Le premier album d'Adriano CELENTANO sort en 1960, mais le premier tube international de l'artiste ne figure pas dessus. La coqueluche des jeunes italien(ne)s traverse une période aussi intense que dilettante. Son premier tube "Il tuo bacio è come un rock" s'est vendu à 300.000 copies et il figure d'abord partout avec son groupe accompagnateur I RIBELLI. Il débute une collaboration avec MINA, jeune chanteuse qui, avec leur morceau "Vorrei sapere perché", le rejoint en tête des classements et l'est toujours d'ailleurs, comme lui, dans la liste des artistes best-sellers italiens.

Puis CELENTANO, comme les autres hommes et aussitôt après la sortie de son premier 33 tours, est appelé au service militaire. C'est grâce à une permission ministérielle spéciale (oui, sa renommée va jusque là !) qu'il peut s'échapper momentanément et participer à l'édition de février 1961 du festival de San Remo, le télé-crochet musical annuel qui entraîne une audience massive. En interprétant sa chanson parue très récemment, en janvier, il y fait scandale, seulement en remuant trop les épaules et parce qu'il fait volte-face et tourne le dos au public, juste avant de commencer à chanter. Rock'n'roll ! Il fait un malheur, aussi, et de son single, vend la bagatelle de 500.000 copies dans les cinq ou sept semaines suivantes.

Il s'agit de "24.000 Baci", dont la composition est de CELENTANO lui-même, en collaboration avec l'arrangeur Ezio Leoni (qui l'avait déjà aidé, notamment pour "Il tuo bacio è come un rock") sur des paroles des réalisateurs-scénaristes de cinéma Lucio Fulci et Piero Vivarelli. Un début lent et dramatique, très méditerranéen sur fond de cordes, précède un tempo twist où le chant est soutenu par des saxos et plein de choeurs.

Le texte est léger, assurément ("Avec 24.000 baisers, les heures défilent, heureuses ; avec 24.000 baisers, tu m'as conduit à la folie...") mais dans la voix de CELENTANO, rugueuse – l'Urlatore, le hurleur est bien là ! -, c'est tourné intelligemment. Les cordes sont toujours présentes, il y a de bonnes ruptures rythmiques entre couplets et refrains, le sax alto fait plusieurs solos... En trois minutes, il y a un caractère fleuve que n'ont pas les autres chansons rock alors.

On comprend le succès de cette chanson à teneur cinématographique, grâce à l'empreinte des paroliers, à une mélodie efficace, aux arrangements qui permettent à l'esprit "dolce" et frivole de se fondre dans une profondeur, ou disons un charme à l'italienne. Cela arrive, de l'autre côté des Alpes, aux oreilles de nos DALIDA, Johnny HALLYDAY qui s'empressent de l'adapter, et encore aujourd'hui, cette chanson reste l'un des tubes italiens les plus repris.

Un petit mot sur la face B, "Auli' ulé", au rythme cha-cha et qui persiste dans l'envie de sortir CELENTANO du rock'n'roll pur et dur. On note les choeurs féminins délirants, une touche dans l'air du temps et dont on sait que même Ennio MORRICONE en usera. La mélodie est sympathique, les cuivres sont très présents mais pas trop, c'est un bon titre de plus qui s'ajoute au répertoire d'un chanteur déjà moins "grinçant".