Formé au milieu des seventies à Austin (Texas) les FABULOUS THUNDERBIRDS ont fait vrombir des paquets de bars et de clubs du Sud. Sous l’impulsion de l’harmoniciste Kim Wilson et du guitariste Jimmie VAUGHAN (frère aîné du légendaire et regretté Stevie Ray) le groupe va faire les beaux jours des amateurs de Blues, de Rock en intégrant plusieurs circuits, celui du Blues mais aussi celui des Bikers.

En 1979, le groupe met en boîte son premier disque pour la firme Takoma, mais celui-ci passe inaperçu. Ils enchaînent au tout début des eighties avec deux galettes pour Chrysalis toutes deux produites par Denny Bruce, galettes publiées en édition limitée et bénéficiant d’aucune promotion. Le groupe enchaîne avec « T-Bird Rhythm » produit cette fois par Nick Lowe mais Chrysalis met un terme à leur contrat alors que le groupe est en passe de connaître un brin de succès.

Pendant quatre ans la formation, dont il ne subsiste que les deux principaux protagonistes Wilson et Vaughan), se retrouve sur le carreau. Certes le groupe n’arrête pas de se produire à travers les States, mais il est sans maison de disque. Wilson et ses potes jouent en première partie des STONES et de CLAPTON ce qui leur permet d’attirer l’attention d’Epic. En avril 86, les Fabulous grimpent presque sur le toit du monde, leur single « Tuff Enuff » une reprise de Jerry McCain couplée à « Look At That, Look At That » grimpe à la 10ème place du Hot 100. Ils récidivent aussitôt avec « Wrap It Up », une vieille compo de la paire Isaac Hayes/David Porter popularisée en début 68 par SAM & DAVE pour Stax. Au fil des ans le titre sera repris avec plus ou moins de succès par Buddy Miles, Archie Bell & The Drells pour Atlantic. Si en 1983, les EURYTHMICS intègrent le morceau dans « Sweet Dreams », une version Synthé Pop sans grand intérêt, ce sont les Thunderbirds qui mettent les gaz avec une version pleine de peps soutenue par un clip vidéo plein d’humour qui passe sur la plupart des TV. Pour les Fabulous, il y a enfin une justice !

Curieusement, c’est à Londres au Maison Rouge Studios de Londres, un studio ayant appartenu à Ian Anderson, qu’on expédie les quatre texans ⃰. GENESIS y a enregistré « Duke », JETHRO TULL ses premiers disques sans oublier des groupes aussi variés que PUBLIC IMAGE Ltd, QUEEN, BRONSKI BEAT ou encore AMII STEWART qui avait fait danser la planète sur la reprise de « Knock On Wood ». Bref, un studio multitâche dans lequel les américains se sentent complètement à leur aise, d’autant plus que la production est confiée à Dave Edmunds, l’ancien guitariste de Love Sculpture qui n’a cessé d’accumuler les pépites en termes de production. FOGHAT, The DUCKS DELUXE, les FLAMIN’ GROOVIES, BRINSLEY SCHWARZ ou les STRAY CATS ont signé leurs plus belles pièces à ses côtés.

La pochette de Judith Salavetz et Spencer Drate, un tandem auteur de pochettes pour TALKING HEADS, Richard HELL, BON JOVI ou Joan JETT, interroge plus qu’elle ne renseigne. On peut y déceler une corrélation avec la Nouvelle Orleans par le biais des figurines se rapportant à Mardi Gras, impression vite démentie par le contenu du disque.

