Nous sommes en 1972, de la formation originelle, Chris HILLMAN demeure l’unique survivant. Les différents membres sont partis voir ailleurs si l’herbe était plus verte ou ont été virés par le nouveau capitaine du band qui ne tardera pas lui même à quitter le navire. Ce disque Live propose onze titres enregistrés lors de la tournée 71. Le disque est à peine dans les bacs des disquaires que Chris HILLMAN participe au double album Manassas de son vieux pote Stephens STILLS en compagnie du fiddler Byron BERLINE et du steel guitariste Al PERKINS⃰, tous deux présents lors de cette fameuse tournée.

Quand on examine la pochette, on peut se demander s’il n’y a pas tromperie sur la marchandise. Si le nom des FLYING BURRITOS figure bel et bien en plein centre d’une pochette guère captivante, le répertoire n’a plus rien de cosmique, toutes les fragrances Psy du premier album ont totalement disparu. Il s’agit ici d’un disque dont le répertoire retranscrit pleinement la personnalité et la musicalité de Chris HILLMAN. Le mandoliniste est même parvenu à éjecter Sneaky KLEINOW, le remplaçant par PERKINS (ex FOXX, SHILOH) alors que Michael CLARKE, présent depuis le second disque a réussi à sauver ses baguettes. Parmi ces nouveaux venus, le guitariste Rick ROBERTS (ancien chanteur dans le groupe de Marc ELLINGTON) fait presque figure d’ancien. Le violoniste Byron BERLINE (ancien partenaire de Doug DILLARD et de Gene CLARK) le contrebassiste Roger BUSH (ex KENTUCKY COLONELS et membre de COUNTRY GAZETTE) et Kenny WERTZ, un ancien banjoïste guitariste du SCOTTSVILLE SQUIRREL BARKERS dans lequel figurait Hillman viennent grossir la troupe.

Curieusement ces changements de personnels constants ne nuisent en rien à la cohésion et à l’entente du groupe. BUSH, WERTZ et BERLINE sont d’authentiques virtuoses spécialisés non pas dans le Country Rock tendance Psyché mais dans le Bluegrass, registre qui s’insère abondamment dans ce Live. "Devil In Disguise"⸋ qui ouvrait leur premier disque confirme d’entrée de jeu une orientation vers un Rock plus dynamique même si le chant plus classique d’HILLMAN offre un autre aperçu que celui du charismatique Gram PARSONS. Autres titres du premier opus "My Uncle" est délivré sur un tempo plus accentué, le violon apporte un plus tandis que la mandoline de la version studio passe aux oubliettes. A contrario « Hot Burrito #2 » semble s’enliser inutilement, la pedal steel de Perkins parait stérile tandis que le groove s’amenuise pour presque disparaitre. Les BURRITOS reprennent "High Fashion Queen", compo de PARSONS figurant dans la seconde galette, dans une veine beaucoup plus rock, plus groovy et largement plus consistante que le boogie piano de la version studio.

En 1971, le cowboy du paquet de Marlboro et John Wayne sont en passe de disparaître du Grand Ouest. Ils sont remplacés par de nouveaux cowboys aux cheveux longs et les grands espaces sont désormais jalonnés par des trucks gigantesques. L’évolution parait-il ! Le groupe rend hommage aux camionneurs dévoreurs d’espace avec "Six Days On The Road", une truck song popularisée par Dave DUDLEY en 63, chantant les exploits des premiers routiers cibistes solitaires, derniers garants de l’aventure. Repris à maintes reprises, Les FLYING BURRITOS nous en délivrent une version enjouée dans laquelle, l’air de rien, le violon de Berline tient les rennes de l’attelage. "Well, I pulled out of Pittsburgh - Rolling down the eastern seaboard-I've got me diesel wound up… … Six days on the road and I'm gonna make it home tonight". Pour ceux qui aiment se flageller on conseillera "Six jours sur la route", l’adaptation de Claude FRANCOIS.

Popularisé par les TENNESSEE CUTUPS de Don RENO, l’instrumental "Dixie Breakdown" offre le premier rôle au banjo, tandis que la contrebasse s’offre un solo virevoltant. La formation reprend sous la forme d’un bluegrass entraînant "Don't Let Your Deal Go Down", un vieux folk appalachien des NORTH CAROLINA RAMBLERS, le trio de Charlie POOLE. Là encore le banjo et la mandoline se livrent un beau duel. Le violon s’offre plus d’une minute de démonstration sur le standard "Orange Blossom Special", le banjo prenant un relais festif tandis que les autres instruments rentrent dans une gigue d’enfer. Une bonne reprise du titre des ROUSE BROTHERS.

Changement total de cap avec "Ain’t That A Lot Of Love", une pépite de Soul sudiste gravée sans succès par Homer BANKS. Mis à toutes les sauces (Taj MAHAL, THREE DOG NIGHT, SAM & DAVE) le groupe nous immerge en plein Southern Rock avec cette reprise aussi surprenante que réussie. Seconde bonne pioche issue de la Soul avec "Don’t Fight It", popularisé par Wilson PICKETT secondé par BOOKER T & The MG’s ; les BURRITOS nous étonnent encore en alliant Southern Soul et Country Rock. Une interprétation Live bien supérieure à celle des DOORS ou des SHADOWS Of KNIGHT. L’album s’achève avec une troisième pépite Soul issue cette fois du label Goldwax avec "Losing Game" immortalisée par James CARR. Le groupe influe une bonne dose de peps, la guitare de Rick ROBERTS nous offre de belles envolées tandis que la basse ne lâche pas la cadence une seconde bien aidée par une batterie en furie.

Ce Live restitue trois séquences éclectiques avec du Country Rock plus teigneux, moins Acid que les albums studios. Le Bluegrass, cher à Chris HILLMAN, se taille une bonne part du gâteau. Enfin un troisième chapitre dédié à la Soul avec trois titres transformés en Southern Rock tiré du meilleur tonneau. Produit par Jim Dickson (ancien manager des DILLARDS et des BYRDS, déjà présent sur Burrito Deluxe) ce disque Live charme par son entrain communicatif et bénéficie de l’apport de Byron BERLINE et Roger BUSH. Un disque au registre varié, plein de pétulance et de vitalité.