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POST-PUNK / AMBIENT  |  STUDIO

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1979 The Bridge
 

- Membre : Thomas Leer
- Style + Membre : Robert Rental , Robert Rental & The Normal

Robert RENTAL & THOMAS LEER - The Bridge (1979)
Par JOVIAL le 7 Juin 2019          Consultée 1343 fois

Comme n'importe quel art, la musique est un monde injuste où la critique fait et défait les gloires. Elles sont ainsi légions, les œuvres oubliées dont l'excellence n'a pourtant rien à envier à celle de leurs sœurs glorifiées, sinon justement cette reconnaissance qui leur fait défaut et les condamne à rester dans l'ombre, trésors poussiéreux seulement connus de quelques passionnés aventuriers. Cette injustice semble d'autant plus grande lorsque le disque en question, outre sa qualité, aurait pu être une des pierres angulaires d'un genre qu'il a prodigieusement contribué à défricher, voire à créer, mais pour lequel d'autres ont récolté tous les suffrages.

L'exemple du jour s'appelle The Bridge, fruit d'une unique collaboration entre Thomas LEER et Robert RENTAL, deux natifs de Port Glascow débarqués à Londres, à l'apogée du mouvement punk et colocataires au moment des faits. Au crépuscule des seventies, l'un comme l'autre sont devenus des acteurs importants de la scène industrielle britannique dont émergent les jeunes pousses d'une new-wave balbutiante et pour l'heure encore relativement underground. Pour la petite histoire, Robert RENTAL est l'un des premiers à populariser l'usage du EDP Wasp, modèle de synthétiseur repris par la suite par les collègues de THROBBING GRISTLE et WHITEHOUSE, mais aussi par DEPECHE MODE et DURAN DURAN.

C'est sur Industrial Records, label de THROBBING GRISTLE, que sort The Bridge en décembre 1979. La chose ne doit pas étonner puisque nos deux Écossais étaient à l'époque des familiers du groupe de Hull. Pour son premier concert, Robert RENTAL a même partagé la scène avec celui-ci. Pourtant, à sa sortie, cet album dénote quelque peu à côté des Second et Third and Final Annual Report dans le catalogue du label. Car, à l'exception d'un titre (« Fade Away »), l'indus passe au second plan et nos deux compères lui ont préféré d'autres horizons.

À l'instar d'un certain Neu!'75, ce disque est à double visage. La face A est ainsi celle de Robert RENTAL adepte d'une synthpop primitive pouvant sembler conventionnelle de prime abord, après le très radical live en compagnie de The NORMAL. Sur la face B, on change de registre, et Thomas LEER expérimente l'ambient.

En pratique, The Bridge n'est néanmoins pas aussi bicéphale qu'il pourrait le laisser penser sur le papier. D'un côté comme de l'autre se dévoilent une sorte de mélancolie prégnante et un pessimisme parfois déroutant. Nos Écossais peignent une toile futuriste et urbaine, très proche finalement dans l'esprit des visions dystopiques de Daniel MILLER sur T.V.O.D. / Warm Leatherette et évidemment des pièces électroniques de THROBBING GRISTLE.

En face A, la musique reste finalement similaire à ce que le duo avait déjà expérimenté sur Paralysis, premier single de Robert RENTAL. « Attack Decay » déboule sans crier gare avec ses synthétiseurs répétitifs, véloces, et son ambiance lourde, presque méphitique, emplie de larsens et d'échos. Une piste plus loin, la crépusculaire « Day Breaks, Night Heals » utilise également le même procédé pour un résultat autrement plus respirable. Entre les deux, s'intercalent « Monochrome Day's » avec ses guitares brutes, morceau froid, très post-punk. Ici pas de boîtes à rythmes, mais au contraire des enregistrements « réels » de percussions qui donnent à la musique une dimension organique étonnante. Seul au chant, RENTAL apporte encore au spleen grandissant. Les compositions, simples, vont à l'essentiel, souvent enrichies de sons électroniques en tous genres. On mentionne même l'utilisation de « réfrigérateurs et autres appareils ménagers » ! Concernant la face A, il faut évoquer aussi l'ambient de « Connotations », exceptionnellement tourmentée et qui, suivant la logique de l'album, aurait dû figurer sur sa face B. Le groupe a cependant choisi de poursuivre avec « Fade Away », la plus « industrielle » entre toutes et semblant presque justifier ici la sortie sur Industrial Records. Fort heureusement, cette dernière ne gâche absolument rien à l'ensemble.

Seconde moitié du pont, le duo délaisse rythmes et chant pour se consacrer à des morceaux d'ambient pur. Le propos est minimaliste, sans pour autant se cantonner systématiquement à des couleurs froides. La très sombre « Six A.M. », qui aurait certainement pu plaire à John CARPENTER, fait figure d'exception. Au contraire, on décèle peu à peu sur « Interferon » puis « The Hard Way In & The Easy Way Out » une certaine délicatesse, une douceur rassurante s'extirpant du chaos des machines. En fermeture, « Perpetual » se révèle même curieusement apaisante.

Visionnaire, The Bridge l'était à plus d'un titre en 1979. New-wave, synthpop ou ambient : Thomas LEER et Robert RENTAL avaient ici anticipé beaucoup de choses. Ils font à l'époque le lien entre ces styles et leurs propres influences, du krautrock à Brian ENO, des SILVER APPLES au jeune post-punk, de CABARET VOLTAIRE à THROBBING GRISTLE. Méconnu du grand public, le disque a atteint la neuvième place des charts indépendants en 1980, d'où son influence possible sur une partie de la scène électronique britannique encore à naître à l'époque.

Pour finir, The Bridge est aussi et avant tout un très bon album, percutant dans sa première partie, magnifique dans la seconde. Quelques longueurs, notamment chez Robert RENTAL, viennent émailler ça et là la copie, toutefois pas assez pour faire descendre la note. Quarante ans plus tard, il est clair que certains morceaux ont mal vieilli (« Attack Decay », « Monochrome Day's »), bien que ce son daté puisse justement ajouter au charme de l'œuvre (« Day Breaks, Night Heals »). Ainsi donc, et selon la formule consacrée, voici bien un disque à redécouvrir d'urgence !

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- Thomas Leer (claviers/effets/...)
- Robert Rental (claviers/chant/...)


1. Attack Decay
2. Monochrome Day's
3. Day Breaks, Night Heals
4. Connotations
5. Fade Away
6. Interferon
7. Six A.m.
8. The Hard Way In & The Easy Way Out
9. Perpetual



             



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