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1975 Firebird
 

- Style : Wendy Carlos

TOMITA - Firebird (1975)
Par AIGLE BLANC le 6 Avril 2020          Consultée 911 fois

Si je vous demande le nom d'un synthétiste japonais célèbre, nul doute que votre choix se porte le plus spontanément sur KITARO ou Ryuichi SAKAMOTO. De même, si vous deviez nommer l'un des précurseurs de la musique électronique moderne ayant transposé avec son Moog synthétiseur des pièces du répertoire classique, il y a fort à parier que Walter CARLOS* vous viendrait d'emblée à l'esprit. Et pourtant, ces deux devinettes auraient pu aussi bien faire monter à vos lèvres le souvenir d'un autre compositeur-interprète, unique en son genre : Isao TOMITA.

Né le 22 avril 1932 à Tokyo, l'enfant s'installe en Chine avec son père dès l'âge de 3 ans. Au bout de 8 années, il retourne dans son Japon natal pour y suivre des études en Histoire de l'Art à l'université Keio de Tokyo. Parallèlement, il entreprend aussi des cours privés de compositions et d'orchestration musicale, de sorte qu'une fois diplômé de l'université à l'âge de 23 ans, il obtient un poste à temps complet à la télévision japonaise pour laquelle il compose des musiques de téléfilms et des jingles d'émissions diverses. Fort de cette expérience, il se voit aussi sollicité par le monde du théâtre qui lui confie la musique originale de plusieurs spectacles. Son talent est tellement reconnu nationalement qu'on lui offre l'opportunité de composer le thème musical de l'équipe japonaise de gymnastique à l'occasion des Jeux Olympiques de Sydney en 1956. Pas mal pour un musicien de tout juste 24 ans.

Il est des révélations sur lesquelles s'appuie toute une vie. Sa carrière musicale, TOMITA la doit à la seule année 1968, non pour les mouvements de contestation sociale sévissant un peu partout en Europe, depuis les pavés parisiens, mais plus modestement à la sortie dans les bacs des disquaires de l'opus inaugural d'un certain Walter CARLOS*, ce pied-de-nez à la bien-pensance de l'intelligentsia inhérente à la sphère musicale classique, j'ai nommé le fameux Switched-on Bach qui voit l'outrecuidant musicien américain transposer des oeuvres de Johann Sebastian BACH pour claviers électroniques, une façon d'actualiser l'oeuvre du génie baroque à la sauce pop et avant-gardiste. Pour plus de renseignement sur cet album mythique faisant entrer la musique électronique ni plus ni moins que dans l'ère moderne, je vous renvoie à la chronique instructive de notre cher Waltersmoke.
En découvrant les oeuvres de BACH à la mode électronique, TOMITA, très impressionné, trouve sa voie musicale et se procure derechef la bête trônant sur la pochette de [I]Switched-on Bach[FI], le mythique synthétiseur modulable Moog III dont CARLOS est le premier à explorer les étonnantes propriétés. J'ai reconnu un synthétiseur sur la pochette, explique TOMITA. Pour la première fois alors j'ai compris que le synthétiseur n'est pas un instrument fait pour composer de la musique à partir des sons d'instruments existants, mais une nouvelle machine capable de générer elle-même des sources infinies de sons. Fort de cet investissement, il décide en 1971 de créer à Tokyo son propre studio d'enregistrement et passe des heures à triturer, à fouiller le ventre de son Moog III.

C'est en 1974 que paraît chez RCA le fruit de ses recherches et réflexions musicales appliquées au Moog synthétiseur avec l'album Clair de Lune selon l'édition japonaise, Snowflakes Are Dancing pour les éditions américaine et française, où TOMITA interprète des compositions pianistiques de Claude DEBUSSY extraites de ses Préludes, Images, Suites Bergamasques et autres Children's Corner, qu'il traite au filtre de son Moog III. L'énorme succès du disque l'incite à produire dès l'année suivante, en 1975, un nouvel opus dans la même veine. Cette fois, ce sont les Pictures at an Exhibition de Modest MOUSSORGSKY qui connaissent le même traitement électronique, 4 ans seulement après le relookage rock d'EMERSON, LAKE & PALMER.

