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Clarence EDWARDS - Baton Rouge Downhome Blues (2023)
Par LE KINGBEE le 28 Novembre 2023          Consultée 476 fois

La discographie guère luxuriante de Clarence EDWARDS se compte sur les doigts d’une seule main. Il faut dire que le guitariste est curieusement passé entre les mailles du filet du label Excello et du producteur JD Miller, un sympathisant du Klan. Contrairement à Lightnin’ SLIM, Slim HARPO, Lazy LESTER, Lonesome SUNDOWN ou Silas HOGAN, les routes de Miller et du guitariste ne se sont jamais croisées, pourtant le guitariste avait été découvert par l’ethnomusicologue et folkloriste Harry Oster qui l’enregistra entre 1959 et 1961 en compagnie de son frère Cornelius (aucun lien avec notre collègue) et du fiddler Butch Cage.
Au tout début des seventies, son nom apparait sur une compilation anglaise de Mike Vernon éditée sous la forme d’un double album. Il faudra attendre 1979 pour que quatre titres captés par Harry Oster voient le jour sur la compilation Raise A Rukus Tonight publiée par Flyright Records. Pendant presque deux décennie, ne pouvant vivre de sa musique, Clarence restera en dehors du circuit se contentant de travailler dans une casse automobile. Mais la vie propose parfois d’étranges concours de circonstance : alors qu’il est aux Etats Unis pour une thèse sur Slim Harpo, le bassiste anglais Steve Coleridge le redécouvre par le plus grand des hasards, l’encourage à revenir sur scène et devient son manager.

Le label Wolf agrandit sa série Louisiana Swamp Blues avec ce 9ème volet. Quatre titres du guitariste figuraient déjà sur le volume 4. Ce coup-ci, ce sont donc pas moins de 16 pistes totalement inédites (durée 71 minutes) que nous propose le label autrichien. Agrémenté d’un livret de 6 pages documenté par Tony Burke (Blues & Rhythm Magazine), cet album remet au grand jour la voix âpre et le jeu de guitare de ce guitariste sous-enregistré. Si les dates de certains enregistrements souvent en Live manquent de précision et si les noms de certains belligérants semblent parfois confus, il convient de saluer comme il se doit cette œuvre posthume, Clarence Edwards étant décédé en 1993 des suites d’ulcères à l’estomac.


D’entrée la guitare et le chant limite menaçant transforme "Every Night About This Time", une ballade de Fats DOMINO en un Swamp rugueux. Il rend hommage à Lonesome SUNDOWN avec "Dealin’ From The Bottom Of the Dec"», l’intensité dramatique égale la pièce d’origine, seul un harmonica en arrière-plan vient adoucir la sauce. Standard de John Lee HOOKER inspiré d’un titre de Tony Hollins, "Crawling King Snake" prend une toute nouvelle forme, si la guitare semble fulminer derrière une basse aussi brute que ronde, deux violons contribuent à apporter un nouveau cachet. Le roi des serpents rampant vers la tanière de sa belle ne s’est rarement montré aussi menaçant.

Edwards opère quelques incursions dans les ghettos de Chicago. Il reprend "All Your Love" de Magic SAM, dont l’intro servira de générique à The Jokers, une société de production cinématographique bien connue (Message From The King, Cop Car, Parasite, Utu). Le chant plein de rudesse retranscrit parfaitement l’intensité de l’original. Une version bien plus intimidante que celle des STONES figurant dans Blue & Lonesome. Clarence s’offre d’autres crochets dans le West Side : "Still A Fool", grand classique de Muddy WATERS, se révèle bien plus sombre que sa précédente version figurant dans Swamps The Word. "I Want You To Love Me", initialement enregistré par le même Muddy Waters sous le titre "Mad Love" prend une touche plus lugubre par rapport à l’original. Troisième et dernier raid dans le répertoire de Waters avec "Hoochie Coochie Man", l’un des plus gros succès du mississippien, délivré ici sur un tempo lent en droite ligne avec le répertoire de Lightnin’ SLIM. Bien avant d’atterrir à Chicago, le pianiste Roosevelt Sykes enregistra en 1932 "Highway 61 Blues", un Piano Blues patiné de Rag véritable ode à l’autoroute reliant la Nouvelle Orléans à Memphis. Ici toutes fragrances de Rag et de bastringue s’estompent remplacées par une guitare lourde qui nous expédie vers les bayous, royaume des crapauds-buffles et des alligators.

