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1998 Going Back Home

Sherman ROBERTSON - Going Back Home (1998)
Par LE KINGBEE le 11 Juin 2020          Consultée 792 fois

Certains albums nous permettent parfois de nous remémorer des événements cocasses. Ce CD m’a été proposé par son auteur chez Boogie, magasin de disques à Levallois Perret et base arrière de la revue Soulbag. Ce jour-là, un grand escogriffe noir coiffé d’un stetson tout aussi noir me donnait d’imperceptibles petits coups d’épaule tout en me collant le long des bacs. Le gaillard finissait par me glisser son CD avec les disques de Clifton que j’avais entre les mains. Je connaissais Sherman de nom, mais je ne l’avais pas reconnu, ne m’attendant pas à le voir ici. Cette scène se passait sous le regard amusé de Jean-Pierre Arniac qui me présentera au guitariste. Je suppose que Sherman devait se produire au Méridien.

Natif de Breaux Bridge, un bled au nord-est de Lafayette, Sherman ROBERTSON voit le jour en 1948. La pêche à l’écrevisse et la fabrique du boudin, grandes spécialités locales, ne nourrissant pas assez son homme, sa famille quitte la région pour s’installer dans l’état voisin à Houston. A treize ans, Sherman regarde un reportage consacré à Hank Williams et décide de se mettre à la guitare, instrument qu’il apprend en autodidacte.
Habitant à deux pas des studios Peacock de Don Robey, il peut côtoyer les nombreux musiciens locaux apprenant par-ci par-là différentes astuces et techniques de guitarises. Repéré par son professeur de musique, il intègre l’orchestre de son collège.
Une fois son cursus scolaire terminé, il accompagne Bobby « Blue » BLAND sur tout le territoire lors d’une tournée de six semaines. Sherman monte ensuite son premier groupe, le CROSSTOWN BLUES BAND, formation avec laquelle il écume tous les clubs et les bars de la Louisiane au Texas. S’il a côtoyé Cal GREEN adolescent, c’est en accompagnant Peppermint HARRIS qu’il fait ses premiers pas en studios. S’il épaule en studio de nombreux musiciens locaux, il enregistre sous son nom trois albums pour le label de Houston Lunar #2. Durant la même période, il met en boîte une poignée de 45-tours au sein du CROSTOWN BLUES BAND. Il grave aussi un single pour l’écurie Soul Vibration ⃰, mais c’est en 1982 que sa carrière décolle véritablement. Remarqué par Clifton CHENIER, le King du Zydeco, lors d’un concert du CBB, il décide d’intégrer le LOUISIANA HOT BAND. Il participe ainsi à plusieurs albums de l’accordéoniste et répond présent à tous ses concerts.
En 1987, à la mort de Clifton, Sherman remonte brièvement son groupe avant d’être embauché par Rockin’ DOPSIE, l’héritier de la couronne laissée vacante par CHENIER. Sherman rebondit ensuite auprès de Terrance SIMIEN, mais c’est en 1986, en participant à « Graceland », le disque de Paul SIMON, que le public lambda met enfin un visage sur le guitariste. Sherman sert ensuite de sideman de luxe à Johnny COPELAND.
En 1994, il enregistre « I’m The Man » pour le label Code Blue, ce qui lui vaut d’être nominé aux Blues Music Awards.
En 1998, année du présent CD, il accompagne Linda SHELL et effectue une tournée européenne triomphale en 2000, passant notamment au Lucerne Blues Festival. En 2002, on le retrouve au sein des Zydeco Roadrunners, l’orchestre de l’accordéoniste Leroy THOMAS. Victime d’un AVC, SHERMAN s’est retiré brièvement du chemin des studios. En 2014, il collaborait à « Decissions », disque de Bobby RUSH en compagnie de Carl WEATHERSBY et Billy BRANCH.

En 1998, Sherman se retrouve sans maison de disque. Le guitariste retient l’attention d’Audioquest, petit label indépendant ayant déjà à son catalogue quelques pointures (Ronnie EARL, Mighty Sam McCLAIN ou Joe BEARD. Enregistré lors de deux sessions en mars 1998 à l’OceanWay Recording Studios d’Hollywood, sous la houlette de Joe Harley également patron du label, mettant ainsi en principe l’adage : on n’est jamais si bien servi que par soi-même. Fortement impliqué dans le Jazz depuis la fin des fifties, Harley sera le futur instigateur de la série Music Matter Jazz du label Blue Note. La qualité sonore du présent recueil est donc quasi sans la moindre faille.

Pour épauler le Texan d’adoption, on a convié une solide équipe: le claviériste Bill PAYNE (ex-LITTLE FEAT, DOOBIE BROTHERS), le regretté Richie HAYWARD aux fûts (ex-MARTHA VELEZ, LITTLE FEAT) le bassiste Bob GLAUB (ex-Linda RONSTADT, John FOGERTY), tandis que le saxophoniste Joe SUBLETT (ex-Stevie Ray VAUGHAN, LITTLE FEAT) vient prêter main forte sur cinq titres. On peut donc s’attendre à une excellente complicité, les différents accompagnateurs s’étant abondamment croisés lors de multiples sessions, la corrélation avec LITTLE FEAT étant toujours en vigueur.

