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2016 Heimat
 

- Membre : Cheveu

HEIMAT - Heimat (2016)
Par JOVIAL le 27 Février 2024          Consultée 225 fois

Intrigante, cette pochette. L'original est un tableau d'Alexandre Lobanov, peintre russe interné à vie en hôpital psychiatrique, dont l'œuvre se résume surtout à une série d'autoportraits sur le modèle des icônes révolutionnaires soviétiques. Ici, on devine plutôt une guerrière, peut-être khmère, armée d'un invraisemblable Mosin-Nagant à double-canon, prête à combattre pour sa maison en arrière-plan. Cette maison, c'est sa heimat, terme allemand difficile à traduire en français, désignant à la fois le foyer et la région d'origine, le pays que chacun porte à l'intérieur de soi comme le définissait joliment la linguiste Waltraud Legros. Mais quel est donc ce chez-soi que souhaite défendre les Français d'HEIMAT ? Composé d'Olivier Demeaux, transfuge de CHEVEU, et d'Armelle Oberle, que l'on a notamment entrevue au sein de The DREAMS et BADABOUM, le duo nous fait découvrir une patrie que même les géographes les plus renommés ont bien du mal à localiser.

HEIMAT est un pays tropical. Ne consommez aucune plante, la plupart sont toxiques. Une jungle étouffante recouvre l'ensemble du territoire, seulement trouée de quelques sentiers menant à des pagodes cachées. Soyez attentifs, car quelques vestiges de villas romaines peuvent être observés sous l'épaisse végétation. Les locaux s'expriment volontiers en dialetto, mais préfèrent de loin converser en Platt. Albert Speer y aurait passé des vacances formidables à sa sortie de prison, entre parties de chasse au tigre, visite du Trocadero et prière sur le parvis de Saint-Pierre. Surtout, ne cherchez pas à comprendre, vous vous perdriez encore plus.

Ne cherchez pas non plus à mettre une étiquette sur la musique d'HEIMAT, celle-ci n'a tout simplement pas encore été imaginée, aux confins de la pop, du post-punk et des musiques électronique et ethnique. De son côté, Olivier Demeaux s'est d'abord amusé à découper puis assembler des samples de traditionnels coréens, japonais, laotiens et indonésiens, d'où ces sonorités extrême-orientales qui affleurent partout dès les premières minutes du disque. Passée la porte du studio, Armelle Oberle improvise des textes à la fois en francique lorrain et en dialecte italien, déclamant à la manière d'une Siouxsie-Nico des montagnes du Trentin. Des claviers en mode 8-bit viennent enfin charpenter l'ensemble, le tout calé sur une boîte à rythmes répétitive. Si l'écoute peut légitimement s'avérer déstabilisante au départ, cet album ne quittera bientôt plus votre platine. Il en émane quelque chose d'étourdissant, comme une touffeur soudaine, mais le dosage des loops et des rythmiques est toujours suffisamment intelligent pour ne jamais nous laisser des maux de tête. Les samples apportent une touche exotique qui contraste parfois avec la dureté des arrangements électroniques et le chant, sans pour autant nous sembler dissonants.

Heimat surprend par la cohérence de son art et la richesse de ses ambiances. Du rythme en guise d'amuse-gueule, avec "Weider Ja!" et "Dein Archiketk", excellentes entrées en matière, parfaits exemples de cette association improbable du gamelan et d'une langue germanique, tous deux réunis sous l'égide de l'électronique. "Pompei" réadapte la formule, lui conférant encore plus de vigueur, sous forme d'une marche glorieuse dans les ruines illuminées. On prend aussi sa claque sur "Tot und Hoch" à l'impressionnante montée en puissance, nous laissant frissonnant, tout juste prêt alors que "Trocadero" enchaîne, plus profonde, magnifique même, tandis que des violons répondent au chant d'Armelle.
Au milieu de l'album, "Flutath" offre un court intermède sud-asiatique, respiration d'ailleurs plus que bienvenue avant que des morceaux plus sombres ne viennent prendre le relais. Le fiévreuse "So Traurig" tout d'abord, où l'atmosphère commence sérieusement à froidir, puis "Afrikistan", lourde et brute, frôlant le mauvais trip. Après s'être repenti à genoux devant la sainte "Pietrocitta" bionique, "Wek" conclut enfin dans le calme d'une nuit sans lune. Les percussions ont disparu, ne subsistent plus que le chant et des nappes froides, fin du voyage, retour au béton et au métal.

Original et parfaitement maîtrisé, ce premier album est l'une des meilleures sorties du label Teenage Menopause Records, dont le catalogue s'enrichit ici encore d'un nouvel ovni, insolite et fascinant. S'il expérimente, le duo ne donne jamais l'impression de tâtonner et fait preuve ici d'une maturité surprenante, comme si plusieurs autres disques avaient précédé celui-ci. N'ayez pas trop peur de prendre un coup de fusil et approchez-vous donc : HEIMAT vous offre un nouveau foyer.

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   JOVIAL

 
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- Armelle Oberle (chant)
- Olivier Demeaux (tout le reste)


1. Wieder Ja!
2. Dein Architekt
3. Tot Und Hoch
4. Trocadero
5. Flutath
6. Pompei
7. So Traurig
8. Afrikistan
9. Pietrocitta
10. Wek



             



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