D’entrée de jeu, on en prend plein les yeux avec « Tuff Enuff » une compo de Wilson donnant son nom à l’album. Parmi les mièvreries des années 80 souvent boursoufflées, sans âme et sans trop d’humour, le clip vidéo se distinguait de l’ensemble avec les quatre musiciens se produisant autour d’un parterre de six mannequins transformés en ouvrières du bâtiment. Du bon Blues Rock made in Texas qui avait le mérite de lancer le disque sur de bons rails. Derrière cette déclaration d’amour se cache toute l’humour et les espiègleries des musiciens. De l’humour, on n’en retrouve encore des gouttes sur « Tell Me », un Zydeco de Rockin’ Sidney, transformé ici en un Rockin’ Blues entraînant. « Look At That, Look At That », une co écriture des quatre compères s’annonce elle aussi comme un excellent Rockin’ Blues bien festif, le piano de Chuck Leavell conférant au titre une ambiance à la Jerry Lee Lewis. Ces amateurs de gros cubes et de V8 savent faire reposer le moteur pour qu’il n’explose pas, « Two Time My Lovin » apporte douceur et répit avec un excellent phrasé de guitare plus tempéré que celui du jeune frangin. «Amnesia » vient clore cette face A sous des allures louisianaises, l’accordéon de Geraint Watkins nous invite à visiter les bayous.

La Face B se divise entre titres énergiques et morceaux gorgés de délicatesse. « True Love » avec de bons passages de guitare pourrait se ranger entre Texas Blues et Jump West Coast. Création du couple Ruth et Bill Carter, « Why Get Up » prend ici toute sa dimension et pourrait servir de pont entre « Tuff Enuff » et « Wrap It Up » avec une coloration très Soul. Avec son intro à l’harmonica, « I Don’t Care » pose ses jalons entre Rockab et Rockin’ Blues. « Down At Antones », placé en dernière piste, est un Jump instrumental qui rend hommage à Clifford Antone, patron de l’Antone’s Club célèbre club de Blues d’Austin et mentor de Wilson et Vaughan.

Terminons cette chronique avec « Wrap It Up », un véritable feu d’artifice qui ouvre la face B sur un train de folie. Cet archétype de la Stax mis en boîte par Sam & Dave puis par Mel & Tim était une excellente invitation à la dance. Le titre sera repris par deux fois par Buddy Miles dans un univers voguant entre Acid Soul et Psyché bien barré. Romeo Void et les EURYTHMICS en feront des transformations synthétiques d’une extrême froideur. En fait, hormis la reprise d’Archie Bell et de ses Drells et l’originale, tout le monde s’était cassé les dents en s’attaquant à ce titre pourtant binaire. Mais nos Texans font ici sauter le bouchon. Certains se rappelleront du clip dans lequel nos Thunderbirds papillonnaient autour d’une piscine et de nombreuses playmates. La dégaine de Kim Wilson avec son nœud papillon, son béret basque et son costard à la « James » ne l’empêchera pas de faire feu auprès de cette gente féminine. Un clip vidéo chargé de second degré qui se démarquait alors par rapport à toutes les daubes MTV et eighties qu’on nous refourguait.
Et puis si ça ne vous suffisait pas, fermez les yeux et laissez vous aller : « I been watching you for days now baby – I just love your sexy ways now, baby - Wrap it up – I’ll Take it … ». Le genre de titre qui donne envie d’aligner quelques riffs et de vaquer auprès de filles bronzées.

Quatrième disque des Fabulous Thunderbirds, « Tuff Enuff » permettait de placer le groupe sur la carte mondiale des grands groupes de Texas Blues. Un disque plein d’entrain qui se démarque des codes et respire la joie de vivre et la décontraction.

⃰L’harmoniciste Kim Wilson est originaire de Detroit. Le batteur Fran Christina et le bassiste Preston Hubbard viennent de Rhode Island, au nord est des States, mais ont très vite adopté le mode Texas Blues. Ces deux derniers ont longtemps joué au sein de Roomful Of Blues. Preston a été retrouvé sans vie chez lui à Saint Louis en 2016, victime de ses excès. L’élégant Jimmie VAUGHAN est le seul véritable texan, natif de Dallas.

Cette chronique provient de l'écoute du pressage Epic anglais.