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Albert COLLINS - Frostbite (1980)
Par LE KINGBEE le 10 Octobre 2022          Consultée 723 fois

Ancien élève de Frankie Lee SIMS, Albert COLLINS s’est longtemps imprégné du phrasé de son mentor. Adepte des sonorités de son Texas natal, le guitariste écume d’abord le circuit Blues entre Dallas et Houston avant de s’expatrier à San Francisco. Avec son capodastre placé très haut sur son manche (généralement autour de la 7ème frette), COLLINS privilégie les notes courtes, un jeu clair agrémenté de quelques fulgurances.
Le guitariste avait passé les fifties sans encombre, enregistrant pas mal de pièces instrumentales ; durant la décennie suivante, la revue anglaise Blues Unlimited publiait quelques articles qui le consacraient vedette auprès d’un nouveau public. Les seventies allaient s’annoncer beaucoup plus dures, il faut dire que le Blues était, à l’instar de notre guitariste, au fond du trou, avalé par la vague Disco et de nouvelles tendances. En fait, Albert COLLINS vivote en se produisant dans de modestes bouges texans et l’histoire aurait pu s’arrêter là si Bruce Iglauer, patron du label chicagoan Alligator Records, ne l’avait pas fait venir pour enregistrer dans la Windy City. Le producteur allait l’entourer d’une solide équipe mais allait surtout persuader son poulain de chanter. Malgré son manque de puissance, COLLINS allait se révéler un chanteur efficace sachant ne pas en rajouter, doublé d’un guitariste talentueux, deux qualités qui en feront une icône.

Deux ans après l’excellent Ice Pickin’, COLLINS remet le couvert avec une équipe dans laquelle il retrouve le batteur Casey Jones, l’organiste Alan Batts et le saxophoniste A.C. Reed. Iglauer et Jones, qui non content de s’occuper des fûts participe à la production, ont décidé d’étoffer la section cuivre avec les arrivées du tromboniste Bill McFarland (ex-Son Seals, Fenton Robinson, Otis Clay), du trompettiste Paul Howard (ex-Tyrone Davis, Otis Clay), du saxophoniste Henri Ford (Son Seals, L.V. Johnson) et de deux débutants, le bassiste Johnny Gayden (ex-Sugar Blue) et le guitariste Marvin Jackson*.

Le guitariste ne nous délivre que deux compos (enfin presque) en clôture de disque.
"Give Me My Blues" est en réalité un titre de Gwendolyn Collins, son épouse. Le morceau schématise toutes les velléités du guitariste : chant peu puissant mais chaleureux, notes courtes entrecoupées de passages aériens, avec un nappage bien cuivré rappelant W.C. Clark, le tout sous une ligne mélodique navigant entre Texas et Californie. Le titre fera l’objet d’une reprise de Matthew Robinson.
Mais c’est "Snowed In", un long Blues lent de 9 minutes qui retient l’attention d’autant qu’il sert de conclusion. Si le titre démarre sur un rythme de sénateur, COLLINS nous offre quelques accélérations, s’amusant à imiter avec sa Telecaster le bruit d’une bagnole qui peine à démarrer.

Au chapitre des covers, COLLINS s’attaque à "If You Love Me Like You Say", petit tube Soul de Little Johnny Taylor, qui lance la galette sur de bons rails, le guitariste musclant le tempo juste ce qu’il faut. Peut-être la meilleure version avec celle du louisianais Tab Benoit.
Gravé par James 'Thunderbird' Davis pour Duke Records, "Blues Monday" se transforme en "Blues Monday Hangover", superbe blues lent plein de nuances dans lequel la guitare de COLLINS se taille la plus belle part du gâteau. Accrédité à Don Robey et au saxophoniste Gilbert Caple, le morceau sera repris plus tard par Little Milton et Jimmy JOHNSON.
Petit virage à 90 degrés avec "I Got A Problem", seul succès (35ème dans les charts en 70) de Jesse Anderson publié en single par Thomas Records en 1969. Si le chant se fait moins strident que dans la version originale, la guitare s’offre quelques bonnes teintes Funky tandis que la rythmique s’impose comme la gardienne du temple.
Le guitariste s’attaque ensuite à un titre de la même époque avec "The Highway Is Like A Woman", une compo de Percy Mayfield. Si l’original se dégustait comme un Slow Blues, Albert le transforme en shuffle, les claviers d’Allen Batts apportant un peu de consistance et de liant.
Le tempo s’accélère soudainement avec "Brick", un inusité de Johnnie Morisette, dans lequel la guitare s’offre quelques fantaisies allant du glissando à des notes aériennes tandis que les cuivres semblent veiller sur le guitariste comme les anges gardent un œil sur Dieu.
Autre inusité avec "Don’t Go Reaching Across My Plate", pièce humoristique au rythme entêtant d’Oscar T-V Wills (alias T.V. Slim) enregistré en 1959 et édité en single par Speed Records. Si cette petite tuerie de T.V. Slim, un autre texan, était passée inaperçue à l’époque, elle n’a pas échappé à l’oreille avertie de COLLINS qui rend ainsi un brillant hommage à son aîné. Sur cette présente interprétation, les cuivres viennent étoffer le morceau tout en le modernisant. Si l’original ne durait que 121 secondes, Albert Collins en double avantageusement la durée.

Contrairement à son prédécesseur, cet album ne contenant aucun hit s’avère moins surprenant et pour tout dire moins puissant. Avec son grattage de cordes imitant une voiture en carafe, "Snowed In" avait tout pour faire un hit si ce n’est sa durée trop longue pour les formats radios de l’époque. Mais cette dernière piste demeure le point culminant de l’album avec l’impayable "Don't Go Reaching Across My Plate". Une chose est sûre, malgré son titre (Frostbite signifie engelure) Albert COLLINS ne joue ni avec des moufles ni avec une paire de gants.
Cet excellent disque allie l’énergie du Texas Blues, la douceur de la Californie et la précision chicagoanne. Ajoutons-y une production soignée avec l'apport de Dick Shurman, producteur déjà à l'origine du fantastique King of The Jungle d'Eddie C. CAMPBELL.

Note réelle 3,5.

*Homonyme au guitariste de Rockabilly.

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   LE KINGBEE

 
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- Albert Collins (chant, guitare)
- Marvin Jackson (guitare)
- Johnny Gayden (basse)
- Casey Jones (batterie)
- Allen Batts (claviers)
- A.c. Reed (saxophone)
- Henri Ford (saxophone)
- Bill Mcfarland (trombone)
- Paul Howard (trompette)


1. If You Love Me Like You Say
2. Blue Monday Hangover
3. I Got A Problem
4. The Highway Is Like A Woman
5. Brick
6. Don't Go Reaching Across My Plate
7. Give Me My Blues
8. Snowed In



             



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