John Jacob MALONE voit le jour en 1935 dans une bourgade perdue d’Alabama. Comme beaucoup d’autres, il se met au chant en fréquentant sa paroisse puis décide de se mettre à l’harmonica et à la guitare, instruments qu’il maîtrise parfaitement à treize ans. Il faut dire que Charlie, son paternel, est un as du bottleneck jouant principalement dans les églises. Quelques temps plus tard John se met à l’orgue et rejoint la Californie où il ne va cesser de jouer comme accompagnateur ou comme vedette. A sa démobilisation de l’Air Force, il monte son premier groupe The Rockers au milieu des fifties. Deux ans plus tard, la formation se transforme en Tops In Blues avant qu’il ne fonde The Rhythm Rockers avec le regretté Troyce Key.

J.J. connait son plus grand succès (le seul) en 1972 avec un single édité par le label Galaxy regroupant « It’s A Shame » et « Danger Zone ». Grand ami du lap steel guitariste Sonny Rhodes, Malone aura écumé tous les clubs et les bouges de la West Coast pendant des années tout en s’occupant de sa boite de nuit. Parallèlement à ses activités, Malone deviendra sideman pour la firme Fantasy, accompagnant au fil des années Little Johnny Taylor, CREEDENCE CLEARWATER REVIVAL, Big Mama Thorton, mais aussi Etta JAMES, Al Green et Joe Simon.

Enregistré en janvier 2001 au Laughing Tiger Studios, un petit studio basé à San Rafael entre Oakland et San Francisco, là où Tommy Castro, Elvin Bishop, Gregg Allman ou Van Morrison viendront poser leurs guêtres, « And The Band Played On » diffuse une chaude et conviviale ambiance. Avec ces douze titres, J.J. Malone casse les codes en superposant des morceaux parfois inclassables. D’entrée de jeux, on se laisse prendre avec « The Band Played On » qui place le disque sur orbite. C’est chaleureux, la voix trainante et rocailleuse de Malone et l’harmonica de Jill Baxter seraient capables de faire danser une bande de culs-de-jatte. Non content de faire danser son petit monde, le guitariste nous offre de superbes arrangements, « Blues Is Comin’ Down » oscille entre California Blues et Swamp aussi boueux qu’entrainant. Mais paradoxalement si Malone propose ici des titres difficilement classables, le guitariste parvient étonnement à créer une solide cohésion en mêlant des titres rapides à des médiums. S’il est le principal pourvoyeur avec pas moins de neuf compos, le guitariste nous assène trois reprises se mariant parfaitement avec le reste.

Malone a assez de métier pour laisser reposer les chevaux quand le besoin s’en fait sentir. « Down That Lonesome Road » est un modèle de Blues lent dont on aimerait qu’il dure encore et encore. Sur le médium « Come Boogie With Me » qui prend parfois une coloration Jazzy, c’est Malone en personne qui joue de l’harmonica alors que le rejeton Michael est venu donner un coup de main. La troupe nous invite à un bien beau voyage entre la Californie et Chicago avec « Late In The Evening », la guitare est incisive tandis que la basse bien ronde de Jason Kantarakis. Petit contrepied avec « Love Song For You » qu’on croirait sorti tout droit des studios de Cosimo Matassa à la Nouvelle Orleans. « You Call My Number » est un bon médium plein d’humour s’inscrivant en plein Blues californien. Le disque se termine sur une pièce funky sur laquelle les musiciens se payent une bonne tranche avec encore une fois un Jason Kantarakis qui influe à sa basse le plein de rondeur. « Morgan County Jail » s’apparente par moments plus à un Jump qu’à du Chicago Blues et permet de faire une coupure bienvenue.

Si deux des trois reprises peuvent rentrer dans le tiroir du rabâchage servile, les arrangements, la mise en place, la créativité et l’enthousiasme de Malone et de ses gars permettent des relectures sympathiques. « Bring It On Home To Me », standard de Sam Cooke, en a connu des reprises, des vertes et des pas mures. Notre Johnny National n’hésitera pas à l’adapter sous le nom de « Reviens Donc Chez Nous », mais certains ricains feront bien pire. Là le morceau vaut par la dualité entre la guitare de David Vega les claviers du leader mais surtout par le duo entre Malone et le crooner texan Frankie Lee au vocal puissant mais terriblement chaud qui vient en contraste par rapport au chant de Malone plus rocailleux. Bonne pioche avec l’inusité « Crawdad Hole », une compo non pas de Big Joe Turner comme précisé dans la pochette intérieure mais de Lou Willie Turner, son épouse. Cette reprise contribue à apporter une touche Jazzy fort agréable avec bon passage d’orgue et une guitare qui prend du poil de la bête à bon escient. Terminons ce panorama avec « Honest I Do », standard de Jimmy Reed. Là, l’harmonica geignard nous expédie au fond des bayous, Jill Baxter nous propose un mixte entre le jeu de Jimmy Reed et celui de Whispering Smith tandis que sans en avoir l’air David Vega touche sa cible à chaque note.

Avec ce CD J.J. Malone prenait le bon wagon, celui d’un Blues convivial, simple et faisant fi des modes et des tendances. Quoi de plus normal quand on connait le logo du label Blues Express Records, un train qui semble aller à vitesse grand V vers le succès. On notera que cette petite maison de disques basée à San Francisco n’avait pas hésité à l’époque à publier Long John Hunter, Joe « Guitar » Hugues et la formidable Bettye LaVette. Hélas, ce sera le dernier disque pour John Jacob Malone, ce dernier sera victime d’un vilain crabe en 2004 à 68 ans. Signalons que ce sympathique guitariste n’avait pas peur de donner une chance à de jeunes musiciens du crû. Tous les jeunes blancs-becs présents sur ce disques ont un talent fou et certains d’entre eux font toujours les beaux jours des clubs de la baie de San Francisco.