Neverland est le pays imaginaire de Peter Pan. C’est également et surtout l’endroit où l’on peut rester indéfiniment un enfant. Mais dans notre réalité, cela relève de l’utopie, et se soustraire à la vieillesse demeure un rêve que même l’argent ne peut acheter.
Devenir un adulte, perdre son innocence sans pour autant renoncer entièrement à la part enfantine de son âme, tel est le fil directeur des paroles de ce nouveau disque des Franciliens de Kirin Dosha. Et à défaut de s’envoler vers le Pays de Cocagne par une nuit étoilée, c’est en gardant les pieds bien sur terre et en affrontant le passage du temps que le quatuor a choisi de s’exprimer.

En 2017, l’E.P Wonderland avait déjà montré de bien belles choses et donnait l’image d’un groupe au fort potentiel créatif. J’avais hâte de découvrir ce que cette formation allait produire par la suite, et je n’ai absolument pas été déçu.

Si le disque précédent affichait encore trop les influences palpables de Placebo et de Foo Fighter, il en va clairement autrement de ce nouvel album. Les claviers ont pris davantage de place et de consistance, en développant des textures new wave à la façon de DEPECHE MODE, avec parfois des atmosphères indus (Counterfeit Love). L’une des premières choses qu’on ressent lors de l’écoute globale est cette mélancolie omniprésente. Même si le groupe ne renie à aucun moment l’énergie rock et brute qui a fait sa marque de fabrique ("All My Lies, Scared Boy" (et son riff presque dansant), "Monophobia", "Fake"), ce sentiment d’intériorité, de questionnement profond prédomine à chaque instant et constitue un véritable fil rouge, une colonne vertébrale autour de laquelle s’articule tout l’album. À ce titre, le chant représente un immense point fort. Laurent a en effet su s’affranchir des relents de Brian Molko qui tapissaient ses cordes vocales, pour développer une intonation beaucoup plus personnelle et parfaitement en accord avec le ton de ses textes. À l’instar de ses trois autres collègues, sa performance illustre à merveille la fantastique évolution ainsi que les progrès réalisés par tous les membres.

Si une phrase pouvait résumer la démarche du groupe, ce serait que le talent ne suffit pas sans un travail acharné. Et pour ce qui est d’avoir bossé, laissez-moi vous dire que ces gars-là devraient servir de modèles à bon nombre de jeunes formations qui négligent l’investissement quotidien. En l’espace de seulement trois années, l’écart de niveau entre Wonderland et Neverland est juste abyssal. C’est bien simple, j’avais littéralement l’impression d’écouter le dernier album d’un groupe de rock international déjà établi depuis dix ans. Énorme travail sur les mélodies, comme l’entame de Son qui m’évoque un peu Blink-182, mais dont le point d’orgue, l’apothéose, se situe dans le diptyque final "Carved In Stone/Frozen", rehaussés par les soli parfaits de Mik.

Un superbe album de rock, composé de main de maître par un collectif talentueux et qui n’a clairement pas hésité à se retrousser les manches pour donner le meilleur de lui-même. Si cet album a énormément tourné chez moi durant le confinement, il ne fait aucun doute que ces morceaux prendront toute leur dimension en concert.
Déjà dans mon top 10 de 2020. Un must-have, et avant tout la preuve que le travail paie. On leur souhaite le meilleur pour la suite car ils le méritent. À noter une ghost track bien sentie en guise de conclusion.