Il est des groupes qui n’ont vraiment pas de chance. De ceux qui se trouvent en concurrence avec des combos qui phagocytent tout l’espace musical ou d’autres qui se lancent dans un style qui n’est plus à la mode à un ou deux ans près alors que, quelle que soit la situation, leurs qualités musicales sont évidentes. Dans le premier cas, nous trouvons les SHADOW GALLERY face à DREAM THEATER ou CINDERELLA face aux POISON ou autres MOTLEY CRÜE. Dans le second, DARE, WINGER, TRIUMPH (autre groupe canadien) ou HAREM SCAREM, groupes AOR mélodiques qui débarquent juste avant la vague du grunge pour disparaître des radars parce que le son ne correspond plus. Décidément, une carrière ne tient à grand chose, parfois.

"Change The World" est pourtant le quinzième album des Canadiens de TORONTO, emmenés depuis le début par la paire Harry Hess / Pete Lesperance. Et, croyez-moi, ces deux-là savent vous trousser des mélodies qui entrent dans votre cerveau pour vous demander d’y revenir illico. Plus "doux" que les Scandinaves qui sont les poids lourds actuels de la scène hard-rock mélodique, les HAREM SCAREM sont un de leurs rares concurrents crédibles, et ce depuis leur chef d’œuvre "Mood Swings" paru en 1993. Pratiquement aucune faute de goût, ce qui peut relever de l’exploit. On est quasiment sûr, à les écouter, de ne pas être déçu, si tant est que l’on aime ce style où la mélodie prime avec, de temps à autres, des fulgurances techniques du côté de la guitare.

L’identité musicale est donc le fait de cette paire Hess / Lesperance, et quels que soient les changements de line-up (le bassiste Stan Miczek a quitté le combo, Mike Vassos ayant pris les choses en main), on reste en terrain connu. Après un "United" particulièrement réussi en 2017, la question était de savoir si le groupe allait garder ce niveau d’exigence et le résultat est à la hauteur de nos attentes. L’opus propose onze titres emplis de riffs aisément mémorisables, d’une voix fantastique (très proche de celle de Kip WINGER) et de soli scintillants. Les titres cousus-main s’enchaînent allègrement, le groupe ayant une réelle facilité à produire des compositions très mélodiques. Tout est réfléchi, calibré et efficace. 44 minutes avec des titres oscillant entre 3’30 et 4’00, l’art de la concision comme savaient si bien le faire les groupes taillés pour les radios dans les années 60 et 70 (groupes prog mis à part).

Que ce soient les titres rapides et lourds ("Riot In My Head", "Fire & Gasoline", "Swallowed by the Machine", l’excellente "The Death Of Me"), ou plus lents ("No Me Without You", "Mother Of Invention"), les harmonies vocales procurent un plaisir d’écoute maximal. Cela commence par le titre éponyme, un rock mid-tempo sympa, mais qui est peut-être le morceau le moins enthousiasmant du disque, quand bien même le solo est magnifique. Et puis arrive "Aftershock" avec cette guitare acoustique en fond accompagnant le couplet, avec un rythme irrésistible, un pont musical servant au solo où le rythme ralentit légèrement pour repartir de plus belle, immédiatement suivie de "Searching For Meaning" avec son refrain qui paraît si évident.. On retrouve souvent les gimmicks habituels de ce type de groupe, à savoir une cassure sur la fin permettant aux harmonies vocales de faire leur effet avant de relancer le morceau pour le conclure. Classique, systématique, mais tellement bien fait. "In The Unknown" ou "No Man's Land" avec sa basse chaloupée sont typiques du son HAREM SCAREM mais, finalement, comme chacune des 11 chansons de ce disque, sans véritable surprise.

Sans surprise ne signifie pas pour autant que le disque est mauvais, bien au contraire. C’est juste une absence de prise de risques (même si "The Death Of Me", "Fire & Gasoline" et "Riot In My Head" montrent un côté hard-rock plus moderne pour les Canadiens) de la part d'un groupe au savoir-faire indéniable et doté d’une classe folle. Ceux qui ont la chance de connaître les HAREM SCAREM peuvent y aller les yeux fermés. Ils seront toujours aussi amateurs. Pour les autres, jetez une oreille à ce nouvel opus. Si vous recherchez simplement le plaisir des oreilles et que vous appréciez l’AOR, vous ne serez pas déçus. En tout état de cause, "Change The World" vous est hautement recommandé.