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1987 Mountains
 

- Membre : Steve Roach

Thom BRENNAN - Mountains (1987)
Par AIGLE BLANC le 29 Juin 2020          Consultée 1139 fois

Musicien américain né en 1957, Thom BRENNAN est issu de la scène californienne qui regroupe au milieu des années 80 Steve ROACH, Kevin BRAHENY et Robert RICH, autant d'artistes évoluant dans la sphère de l'Ambient Music dont ils sont devenus, chacun à sa manière, d'incontestables références. On peut même affirmer qu'il existe entre eux 'une communauté géo-spirituelle', dénommée communément 'l'école californienne', dans le sens d'un courant musical identifiable aux fortes caractéristiques suivantes : abandon fréquent de tout instrument acoustique au bénéfice exclusif de l'électronique et, de manière encore plus radicale, de toute assise rythmique. Leur inspiration initiale naît la plupart du temps de la contemplation des paysages californiens que leur musique recrée en de vastes plages sonores désignées sous le terme de 'Soundscapes'.
Comme ses confrères, Thom BRENNAN s'est abreuvé aux travaux des pionniers minimalistes Terry RILEY et Morton SUBROTNICK, ayant inspiré Brian ENO, poursuivis et développés dans les années 70 par l'école électronique berlinoise représentée par TANGERINE DREAM, Klaus SCHULZE et ASHRA-TEMPEL, dont la musique est plus connue sous le vocable de la 'Cosmic Music'. A ces influences, on peut aussi ajouter celles des musiques médiévales et musiques ethniques venues de l'Orient.
Thom BRENNAN se singularise par l'ampleur cinématographique de ses compositions, sans doute marqué qu'il fut par des études entreprises au sein d'une école de cinéma qui ont forgé sa sensibilité particulière aux textures de l'image et à l'impact subliminal provoqué par son rapport avec la musique de film, qu'il n'a de cesse de rechercher dans ses propres créations musicales, fortement cinématographiques, voire visionnaires.
Si les musiciens de l'école électronique californienne restent si peu connus en France ou en Europe, c'est en raison de leur indépendance farouche, renforcée dans le cas de Thom BRENNAN par le choix de s'auto-produire au sein de son propre label, TMB Music, de 1987 à 2004, auquel succède depuis 2005 son nouveau et dernier label en date Rain Garden Music, autant de structures éditoriales ne produisant que ses propres albums.

