Attention avec ce troisième opus, Hannah WILLIAMS récidive et la chanteuse ne semble pas prête de baisser sa garde. Après un premier scud expédié en 2012 au sein des Tastemakers, l’anglaise avait confirmé avec les AFFIRMATIONS, son nouveau backing band, l’album « Late Nights & Heartbreak » avait suscité les éloges de la critique internationale. Il faut dire que le disque avait bénéficié d’un étonnant et formidable coup de pouce de JAY-Z, le richissime époux de BEYONCE et accessoirement l’un des acteurs les plus influent du Hip Hop, le chanteur producteur samplant l’un des titres de l’anglaise sur l’album « 4 :44 ».

Depuis 2016, pas mal d’eau a coulé sous les ponts. La native de Wycombe, patrie du regretté Ian DURY, n’a pas cessé de se produire sur les scènes européennes et au Pays du Soleil Levant. Chanteuse explosive au feeling affirmé, l’anglaise peut aussi s’appuyer sur les AFFIRMATIONS, un backing band originaire de Bristol particulièrement solide dirigé par James Graham, principal pourvoyeur en matière d’écriture, seul un titre échappe à sa plume, « What Can We Do ? » création de la choriste Victoria Klewin.

Non contente de s’être rôdée sur les scènes Soul du monde entier, la chanteuse bénéficie d’une cohésion sans faille, la plupart des membres étaient déjà présents sur le disque précédent. Diffusé encore une fois par la firme milanaise Record Kicks, le disque marque l’arrivée d’un nouveau producteur en la personne de Shawn Lee, un américain installé à Londres depuis une vingtaine d’années et membre fondateur du Shawn Lee Ping Pong Orchestra. Bassiste sur le premier disque des SPICE GIRLS, Lee a pas mal roulé sa bosse, aussi bien comme producteur, accompagnateur ou dans un rôle d’auteur. On retrouve ce curieux personnage auprès d’artistes aussi variés que la chanteuse Country LeAnn Rimes, Amy WINEHOUSE, Alice Russell, Sugababes, Alicia KEYS, Saint Etienne, Robbie WILLIAMS ou Sugababes, trio anglais de Soul fabriqué de toute pièce.

Lors d’une récente interview, Hannah Williams déclarait qu’il existait une forte amitié entre les différents membres du groupe, ce qui explique en partie la cohésion et la qualité d’un répertoire qu’elle espère solide et sincère. La chanteuse affirmait que si son nom figurait bien en tête de gondole par rapport au groupe, qu’elle n’était guère intéressée par une carrière solo et que sans les Affirmations rien ne serait possible tant au niveau des compositions que du groove et des arrangements. Cela se ressent dès les premières notes et pourtant, si on a parfois l’impression d’écouter comme une troupe familiale, on ne peut s’empêcher de penser que des disputes voient parfois le jour au sein du combo.

Enregistré en analogique à Leeds à l’ATA Studios « 50 Foot Woman » dégage aussitôt une sonorité vintage, à l’instar de Sharon Jones, Papa Chango, de Baby Charles ou Marta Ren (deux artistes du catalogue Record Kick) ou plus généralement d’Amy WINEHOUSE. Si « 50 Foot Woman », titre d’ouverture donnant son nom à l’album, se révèle plein de peps et distille quelques fines fragrances de Soul Psy, la rythmique sert de gardienne du temple alors que la voix de Williams aurait parfois tendance à partir en vrille. On retiendra également le phrasé de guitare bluesy et les chœurs.

Si sur scène Hannah fait parfois preuve d’une énergie débordante (elle chante souvent pieds nus), on retrouve ici pas mal de morceaux superbement tempérés. « The Only Way Out Is Through », une compo de la choriste Victoria Klewin, évoquant la solitude, et la peine suite à une rupture peut se définir comme l’archétype de la ballade Deep Soul. D’autres titres parfaitement modérés prennent toute leur dimension : « Tablecloth », le métronomique « Sinner » qu’on croirait sorti tout droit d’un titre sixties de Bettye Swan ou d’Irma THOMAS gravé à la grande époque de Muscle Shoals. « I Feel It » pourrait lui s’inscrire parmi les titres pondérés de la regrettée Sharon Jones.

Mais il convient de retenir tout le côté émotionnel dégagé par le chant, même quand les tempos sont extrêmement cléments et souvent renforcés par des arrangements soignés de haute tenue comme en atteste « Please Be Good To Me », juste relevé par des montées cuivrées apportant une touche d’adrénaline. « Hourglass » reste marqué par un rythme presque indolent, la guitare d’Adam Holgate et les claviers de Graham permettent de tisser comme une toile qui finit par nous envelopper d’une agréable torpeur, comme si on n’était ensorcelé, le morceau s’achevant sur un nappage de violon et de violoncelle aussi bien ficelé qu’agencé. Dans ce registre si apaisant, « Worrying Mind »⸋, vient conclure le recueil en toute beauté.

Si « I Can’t Let This Slip Away » mériterait certainement de figurer au Tableau d’Honneur avec sa rythmique parfaitement huilée et des montées de cuivres somptueuses, on décernera une énorme mention à « What Can We Do », titre à cheval entre Gospel et Deep Soul chanté pendant plus d’une minute a cappella par Victoria Klewin avant qu’Hannah ne reprenne le flambeau. La qualité des harmonies vocales, la dualité entre le chant principal et les réponses du chœur, le passage de batterie sonnant très sixties et l’apport d’une orchestration mitonnée aux petits oignons font de cette pièce la piste majeure, un morceau qui nous emmènerait presque vers des contrées plus célestes.

Vu plusieurs fois sur scène, Hannah et ses Affirmations constitue un combo de Deep Funk au répertoire terriblement efficace et terriblement envoûtant dans la lignée du Budos Band, des Dap-Kings de Sharon Jones et peut évoquer Lee Field & the Expressions sous certains aspects. Si les arrangements, l’orchestration, une production bien léchée qui a peut-être amené un surplus de souplesse et de décontraction par rapport à Malcolm Catto représentent de forts atouts, il ne faut pas oublier l’apport de James Graham tant pour son travail d’auteur que de l’ambiance qu’il tisse grâce à ses claviers. Mais Graham avait déjà fait parler de lui au sein des Ephemerals, groupe qui comprenait aussi le guitariste Adam Holgate.


⸋ Ce titre ne figure pas sur la version vinyle, très certainement pour un problème de compression.
Je profite de cette chronique pour dédier une dédicace ou un clin d'oeil (pour des raisons différentes) à mes collègues Jasper Lee Pop, Derwijes et Jovial.