Voici l’unique compilation de Kip TYLER. On peut remercier le label allemand de rééditions Hydra Records pour ces 27 titres, sachant qu’en ce moment un E.P. Gyro Records se négocie aux alentours des 300 €. A ce prix-là, les acheteurs ne risquent pas de se bousculer au portillon.

Si le nom de Kip TYLER ne vous dit rien, n’allez pas vous jeter sous en train, en ce moment il n’y en a pas. Elwood Westerton Smith fait son entrée dans le monde en 1929 à Chicago. Comme beaucoup d’adolescents américains des fifties, Elwood fait ses gammes dans un groupe de lycéens comme il en pousse à la pelle. Chanteur des Sleepwalkers, le combo favori de l’Union High School, Elwood qui chante sous le nom de Kip Tyler ne s’endort pas sur ses lauriers et passe à l’ennemi en montant son groupe Kip Tyler and His Flips en compagnie de lycéens issus de la Fairfax High School.
On l'introduit comme un second Pat Boone. Le chanteur a fière allure quand il débarque sur scène, tout habillé de cuir, juché sur sa moto qu’il n’oublie pas de faire pétarader. Pour résumer, un jeune chanteur au physique agréable comme il y en a par milliers.

En 1956, Kip est recruté par Joe Gershenson, un producteur arrangeur à la recherche d’un chanteur pour le film « Rock Pretty Baby », un nanar musical avec Sal Mineo et John Saxon. Au grand désappointement de Kip, son nom n’apparait pas au générique. Lors des scènes chantées par John Saxon, c’est bien Kip Tyler qui double en fond sonore l’acteur mais on ne le voit pas.
Cela suffit par attirer l’attention de Milt Gabler, l’homme qui a fait signer Bill Haley chez Decca. Suite à un deal avec Gershenson, Kip Tyler fait son entrée en studio en novembre 1956 à Hollywood et met en boîte « Rock Pretty Baby » couplé à « Can I Steal A Little Love ». Le 45-tours ne connaît strictement aucun succès et Kip y apparait sous le nom de Jimmy Daley, le nom du personnage joué par John Saxon.
En mai 57, sous le nom de Jimmy Daley And The Ding-A-Lings, il enregistre deux singles, épaulé par l’orchestre d’Henri MANCINI dans lequel figure le guitariste Barney Kessel. Si « Red Lips And Green Eyes » rappelle le répertoire de Bill Haley, « Bongo Rock » se démarque avec son solo de bongo joué par Tyler.
En 1957, Hollywood décide de faire une suite au film « Rock Pretty Baby » avec « Summer Love ». Si John Saxon reprend le rôle de Jimmy Dancey aux côtés de la chanteuse Country Molly Bee, le film est un échec. En septembre, l’apprenti rocker fait une infidélité à Decca, enregistrant deux titres pour Starla Records sous le nom de Kip Tyler & The Flips. Si le disque ne rencontre pas plus de succès, il permet à Tyler d’intégrer la tournée « Rock n Roll Show at The United Artist Theatre », aux côtés de Laverne Baker, Frankie Lymon & The Teenagers, Young Jessie, Richard Berry et les Pharaohs, Kip et son groupe étant les seuls blancs de la tournée.

Les titres mis en boîte par Kip pour le film « Summer Love » ne sortent pas en single. Seul un titre au nom de Kip Tyler apparaît sur l’album « Summer Love – The Sound Track Album ». Kip Tyler a beau enchaîner les sessions, quand les disques sont édités, ils n’atteignent dans le meilleur des cas qu’un succès d’estime. Entre 1958 et 1959, le chanteur apparaît sur une demi-douzaine de singles pour Challenge, Ebb et Imperial, mais faute de promotion et d’une production adéquate, aucun d'eux ne rentre dans les charts.
Déçu par son manque de succès et probablement aigri par la réussite de certains de ses anciens équipiers, Kip Tyler ne se produit plus que sporadiquement sur la Côte Ouest et Hollywood. En 1962, Kip enregistre et produit deux singles pour Torch et Torchlite Records sous le nom de Kipper & The Exciters. Il s’agit là d’instrumentaux avec quelques phrases parlées façon jingle. Dernier coup de semonce, en 1964 Kip Tyler fonde le label Gyro Disc Hollywood et enregistre quelques titres sans grand intérêt. Son dernier single « Toledo » couplé à « Eternity » le dévoilait en tenue de surf, plus proche des Beach Boys que des grandes vedettes du Rock' N Roll.

Kip Tyler quitte définitivement le chemin des studios au milieu des sixties, déçu par son manque de succès. Le chanteur se consacre à sa vie de famille et à ses affaires. Jusqu’au début des seventies, on le voit à l’affiche de différents concerts en Californie sous une multitude de pseudos (The Kipsters, The Break-Outs, The Surfers ou The White Fronts).

Desservi par de multiples pseudos et des choix de carrière discutables, Kip Tyler nous a quitté en 1996. Son nom est cité encore dans certaines revues de Rock' n Roll par le biais de « Jungle Rock », un Rock' n Roll avec sax hurleur plein de colorations exotiques.

Vous l’aurez compris en lisant ces modestes lignes, Kip Tyler n’a jamais fracassé les hit-parades américains. Il fait partie d’une longue liste de seconds couteaux éphémères à n’avoir jamais connu le moindre hit. On retrouve cependant ici quelques curiosités parmi ces 26 titres (la piste 15 est une présentation de Tyler par Johnny Otis ne durant que 4 secondes). « Bongo Rock » un Rock' n Roll à la Bill HALEY avec sax laisse une grande porte ouverte au bongo, instrument utilisé par Tyler. « Vagabond Mama » est un bon Rock dans lequel les influences de la Country californienne sont bien perceptibles. Si on a la patience d’attendre 30 secondes que Molly Bee se débarrasse du micro pour retourner lécher sa guimauve, « Beatin’ On The Bongos » se révèle un bon mélange de R&B et de Rock' n Roll. « Jungle Hop » avec ses cris d’animaux sauvages et de Tarzan porté par une guitare twang et un sax ravageur est toujours sympathique. « Ooh Yeah Baby » propose un dialogue entre un jeune rocker et sa bien-aimée avec un excellent passage de piano hélas trop court. « Rumble Rock » fait partie des petits hits de Rockab Twang dans la lignée de Link Wray et Duane Eddy.

Si cette compilation ne casse pas trois pattes, elle permet de découvrir l’essentiel de ce second couteau. Autre atout, on découvre au fil des morceaux de jeunes musiciens qui ne tarderont pas à faire carrière (dont plusieurs membres du Wrecking Crew) : le batteur Jim Troxel ((Duane Eddy, Tommy Roe, Al Casey), le pianiste Bruce Johnson (BEACH BOYS), le guitariste Mike Deasy (Eddie COCHRAN, Elvis PRESLEY, Randy NEWMAN, Cannonball ADERLEY, Harry NILSSON ou The 5th Dimension), les saxophonistes Steve Douglas (Albert KING, BEACH BOYS, PRESLEY, DYLAN et Aretha FRANKLIN) et Jim Horn (BEACH BOYS, Shuggie OTIS, Harry NILSSON, George HARRISON, Bobby BLAND, ou Blake Shelton), le pianiste organiste Larry Knechtel (BEACH BOYS, The 5th Dimension, Art Garfunkel, Harry NILSSON).

Ce CD est accompagné d’un bon livret intérieur (16 pages) richement illustré malgré une sessiongraphy loin d’être complète. Le chanteur refusait toute interview quant à son passé de chanteur, probablement aigri et désabusé.