Deux hommages à Guitar SLIM viennent fleurir l’album : "Well, I Done Got Over It" est délivré ici avec un nappage de fiddler rappelant les grandes heures du violoniste James "Butch" Cage, une version bien plus rurale que les nombreux essais dédiés à la Crescent City. Autre clin d’œil à Guitar Slim avec "The Things That I Used To Do" chanté cette fois avec décontraction sous le joug d’un harmonica rappelant le jeu de Whispering Smith. Dernière intrusion en territoire louisianais avec "It’s Love Baby (24 Hours A Day)", une pièce enregistrée par Louis Brooks And His Hi-Toppers pour le label Excello qui grimpa sur la seconde marche des charts noirs en 1955. Si cette compo du pianiste Ted Jarrett prenait sa source dans le R&B estampillé mid fifties, là encore tous les arômes liés au R&B disparaissent remplacé par une guitare qui allie jeu sans concession et tournures primesautières. Le titre sera repris plus tard par Janiva MAGNESS et Jimmie VAUGHAN.

"Down Home Blues" une compo de l’excellent George Jackson avait fait le bonheur du soulman Z.Z. Hill dont la version restera classée dans les charts 93 semaines avant d’être repris par Etta JAMES et Denise LaSalle, là Edwards nous en distille une version plus grondante orientée sur un Swamp Blues à la sonorité plus rurale. Disparu des écrans radars du Blues depuis des lustres, le violon est encore à l’honneur sur "I’m The One", titre fétiche du guitariste. Seconde intrusion dans l’univers du texan Z.Z. Hill avec "Don’t Make Me Pay For His Mistakes", là encore toutes les saveurs Soul sont gommées au profit d’un Blues recouvert de boue dans lequel un violon grinçant ne cesse d’apporter son grain de sel. On retrouve encore une tonalité rurale et inquiétante sur "Rocky Mountain Blues" *, un titre old time enregistré en 1938 par Leroy’s Buddy (alias Bill Gaither) pour la firme Decca. Cette fois encore, l’assemblage du violon, de l’harmonica et d’une guitare évoquant le coté sombre de Lightnin’ Slim est un modèle du genre.

Ces seize pistes proviennent pour leur grande majorité de prises directes ou Live, si l’authenticité et la sincérité qui s’en dégagent peuvent heurter les adeptes d’un Blues plus sophistiqué ou retravaillé en studio, la tonalité brute de décoffrage remet au gout du jour tout le talent de cet excellent artisan du Swamp Blues. Le chant puissant et profond associé à une rythmique minimaliste et à un phrasé de guitare qui semble au bord du bouillonnement font de ce disque un Must du Swamp Blues, registre malheureusement en voie de disparition.

*Titre homonyme à celui chanté par Billie Holiday.

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   LE KINGBEE

 
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- Clarence Edwards (chant, guitare)
- Pat Morrison (guitare 1-2-5)
- Steve Coleridge (basse)
- Ronnie Houston (batterie)
- Harmonica Red (harmonica)
- John Gradnigo (harmonica)
- Oscar Davis (harmonica 15)
- Gina Forsyth (violon 3-6-7-8-10)
- Scott Shipman (violon 3-6-7-8-10)


1. Every Night About This Time
2. Dealin' From The Bottom Of The Deck
3. Crawling King Snake
4. All Your Love
5. Down Home Blues
6. Well, I Don't Got Over It
7. Still A Fool
8. I'm The One
9. Rocky Mountain Blues
10. Don't Make Me Pay For His Mistakes
11. I Want You To Love Me
12. Hoochie Coochie Man
13. Everybody Has Their Ups And Downs
14. The Things That I Used To Do
15. It's Love Baby (24 Hours A Day)
16. Highway 61 Blues



             



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