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1986 London 0hull 4

The HOUSEMARTINS - London 0 Hull 4 (1986)
Par LE KINGBEE le 21 Janvier 2020          Consultée 1482 fois

Pour de nombreux amateurs de Rock, les eighties marquent le début d’une déchéance musicale, tant au niveau de la virtuosité, de la créativité que des productions lourdes et ampoulées, farcies de synthé. Rassurez-vous, les décennies suivantes n’iront pas en s’arrangeant. Les années 80, rappelez-vous : d’un côté, on a eu Microsoft Windows, l’arrivée du CD, le lancement à toute pompe du vidéo-clip. Souvenez-vous aussi de Tchernobyl, de la place Tian’anmen, de l’Exxon Valdez qui va nous apporter quelques galettes bien noires, de l’arrivée de gens vachement sympatoches comme Reagan ou la blonde Maggie Thatcher. Sans exagérer, on peut affirmer que les années 80 ne resteront pas dans les annales.

Musicalement, 1986 c’est ART OF NOISE, BRONSKI BEAT, SIMPLY RED, WHAM, BANANARAMA, ERASURE ⃰. Ne noircissons pas le tableau plus que nécessaire : 86 révélait toutefois quelques réjouissances comme les BANGLES, le "Walk This Way" de RUN DMC, "Kiss" de PRINCE et bien évidemment "Thriller" de Michael JACKSON qui deviendra bientôt le disque le plus vendu au monde. Si tout cela vous fait rire, attendez un peu : chez nous, IMAGE triomphait avec "Les démons de minuit", STEPHANIE nous submergeait avec son "Ouragan" et Lionel RICHIE nous barbait avec "Say You Say Me", une guimauve abusivement sucrée.

C’est d’Angleterre qu’une bouée de sauvetage allait être lancée avec The HOUSEMARTINS, une bande d’énergumènes originaires de Hull**, à 250 bornes au nord-est de Londres, en bordure de la Mer du Nord. Formée en 1983 à l’instigation de Paul Heaton et de Stan Cullimore, un journaliste guitariste, la doublette est rejointe par divers musiciens et se stabilise avec les arrivées du batteur Hugh Whitaker et du bassiste chanteur Norman Cook, disc jockey à ses heures perdues, qui se fera connaître plus tard sous le blaze de Fatboy Slim.

Si la formation fait les beaux jours des scènes du Yorkshire et du circuit universitaire, c’est John Peel qui leur met le pied à l’étrier en leur permettant d’enregistrer deux sessions. Si les trois premiers singles passent inaperçus, le quatrième est le bon. "Happy Hour" grimpe à la 3ème marche des charts britanniques. La chanson bénéficie d’un clip vidéo très à la page. On y voit quatre jeunes bureaucrates quitter leur labeur et aller au pub (quoi de plus normal en Angleterre ?), les quatre membres se transformant rapidement en figurines de pâte à modeler. Au tout début du clip, on peut apercevoir l’acteur poète Phill Jupitus (également très présent à l’époque aux côtés de STYLE COUNCIL, de Billy Bragg et fan absolu de Paul Weller). Mais si les quatre musiciens font penser à une bande d’hurluberlus, les textes marquent une bordée envers le comportement sexiste des jeunes yuppies et financiers de la City.

Musicalement, le groupe alterne avec brio entre Electro Pop, Indie Rock et une sorte de Soul à l’anglaise qui atteint parfois des sommets crépusculaires. Mais ce sont surtout par leurs textes plus qu’irrévérencieux que les HOUSEMARTINS se démarquent. Ici, la bonne société conservatrice s’en prend plein la gueule. Lors d’une interview, Paul Heaton, véritable pièce centrale du groupe et aussi principal pourvoyeur, déclarait qu’il n’avait jamais été très doué pour juxtaposer des histoires sentimentales à la mords-moi-le-nœud sur de la musique et qu’il était plus doué pour parler de politique et de la sympathique Madame Thatcher qui avait, sans crier gare, pris une grande majorité d’Anglais à la gorge.

