On ne va pas vous mentir, c’est en cherchant une pochette de disque de Noël sortant de l’ordinaire que nous sommes tombés là-dessus. Si les visuels dédiés à Noël frisent souvent le ridicule, celui-ci devrait se situer sur podium pendant de nombreuses années.

Regardez moi cette pochette, à ne pas mettre sous les yeux des enfants ni même des âmes sensibles. Entourage vert, guirlande de houx, un sapin sobrement décoré, jusqu’ici tout va bien et puis l’œil est automatiquement attiré en arrière plan par cinq demoiselles complètement nues. Mais tout ceci n’est rien par rapport aux deux personnages centraux: la chef des cinq demoiselles toute aussi nue que les autres et enfin un Père Noël attifé de son habituel manteau rouge, d’un bonnet et de bottes se trimbalant la bistouquette à l’air. Curieux dessin que celui-ci. Ah … au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, la hotte de cet étrange et peu farouche Père Noël est remplie d’objets en plastique, que rigoureusement ma mère m’a défendu de nommer ici, comme le chantait BRASSENS.

Ah dernier détail, on doit cette excentricité au label suédois Kondom ! Non je n’invente rien c’est clairement inscrit sur la rondelle couleur orange du vinyle, un orange rappelant celui des étiquettes CBS des années 60/70.

Cet album tente de s’appuyer sur le répertoire Johnny Bode, catalogué comme l’enfant terrible de la musique suédoise. Bode a débuté sa carrière au tout début des années 30. Mythomane, voleur invétéré n’hésitant pas à voler ses proches, débauché notoire accusé de viol, pique-assiette réputé, fraudeur, menteur, brièvement fasciné par la montée du nazisme, le bonhomme sera interné dans un camp de concentration à Grini. A son retour en Suède il fera plusieurs séjours en psychiatrie où on décide de le stériliser. Au début des fifties, l’énergumène s’installe en Allemagne de l’Est d’où il est expulsé. Afin d’échapper à la justice suédoise, Bode rejoint Bruxelles d’où il sera rapidement exclu. C’est en Autriche que le gars va rebondir en écrivant plusieurs opéras sous le pseudo de Juan Delgada. Les autrichiens n’y verront que du feu. Après deux divorces, il regagnera son pays natal et se lancera dans la musique parodique et pornographique. Bode débarrasse définitivement le plancher en 1983 victime du VIH à 71 ans.

Bien que le nom de Bode soit parfois cité, ce personnage quelque peu dérangeant n’intervient pas directement ici, si ce n’est dans le concept de l’album. Mis en boîte en 1972 par l’Orchestre du Studio Kondoms, ce recueil est le fruit de la collaboration entre Kjell Genberg, un écrivain, manager de plusieurs groupes suédois inconnus, auteur de bandes dessinées, et Lasse Holm, pianiste chanteur, ancien membre de Doug & The Millsmen et des Moonlighters et fondateur du Studio KMH dans la banlieue de Stockholm. Si le titre de cette purge est bien « Bordellmamas », la formation n’est pas Julvisor mais tout simplement l’orchestre du studio Kondoms (un bien grand mot ici pour désigner une bande de loustics dont les têtes serviraient plutôt de « chamboultout » lors d’une kermesse).

Musicalement ce disque n’aura pour la plupart d’entre nous strictement aucun intérêt. Il s’agit ici de polkas, de mazurkas se rapportant plus à une fête de la bière, de chansons à boire (snapvisor), de Polska, danse polonaise à trois temps, de valse et de marche. Bien qu’ignorant le suédois, nous ne nous faisons guère d’illusions sur la qualité des textes, les thématiques s’orientent exclusivement sur le sexe et un humour potache de seconde zone de tendance transgressive. Pour résumer l’équivalent de nos chansons paillardes, mais chantées en suédois ce qui confère à l’ensemble un impact intellectuel et comique sans le moindre impact chez nous.

A la lecture de ces lignes, vous vous demanderez ce que vient faire le Père Noël là-dedans ? On retrouve un titre dédié à Noël avec « Madamen », chanson parodique sur l’air de « Vive Le Vent » une adaptation de Francis Blanche de « Jingle Bells ». Et c’est justement là qu’on est heureux de ne pas comprendre le suédois, nous ignorons ce que chantent exactement Billy Gezon et Lasse Holm mais cette histoire de cloches nous paraît pour le moins scabreuse, mais nous ne sommes pas dans la tête de trentenaires suédois issus du Summer Love.

Vous l’aurez compris ce disque ne vaut musicalement pas tripette. L’orchestration primaire et les arrangements se situant entre chansons à boire, beuglants, chansons de soldats et chansons de supporters et proposent un cachet relativement limité. Le genre de disque dont on est fier qu’il soit suédois et pas français. Nous classons ce disque quelque peu dérangeant et borderline dans le tiroir des musiques folkloriques, les titres empruntant des mesures et des rythmes d’Europe de l’Est (Pologne, Tchécoslovaquie) dont le folklore scandinave s’est influencé.