Laissé pour compte par le label Code Blue qui aspirait à en faire un Robert CRAY de seconde zone, Sherman se montre dès le départ assez revanchard. Il laisse tomber son habituelle Stratocaster et enfile les notes sur une Gibson ES355, instrument qui lui va comme un gant. Le guitariste distille ici sept titres issus de sa plume pour quatre reprises.
En ouverture, « Guitar Man », un Blues medium teinté de Rock, lance les hostilités, nous plongeant dans une sonorité proche d’Albert COLLINS. « Going Back Home » qui donne son nom au disque se rapproche lui aussi de COLLINS à ceci près que Sherman est moins avare en notes de guitare. Curieusement, certaines intonations vocales évoquent par moment l’harmoniciste chanteur Delbert McCLINTON, un de ses voisins texans. La cadence ralentit nettement avec « Everybody Loves Somebody » plus proche de la Soul de Bobby BLAND que du Texas Blues de Freddie KING, influence revendiquée par Sherman. Le sax de Joe SUBLETT apporte une douceur et la voix bien tempérée pourra rappeler celle de Lou PRIDE. Autre superbe compo avec « I Wonder Why », un long Slow Blues de 7 minutes qui se boit comme du petit lait et dans lequel l’orgue Wurlitzer distille une atmosphère d’église, alors que le tempo et le jeu de guitare évoquent Freddie KING. Il rend hommage à Albert COLLINS, grosse source d’inspiration, avec « Fall In Love » en utilisant en intro un passage de « Defrost », un instrumental rare issu d’un single Great Scott. Si les baguettes offrent une cadence quasi militaire à l’instar de nombreuses rythmiques louisianaises, n’oublions pas que les troupes de Napoléon sont passées par là, l’orgue Hammond de Bill PAYNE met de l’huile dans les rouages. Pour un peu, on croirait que les METERS ont été invités à la fête. Changement de cap avec « Special Kind Of Loving », alors que la guitare prend une accentuation Jazzy, le sax tente de nous faire voyager vers la Cote Ouest. En fermeture, « Driving All Night » nous renvoie à mi-chemin d'Albert COLLINS et de Freddie KING, une combinaison ne pouvant que suggérer un bon moment.

Le guitariste s’attaque à quelques inusités choisis avec pertinence: « I Don’t Want No Woman »⃰ ⃰, titre obscur de Clifford « Grandpappy » GIBSON enregistré en 1960 pour le label Bobbin. Si le jeu de guitare s’apparente par moment à ceux de Magic SAM ou Otis RUSH, le titre est une fusion de Texas Blues et de West Coast, deux territoires géographiquement éloignés. Il rend hommage à Johnny COPELAND, autre habitant de Houston avec « ME, My Guitar And The Blues »°, un superbe blues lent que Copeland n’a jamais pu enregistrer. « Looking At The Bottom », un inusité du bluesman d’Atlanta Theodis EALEY, se dévoile comme un bon titre de Soul Blues. Sur un rythme enjôleur, la guitare se fait aérienne. Nous concluons ce modeste panorama avec « « Don’t Throw Your Love On Me So Strong », le plus grand succès d’Albert KING avant qu’il n’atterrisse à la Stax. La bonne humeur semble ici évidente, Sherman apostrophe son saxophoniste pour qu’il lui souffle quelques rasades de Texas Blues, le guitariste goguenard demande à son pianiste une rapide démonstration, mettant ainsi les deux accompagnateurs en concurrence. Si certains risquent d’avoir une petite fréquence pour la version d’Albert King, l’interprétation de ROBERTSON sous forme de Jam apporte un petit vent de renouveau. Une version décontractée aussi captivante que les reprises d’Eddie C. CAMPBELL ou Melvin TAYLOR.

Disque assez personnel agrémenté de reprises méconnues, « Going Back Home » bénéficie aussi d’une prise de son assez chaude, Michael Ross, excellent ingé-son, ayant utilisé deux pistes analogiques, ce qui contribue à restituer une sonorité à l’ancienne. Ajoutons que les différents accompagnateurs ne semblent avoir d’autre préoccupation que de mettre le guitariste au diapason. Une mention à Bob GLAUB, on comprend pourquoi John FOGERTY est allé le chercher pour le Live « Prémonition ».
Un disque qui allie les subtilités du Texas Blues à une idiomatique chicagoanne. On pourra juste regretter une production peut-être trop sage, ce qui n’empêche pas le disque de récolter une excellente note.

⃰ Soul Vibration était aussi le nom du groupe avec lequel ce single a été enregistré.
⃰ ⃰ Il s’agit d’un titre homonyme à celui de Don ROBEY popularisé par Bobby « Blue » BLAND, ou le tandem Robert CRAY/Albert COLLINS. On note cependant que les deux mélodies sont parfois assez proches selon les interprètes.
°Titre homonyme à ceux de Jimmy DAWKINS et Chris Thomas KING.

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   LE KINGBEE

 
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- Sherman Robertson (chant, guitare)
- Bob Glaub (basse)
- Richie Hayward (batterie)
- Bill Payne (piano, claviers)
- Joe Sublett (saxophone 2-3-5-6-9)


1. Guitar Man
2. I Don't Want No Woman
3. Me, My Guitar And The Blues
4. Going Back Home
5. Everybody Loves Somebody
6. Don't Throw Your Love On Me So Strong
7. I Wonder Why
8. Fall In Love
9. Special Kind Of Loving
10. Looking Up At The Bottom
11. Driving All Night



             



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