Résumer le travail de parolier d’Heaton à une critique acerbe de la politique aussi ultra-libérale que conservatrice de Thatcher serait cependant assez réducteur. On retrouve ici par passages des strophes dans lesquelles l’auteur se questionne sur Dieu, l’Eglise et sa foi. "Lean On Me" s’inscrit d’ailleurs comme un vrai Gospel, le chant prenant une tournure quasi céleste renforcée par les touches du piano. En dehors d’une qualité d’écriture bien supérieure à la production de l’époque, les HOUSEMARTINS surprennent aussi par les variations de rythmes. "Flag Day" offre une impression de mélancolie. Le texte vilipende les persifleurs et autres bonimenteurs (les conservateurs), autant de menteurs bien trop nombreux, et pointe le manque de Robin des Bois. L’injustice sociale est un autre thème récurrent du disque. L’énergique et désenchanté "Freedom" aborde tout simplement la dialectique des politiciens, souvent d’habiles enfumeurs. Certains titres peuvent paraître d’une simplicité extravagante mais sont en réalité bien trompeurs, "Sheep" évoque l’apathie politique des classes opprimées qui enveloppe la Perfide Albion depuis 1979, année de l’arrivée de Thatcher au poste de premier ministre.

Curieusement, malgré la subtilité de mélodies bien troussées et la nuance des tempos, on peut avoir l’impression d’entendre une palette trop linéaire, mais ne serait-ce pas là justement la marque de fabrique du groupe ? Cette impression se voit renforcée par l’utilisation d’instruments simples : une guitare électro acoustique, une électrique, une basse, une batterie, un harmonica, un piano et un violoncelle. Des instruments clairs à l’opposé du synthétisme et de la coloration artificielle de la plupart des productions de la décennie.

Une fois qu’on a pris la mesure de ces douze pistes alternant l'ensoleillement et la tristesse mutine, on pense aux lignes mélodiques des KINKS, des BEATLES ou d’HERMAN'S HERMITS. Paradoxalement, la presse anglaise, toujours habile à sortir ses fadaises et à dégainer plus vite que la musique (comme leurs copains d’Amérique) n’a eu de cesse de faire un parallèle avec The SMITHS. Une fois acclimaté au timbre de Heaton, on peut aisément se laisser aller à l’écoute de ce "London 0 Hull 4". Un disque contre l’establishment porté par des mélodies juteuses et bien affûtées et des textes sortant de l’ordinaire, conjuguant irrévérence et poésie.

Paul Heaton s'est fait connaître ensuite au sein de BEAUTIFUL SOUTH, groupe dans lequel il retrouvait quelques anciens membres des HOUSEMARTINS (pas ceux du disque). Ce disque a été édité à maintes reprises. En 2009, Universal en proposait une version en Box Set avec 21 titres bonus dont quelques Lives. Cette chronique provient de l’écoute du vinyle pressage français. Le CD d’origine proposait quatre pistes supplémentaires dont une reprise a capella de "People Get Ready" des IMPRESSIONS.

⃰ Je n’ai personnellement rien contre les artistes cités. Ce sont les premiers qui me sont venus à l’esprit, il doit y avoir bien pire et leurs fans ont probablement des arguments à faire entendre.

**Hull est également connu pour avoir abrité Peter Dinsdale. Pendant sept ans, cet ado attardé a incendié de multiples bâtiments. Condamné à la prison à vie en 1981, Dinsdale qui avait officiellement pris le nom de Bruce Lee revendique la mort de 26 personnes. Personne à Hull n’imaginait que Peter "le Crétin" puisse être l’auteur d’autant de méfaits.

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   LE KINGBEE

 
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- Paul Heaton (chant, harmonica, melodica 3, guitare 12)
- Stan Cullimore (guitare,chœurs)
- Norman Cook (basse, chant)
- Hugh Whitaker (batterie, chœurs)
- Peter Wingfield (piano 2-3-11)
- Tony Pleeth (violoncelle 8-9)


1. Happy Hour
2. Get Up Off Our Knees
3. Flag Day
4. Anxious
5. Reverends Revenge
6. Sitting On A Fence
7. Sheep
8. Over There
9. Think For A Minute
10. We're Not Deep
11. Lean On Me
12. Freedom



             



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