Septième opus pour le combo bordelais vieux de 22 ans d’ancienneté. Résumons brièvement la carrière de cet ensemble qui a longtemps évolué sous le nom de Flyin’ Saucers. Le groupe a rallongé son nom en 2010 en devenant FLYIN’ SAUCERS GUMBO SPECIAL. Une extension qui leur permet de ne pas être confondu avec le groupe londonien de Rockabilly Flying Saucers et qui renvoie donc vers leur orientation musicale, la Louisiane.

De la formation ayant fait ses gammes en 1997 au fameux Cricketers de Bordeaux, il ne reste que Fabio Izquierdo. Mais la line-up actuelle repose sur une solide longévité : l’organiste arrangeur Cédric Le Goff est membre du groupe depuis vingt ans, Charles Duchein l’ayant rejoint un an plus tard et le batteur Stéphane Stanger en 2001. Seul le guitariste Lucas Gautier fait figure de petit nouveau avec ses trois ans d’ancienneté. C’est donc à un groupe formidablement soudé auquel on est confronté ici. Leur précédent CD Swamp It Up leur avait permis de participer avec brio à l’International Blues Challenge de Memphis. Pour résumer, le Gumbo Special se situe actuellement parmi le trio de tête des groupes de Blues hexagonaux avec AWEK et MERCY BLUES BAND. Et pourtant, vous ne les verrez probablement jamais chez Drucker ou Nagui.

La pochette nous dévoile pleinement ce que nous propose le groupe, une combinaison de New Orleans R&B, de Zydeco et de Soul Tex Mex, en clair une belle invitation pour une ballade au cœur de la Louisiane et du golf du Mexique.

Avec un bruitage de locomotive à vapeur, le disque ne pouvait être lancé que sur de bons rails avec "Zydeco Train", un shufle sous forme de Zydeco oscillant entre Blues et Boogie, une véritable invitation au two-step. "Nothin’But A Party" laisse reposer les chevaux tout en maintenant la tension sous un rythme lent, le mélodéon instaura un climat de torpeur. La formation nous expédie au sud est du territoire, au cœur de la Crescent City avec "Mister Bartender" un gros morceau de Soul Funk évocateur des Meters avec grosse ligne de basse et guitare funky. Entre ses coulées de guitare et son nappage de piano "Keep On Hoping" fait penser au répertoire d’Allen Toussaint, rien moins que cela. La coloration se durcit avec "Do What You’re Supposed To Do" dont la palette sonore se situe entre les Meters et les Galactic du batteur Stanton Moore.

Détour vers le Swamp Blues avec "Louisiana Girl" avec une sonorité entre CREEDENCE CLEARWATER et Tony Joe WHITE et un harmonica qui rappelle celui de Whispering Smith. "Moonshine" combine Swamp Pop et Zydeco Pop avec une guitare aérienne. Avec un harmonica accrocheur et son rythme endiablé "Gonna Roll" pourrait s’immiscer dans un disque de Boz SCAGGS. Changement de tempo avec "How Can I Try" qui renvoie entre Guitar SLIM et Lil’Bob & The Lollipops, si la guitare navigue entre Chicago et la Nouvelle Orleans, le chant nous entraine dans les tavernes sirupeuses où se produisait Cookie & The Cupcakes, avec une rythmique métronomique. "Angel At Home" laisse les premiers rôles au chant et aux ivoires, un titre qui pourrait figurer dans un disque de Randy Newman ou du regretté Dr. JOHN.

Rien qu’avec son titre "Hey Tout Kelkun" s’inscrit résolument entre un Zydeco à l’ancienne de type Boozoo Chavis et du Cajun Swamp à la Jamie Bergeron. "Sweet Sin" débute avec un timbre à la Tom Waits, pour une invitation entre mambo, New Orleans Sound et Mardi Gras. Mention à l’entraînant "Angel At Home" qui nous emmène dans une quasi démesure nous renvoyant dans l'univers de Zydeco Joe ou de Joe Hall, grands maitres du Zydeco. Le genre de morceau qui te fait regretter de ne pas être présent dans une gargote de Lake Charles ou Lafayette.

Si la formation s’avère prolifique au niveau de l’écriture avec 12 titres sur 13, elle rend hommage au pianiste Huey "Piano" Smith, membre fondateurs des Clowns, en dépoussiérant "High Blood Pressure", titre venant s’ancrer profondément dans les bouges de la Nouvelle Orleans. Si le titre a parfois été accommodé avec d’étranges sauces (Gene Vincent, Shadows Of The Knight, Jerry Lee Lewis), la présente version rivalise parfaitement avec les interprétations de Boz Scaggs ou Jerry Douglas, même si on aurait un peu plus de folie à l’image des versions complètement barrées de Ronnie Hawkins ou des Zodiacs de Maurice Williams.

Les FSGS nous proposent ici une belle croisière en Louisiane, nous baladant du lac Pontchartrain aux bayous de l’Ouest en passant par l’Atchafalaya River pour finir par se déverser dans le golfe du Mexique. On conseillera aux lecteurs d’aller les voir sur scène, le groupe offre généralement sa pleine mesure avec toute sa panoplie d’épices à la Sauce Gumbo. Musicalement, un groupe qui n’a rien à envier aux formations américaines qui viennent cachetonner chez nous à tout berzingue. Afin d’être complet, signalons la présence de Benoit Blue Boy à l’harmonica sur un titre et la collaboration de Frères Tarot en section cuivre, Jean-Baptiste au sax et Mathieu (ex Rhoda Scott, Didier Lockwood) à la trompette.