En 2005, le label "Frontiers" décida de réunir devant un micro les fantastiques Russell ALLEN (SYMPHONY X, ADRENALINE MOB, AYREON) et Jørn LANDE (ex ARK, MASTERPLAN, AVANTASIA), alors qu’un nouveau prodige de la six-cordes, Magnus KARLSSON, à l’époque guitariste de PRIMAL FEAR et futur PLACE VENDOME, était chargé de la composition et de l’accompagnement de ces pointures. Dès lors, ce trio sortit trois très bons albums sous le nom de ALLEN / LANDE, soit "The Battle" en 2005, "The Revenge" en 2007 et "The Showdown" en 2010. En 2014, exit Magnus remplacé par Timo TOLKKI (ex-STRATOVARIUS, REVOLUTION RENAISSANCE) pour le quatrième album (ALLEN / LANDE "The Great Divide »). Six ans plus tard, le duo Russell ALLEN / Magnus KARLSSON est reconstitué avec, en lieu et place de Jørn LANDE, la voix féminine d’Anette OLZON (THE DARK ELEMENT et ex-NIGHTWISH) pour l’album "Worlds Apart", objet de cette chronique.

Le risque de ce type d’album est que l’un des deux chanteurs éclipse l’autre et que les problèmes d’ego prennent le pas sur la qualité de la musique. Or, dans le cadre de l’association ALLEN / LANDE, point de difficulté de cet ordre, les vocalistes n’étant pas en compétition, alors qu’on assistait plutôt à l’éclosion d’un talent en la personne de Magnus KARLSSON, au grand dam de ceux qui s’attendaient à des duels vocaux, comme sait si bien les mettre en musique Arjen LUCASSEN. Or, l’association ALLEN / OLZON n’a pas, de base, le même parfum. Là, on ne s’attend pas à des duels mais plutôt à de la complémentarité en raison des tessitures très différentes des deux protagonistes. Mais il reste ici à déterminer si KARLSSON a réussi son coup ou non.

Onze titres pour près d’une heure de musique et, d’entrée, un titre où la voix de "Sir" Russell chante seul. Déception sur ce plan, il y a un peu tromperie sur la marchandise, même si c'est sympathique et que nous sommes sur un power rock épique comme sait si bien les composer le multi-instrumentiste suédois, avec solo tout en sweeping à la clé. Et ce n’est pas le seul titre assumé par un seul des deux chanteurs. Pour Russell ALLEN, ce seront donc "Lost soul", "Who You Really Are" en sus de "Never Die". Anette OLZON a, elle, la responsabilité de "I'll Never Leave You", "One more chance" et "Cold Inside". Répartition équitable.

Certains titres font un peu convenus, sans émotion particulière. "Who You Really Are" cherche à installer une certaine dramaturgie dans la progression par ses changement fréquents de rythme, avant les parties instrumentales sur une accélération du tempo. Mais le titre n’apporte pas d’émotion particulière sauf peut-être dans la partie refrain. C’est très bien fait, mais il manque le petit truc qui fait basculer un morceau en un titre irrésistible. Et l’excellent solo de Magnus n’y change rien. On a l'impression que c’est presque du remplissage, comme un minimum syndical. Même construction sur "Lost soul". Si la mélodie est sympa, c’est surtout les parties up-tempo de guitares qui impressionnent.

Les titres chantés par Anette sont plus mémorisables. Ce style lui va à merveille. "Cold Inside" débute comme un slow avant légère accélération du temps. Les capacités vocales de la Suédoise sont parfaitement utilisées par Magnus KARLSSON, que ce soit dans le lead ou les harmonies qui sont de son fait. Belle mélodie qui permet au guitariste de faire montre de ses talents au sweeping sans que le solo ne soit qu’un déluge écoeurant de notes. On pourrait en dire de même de "One more chance" ou de "I'll Never Leave You" qui pourrait être le "tube" de l’album avec son refrain qui met Anette en valeur. Elle est proche de ce qu’elle faisait dans "Imaginaerum" de NIGHTWISH.

Le partage des tâches se fait donc sur les cinq titres restants. Mais pour certains, l’impression est mitigée. Ainsi, si le titre éponyme est bien troussé, il reste de facture classique. Vite écouté, vite oublié. Ce n’est pas du fait des vocalistes, mais ce morceau paraît bien faible du point de vue de la mélodie. Par contre, le niveau est très largement relevé sur "What If I Live", la voix éthérée d’Anette lançant le titre avant que les deux voix n’alternent et ne se fondent à la quinte pour un titre mid-tempo irrésistible, notamment dans son refrain. La belle "No Sign Of Life", de son côté, utilise le même schéma, tout comme "My Enemy". C’est toujours Anette qui commence et Russell qui suit avant qu’ils ne chantent ensemble sur la fin du couplet et l’ensemble du refrain. Ce qui est étrange, Russell semble moins impliqué qu’Anette qui délivre une prestation de haut vol. "Who's Gonna Stop Me Now" tranche par rapport aux précédentes, n’étant pas structurée de la même manière. Chacun fait un couplet en commençant par Russell, les deux chanteurs se rejoignant sur les refrains. C'est bien, c'est de l'AOR un peut plus heavy, mais pas franchement extraordinaire du point de vue mélodique.

En conclusion, ce disque qui promettait beaucoup présente les mêmes similitudes que ceux sortis avec Jørn LANDE où l’impression est que la symbiose ne se fait pas forcément. C’est bien fait, certains titres sont vraiment chouettes, mais la qualité n’est pas constante. Et celle qui s’en tire haut la main, alors que j’aurais pensé de prime abord le contraire, reste Anette OLZON. Si vous appréciez sa voix, si vous appréciez le travail guitaristique de Magnus KARLSSON, allez-y. Pour Russell ALLEN, ce disque n’apportera rien à sa gloire. Dans ce type de configuration, je le préfère dans son travail avec AYREON qui semble mieux adapté à sa manière de chanter.