérationnel, à l’avant-garde du raz de marée grunge qui va bouleverser les codes de la musique dure quasiment sept ans avant son assourdissante médiatisation.

Le chanteur, Mark Arm est un punk dans l"âme écoutant CRASS durant cette période chaotique mais s’intéressant depuis peu, aussi à l’héritage seventies de BLACK SABBATH (d’après la légende, il se serait cassé d’ailleurs le nez sur un morceau du gang à Toni Iommi). Avec son accolyte guitariste Steve Turner épris de sons garage, il avait auparavant monté les improbables MR EPP, à la fois artys et brutistes, voulant se distinguer de la scène hardcore jugée trop rigide, à leurs yeux, avec ses codes quasi paramilitaires.

Les autres membres de GREEN RIVER, Jeff Ament (qui vient toutefois du punk hardcore avec les brefs DERANGED DICTION) et Stonne gossard versent surtout dans le heavy rock traditionnel à la AEROSMITH et aussi à des choses plus extrèmes comme VENOM. Et c’est là que le résultat devient mi figue mi raisin, car tous ne s’entendent pas sur leurs goûts musicaux. Mark Arm s’entiche pareillement de groupes australiens swamp high energy excellents comme les SCIENTISTS alors que Jeff et Stonnes adorent la production de groupes devenus hair metallisés comme, ahem, WHITESNAKE… Le seul point commun qui met tout le monde d’accord, c’est la bande à OZZY, car le Sabbath noir ne passe pas trop à la radio, ce qui lui donne un parfum encore underground.

Leur second ep Dry as a bone (il s’agit ici de la version Deluxe ) enregistré par le sorcier de ce nouveau son caractéristique, Jack Endino, s’inscrit donc dans ce courant pas encore baptisé grunge à l’époque à Seattle, la nouvelle Mecque pour tous ces combos en recherche de sonorités abrasives. Endino a joué dans Skinyard, précurseur aussi de cette vague. Il annonce en effet l'évangile d’un genre mélant à la fois la vélocité du punk rock et la lourdeur d’un métal trempé dans les turbulentes seventies. Le coté proprement hard rock, sauce années 70, ressort sur "This town" avec ses riffs zeppeliniens massacrés. De même, "pcc" possède une structure doomesque. "Ozzie" (déjà le titre) sonne comme du heavy sale, "Bazaar" comme une sorte de blues métallique furieux.

L’aspect punk apparaît évidemment avec les vocaux colériques de Mark Arm marqués par les grunts iggyesques sur "One more stich" entre autres ou les délires vocaux à la Stiv Bators particulièrement au début de "Together we’ll never". En évoquant le leader frénétique des DEAD BOYS, "Baby takes" ou "31000" évoquent presque du LORDS OF THE NEW CHURCH, en quand même plus musclé . "Ain’t nothing to do", la reprise d’un titre furibard des DEAD BOYS est quasiment du copier/coller. Sur "This little boy", on dirait que les membres du GUN CLUB s’amusent à faire du heavy métal.

Un peu garage, un peu punk, un peu métal… On sent ainsi que le groupe, aux multiples références, cherche une voie particulière. L’ensemble peut sembler encore un peu bâtard mais les dogmes d’un nouveau son annoncent la bruyante chrysalide en devenir.