Mountains (1987), dans la discographie de Thom BRENNAN, occupe la même position que le fameux Structure From Silence (1984) de son compatriote Steve ROACH, c'est-à-dire celle d'une oeuvre inaugurale devenue au fil des décennies une référence de l'Ambient et de la musique new-age. Que les réfractaires du New-Age se rassurent : point de pseudo musique ici, point de démarche fumeuse lorgnant du côté de la musico-thérapie, le pire degré de ce style sur lequel se sont rués tant de charlatans. De même que Steve ROACH ou Robert RICH, le synthétiste élabore des albums réellement inspirés, totalement habités par une vision d'artiste authentique, et dont l'écoute requiert de l'auditeur une implication sans faille sous peine de passer à côté de leur vraie beauté.
Une fois n'est pas coutume, osons féliciter la production de l'artiste lui-même, assisté aux manettes par Steve ROACH qui décèle en son poulain un talent qu'il est prêt à parrainer. Ce qui frappe en effet dès la première écoute de Mountains, c'est le SON. En 1987, la technologie analogique est abandonnée depuis 7 ans, au profit de l'ère digitale qui a vu naître les albums futuristes, autant qu'avant-gardistes, Exit (1981) de TANGERINE DREAM et Digit (1980) de Klaus SCHULZE. La démocratisation des synthétiseurs Yamaha et Obeirheim, encouragée par leur miniaturisation, a vu prolifération de groupes new-wave se lancer dans la synth-pop en poursuivant les travaux des pionniers allemands de KRAFTWERK. Nous connaissons tous aujourd'hui les sons synthétiques des années 80, au détriment de la santé de nos oreilles effarouchées par ces mastodontes de sons stridents, au volume sonore surpuissant dont nous serions bien en peine de chercher la subtilité ou le sens de la nuance, ces sons froids parfaitement accordés à la synth-pop mais a priori si malvenus quand il s'agit de peindre des Soundscapes envoûtants. Ce n'est pas, loin s'en faut, la moindre des qualités de Mountains que de marquer indéniablement une forme d'aboutissement dans la restitution des sons digitaux en offrant un démenti cinglant à tous ceux qui reprochent leur froideur désincarnée aux claviers des années 80. La production exceptionnelle de Mountains offre un rendu sonore d'une finesse inédite à laquelle seule une installation hi-fi décente est en mesure de rendre justice. Contrairement à mes habitudes, je ne saurais trop vous en conseiller l'écoute au casque afin de mieux saisir la douceur magique des sonorités soyeuses du synthétiseur Yamaha. L'immense VANGELIS nous a certes habitués à ce son orchestral d'une ampleur envoûtante, que ce soit dans Blade Runner ou Antarctica, à la seule différence que Thom BRENNAN (aidé de Steve ROACH, ne l'oublions pas) développe des atmosphères introverties en privilégiant le mode mineur, c'est-à-dire qu'il ne recherche presque jamais la puissance du son, n'impose aucune emphase (le pêché mignon récurrent de VANGELIS), mais nous invite à un voyage immobile, en apesanteur, à la limite de l'éther. Ce qu'il perd en amplitude du spectre sonore, l'album le gagne en subtilité, en douceur, un état de grâce auquel il est diffiicle de résister.
Naturellement, les cinq titres de Mountains, par leur caractère abstrait, entrent en résonnance avec cette production gracile. Ils s'enchaînent comme autant de mouvements d'un ensemble plus vaste et n'ont donc pas pour vocation d'affirmer leur personnalité au détriment de ou en réaction à leur prédécesseur ou successeur. Si "Green River Passage" constitue une excellente entrée en matière, une mise en condition idéale à l'expérience immersive à laquelle nous convie l'album, les trois titres suivants, de "Incence And Rain" à "Habu Valley", se fondent dans la continuité de cette belle introduction, semblant manquer de caractère mais compensant ce léger défaut par un travail sur les sons, leurs textures comme leurs agencements, absolument bluffant d'onirisme et de charme.
"Mountains" en revanche, cinquième et dernier titre, constitue indéniablement la pièce-maîtresse de l'opus, sa pierre angulaire. Forte de ses presque 29 minutes, alors que les autres mouvements naviguent entre 3 et 10 minutes, elle offre un modèle de suite synthétique où le jeu sur la répétition renvoie à l'école minimaliste de Philip GLASS, mais sans le caractère souvent mécanique de la musique dudit compositeur, se coulant au contraire avec une fluidité exemplaire dans le conduit de l'auditeur grâce à la perfection ouatée de la production. La nature électronique des sons peut aussi évoquer certains travaux de Klaus SCHULZE, et notamment le titre "P:T:O" de Body Love mais actualisé par la technologie moderne de 1987. La séquence de "Mountains" répétée jusqu'à l'extase subliminale représente un tour de force de la musique répétitive et le simple fait qu'elle ne suscite aucun ennui est en soi un petit miracle.

L'album est paru chez différents labels, dont l'éditeur français OREUS qui le classe dans sa collection Musique Essentielle et propose un titre bonus qui le prolonge fort agréablement. En effet, l'ajout du sixième titre "Monsoon" réitère la magie de "Mountains" dans un style moins mélodique mais tout aussi envoûtant, grâce à un travail impressionnant sur les sons ambient qui se déploient jusqu'à former une fresque musicale étourdissante de beauté minimaliste : un must non seulement de l'ambient mais aussi du New-Age, 18 minutes aux arrangements inspirés et subtils qui conduisent le mouvement jusqu'aux confins de la musique concrète, sans aucun ennui ni la moindre prétention.

Mountains est un album essentiel de la musique électronique que tous les rêveurs et amoureux de la nature se doivent de découvrir.

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   AIGLE BLANC

 
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- Thom Brennan (production, synthétiseurs yamahah et oberheim, séq)
- Steve Roach (production, mixage, percussions additionnelles)


1. Green River Passage
2. Incense And Rain
3. The Burning Temple
4. Habu Valley
5. Mountains
6. Bonus : Monsoon



             



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