Et la même année, infatigablement absorbé dans sa démarche musicale avant-gardiste, TOMITA enchaîne avec sa version électronique du retentissant Oiseau de Feu d'Igor STRAVINSKY, qui intéresse ladite chronique.
C'est une gageure d'analyser ce disque car l'objectif n'est pas d'évaluer l'oeuvre de STRAVINSKY (Je vous renvoie pour cela à la chronique de Tarte), mais la qualité de la transposition qu'en fait TOMITA avec son Moog III. Cela suppose des connaissances techniques dudit instrument électronique, dont je ne dispose pas hélas, contrairement à notre confrère Arp 2600.
Quand Walter CARLOS adopte cette démarche au début de sa carrière discographique avant de passer à autre chose, TOMITA quant à lui en fait son fonds de commerce, sa marque de fabrique, sa signature. Et il fait oeuvre de créateur autant que d'arrangeur par la minutie du travail sonore. Là où CARLOS s'efforçait de rester au plus près de l'oeuvre originelle en se concentrant sur la ligne mélodique principale, TOMITA, sans la dénaturer, se la réapproprie en l'intégrant au coeur de son propre tissu sonore. Ainsi, sa transposition associe à chaque ligne de la partition originale, donc souvent à chaque instrument, un son particulier généré par le Moog III. Cette approche polyphonique recrée un univers foisonnant que l'on doit presqu'autant aux compositeurs qu'il transpose qu'à sa sensibilité de musicien japonais injectant dans ses arrangements électroniques suffisamment de créativité pour que l'on puisse parler d'oeuvre personnelle à part entière.
Le ballet de STRAVINSKY nous entraîne dans la féérie d'une légende russe, ce qui autorise un jeu inventif sur les sonorités et les textures. TOMITA s'empare du sujet et de l'univers induit sans en esquiver les complexités harmoniques, de sorte que sa version de L'Oiseau de Feu ne sonne jamais comme une vulgarisation propre à séduire le quidam. De même que l'oeuvre de STRAVINSKY, la transposition de TOMITA exige de multiples lectures avant de pouvoir en goûter la cohérence interne. Mais pour qui en fait l'effort, l'écoute finit par révéler les prouesses du Moog III, au-delà de son approche abstraite qui ne manque pas de déconcerter dans un premier temps. Les harmonies complexes de cette musique transforment la version de TOMITA en un ballet électronique frôlant plus d'une fois l'ambient. La richesse du tissu sonore est telle qu'il n'est pas toujours aisé de reconnaître L'oiseau de feu, notamment lors des passages les moins mélodiques comme l' "Introduction" et la "Berceuse" qui ne brillent pas par leur degré d'accessibilité. C'est dans les moments forts de l'oeuvre que la démarche de TOMITA s'avère la plus immédiatement convaincante.

A partir d'un processus rigoureusement identique, la face B du vinyle peine moins à convaincre dans la mesure où les oeuvres choisies, Prélude à l'après-midi d'un faune de Claude DEBUSSY et Une nuit sur le mont chauve de Modest MOUSSORGSKY sont des pièces musicale globalement plus accessibles que L'oiseau de feu. Le travail de TOMITA s'y révèle excellent, là encore sans jamais dénaturer ces deux oeuvres baignant dans une rêverie éthérée pour la première et dans un climat incantatoire décoiffant propre au sabbat des sorcières pour la seconde. Cette version électronique d'Une nuit sur le mont chauve aurait même pu illustrer musicalement l'épisode correspondant du Fantasia de Walt DISNEY, si TOMITA avait oeuvré à l'époque de la réalisation de ce chef-d'oeuvre de l'animation.

Paradoxalement, ce disque de TOMITA, ainsi qu'une bonne partie de son oeuvre d'ailleurs, malgré son importance historique, paraîtra bien désuet aux jeunes oreilles habituées à des traitements électroniques autrement plus actuels. Cependant, ce témoignage du maître japonais du Moog III mérite sa place dans le panthéon des oeuvres incontournables de la musique électronique.


*A l'époque de son premier album, Walter CARLOS est encore un homme pour l'état civil. C'est pourquoi j'ai conservé son prénom initial. Nous savons bien entendu qu'il deviendra bientôt Wendy CARLOS.

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   AIGLE BLANC

 
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