Depuis quinze ans, la carrière de Michelle BRANCH est un véritable gruyère à l'envers, à savoir que la matière pleine et première reste le vide, percé de rares "trous" créatifs et de plus en plus réduits. Cela a donné les WRECKERS, un album et un live, puis l'E.P. Everything Comes and Goes, une moitié d'album en somme, et un simple single, "Loud Music" (2011) pour préfigurer un album avorté.

Divorcée du bassiste Terry Landau au bout de dix ans, en 2014, BRANCH a rencontré Patrick Carney, moitié du fameux duo THE BLACK KEYS, devenu son nouvel époux. Alors qu'il est seulement batteur et producteur à l'origine, Carney s'avère une grande influence pour l'orientation de ce nouvel album tant attendu, Hopeless Romantic, et joue de plusieurs instruments. Paru en 2017, le disque permet à BRANCH de quitter la country pour s'aventurer en terre indie, sans recourir à Hannah Jones. Pardon.

Le line-up de ce disque est assez fort : quatre guitaristes (dont une chanteuse et trois choristes), tenant tous à varier leur palette sonore. Carney garde la batterie bien sûr, mais il joue aussi des claviers, aidé pour cela par BRANCH, Jake Blanton et Guy Seyffert, qui ajoutent basse, percussions etc à leur arc. La basse d'ailleurs est mieux mise en avant que la guitare, sur les premiers titres de l'album notamment. Le contrepoint avec la voix de BRANCH sur "You're Good" n'en est que plus saisissant.

Puisqu'on parle de la voix de Michelle, on l'a bien connue sur des terrains pop folk et country, en train de minauder avec une légèreté toujours appréciable, mais là, c'est une refonte plutôt large de sa carrière ! Et il faut reconnaître que ce style pop électronique lui va à merveille. Elle a non seulement mûri, mais en plus elle reprend pas mal de canons parmi ce qui marche en musique ces dernières années, sans que cela paraisse trop forcé, même s'il y a quelques concessions bien visibles, des tics de claviers.

L'ensemble est trop recherché pour être calibré, le son est brumeux sans être "lounge", grâce à des modifications de timbres (guitares, voix, synthés), des nappes discrètes, des Mellotrons sont incorporés avec un goût certain. Outre la basse, on peut apprécier de nombreux effets rythmiques piochés dans les années 60, twist, soul. La guitare suit, en arpèges, plus rarement en solo (le morceau-titre, au début faussement r'n'b), la voix de BRANCH passe d'une mélodie nonchalante à un refrain en voix de tête.

La ballade folk avec boîte à rythmes ("Knock Yourself Out") rencontre la pop élancée et cheeky/polissonne ("Living a Lie"), la soul presque traditionnelle ("Bad Side"), le funk lent et bien balancé ("You're Good"). Sur le papier, cela semble tout à fait plaisant et prometteur ; cependant, il faut savoir que le problème est là. On apprécie l'effort, la performance, la formule, mais en dehors de quelques fulgurances, il est difficile de voir Hopeless Romantic comme un disque essentiel et que l'on cite comme exemple d'efficacité à toute épreuve, de plaisir même.

Quelques baisses de régime et certains airs en boucle (ne serait-ce que le premier, "Best You Ever") ne doivent pas ôter les qualités de l'opus. Si Michelle BRANCH est bien sur le retour, on ne peut que lui souhaiter, ou de poursuivre dans cette voie, ou simplement de fournir un album plus convaincant.