On aurait pu rattacher ce disque à la discographie de MARIPOL dans une volonté de largesse, pourtant l'ordre de la nomination a été bien choisi. Plus qu'un disque de la poétesse bretonne, c'est celui de Jean-Paul GRAFFARD, architecte sonore de presque tous les albums de son épouse. Une oeuvre de famille néanmoins, car leur fils Gweirydd y participe ainsi qu'un vieil ami, Bernard BENOIT (dont la discographie est également proposée en ces pages), crédité comme technicien.

C'est comme si, après Bleu d'Océan (2012), et notamment l'enregistrement du dernier instrumental de ce disque, "Aurore de mai", GRAFFARD avait eu l'idée de continuer dans cette veine pour le prochain effort. Inceltitude est un disque fait de quatorze histoires sans paroles, mais point dépourvues de la belle voix de MARIPOL qui vocalise, comme sur "Aurore de mai", avec Gweirydd Graffard en deuxième voix sur deux ou trois titres.

L'ambiance pour ce travail presqu'entièrement échu aux claviers/programmations est magique à souhait, différemment des derniers albums à textes de MARIPOL (Femme de sable et d'Eau, Bleu d'Océan). C'est cette faculté à raconter les légendes, les histoires de marins, les romances sur un ton très celtique, plus gaélique encore que breton, et sans utiliser des mots. Juste des "aah" et des notes de harpe, de cordes, d'accordéon, de percussions tout droit sorties des synthétiseurs que beaucoup d'artistes ont utilisés à la façon des enchantements de Merlin, depuis le milieu des années 70.

La première à qui l'on pense, c'est ENYA, la fée irlandaise avec sa manière unique, très enfantine, de développer un tel univers. "Appel des îles", "Aurore de mai" (maintenant qu'on y pense !), "Landes et marais", "Souffles d'automne" ont ce son froid et ces aspects divers qui les rapprochent les uns et les autres, avec des cordes jouées en pizzicato, parfois valsées, des harpes peu authentiques certes mais enivrantes.

Et les mélodies ! Héroïques, suaves, elles nous emportent dans leur tourbillon imaginaire et on voudrait y rester. On pardonne le fait d'avoir raccourci certains thèmes. Sur "Tombelaine" s'ajoute un guiro très latino aux côtés des autres percussions, tandis que les claviers déploient un air des plus médiévaux. "Barque de pierre" marche à trois temps aux sons du banjo et de l'accordéon, "Mystères sous la lune" qui porte bien son nom trafiquote les voix d'instruments doucement bercés et ramenés par les vagues sur le rivage.

Inceltitude n'est pas toujours éloigné des disques d'artistes spécialisés en musique naturelle ou de relaxation, mais on trouve parfois de belles choses dans ces derniers. De plus, on sent bien l'empreinte d'un duo musical GRAFFARD/MARIPOL habitué aux chansons. Si la mélodie de l'"Appel des îles" a bel et bien accueilli le roi Arthur pour sa dernière demeure, il ne pouvait espérer mieux ! Idem pour les "Nuages sur la mer" qui évoquent mieux la gwerz bretonne.

Le traitement jazzy de "Lever du jour sur les salines" est intéressant. Les tambours opposés à la douceur des voix de "Tintagel" nous vont droit au coeur, de même que l'air des "Landes et marais", à en donner des frissons (et ce "faux" tin whistle !). C'est tellement beau! Une vraie petite merveille que ce disque et un cadeau idéal de la part d'artistes talentueux que l'on a connus pour autre chose pourtant. Si vous aimez une personne sensible à ce type de musique, de grâce, faites-le lui partager pendant un long câlin...