Is The Is Are ou l'album de la rédemption. Il s'en est en effet fallu de peu pour que DIIV se brûle définitivement les ailes alors que le projet n'avait que quelques mois d'existence au compteur. Les Américains ont failli quitter la scène indépendante par la toute petite porte, faisant plus souvent la une des médias à sensation outre-Atlantique que celle de la presse musicale. Il faut dire qu'ils n'ont pas vraiment fait les choses à moitié. Voyez plutôt. Colby Hewitt, le batteur, définitivement resté en suspens dans des hauteurs célestes et hallucinogènes, sera viré après la parution de l'album. Devin Ruben Perez, le bassiste, qui a tenu des propos racistes et homophobes, quittera quelque temps également après le navire. Pour couronner le tout, Zachary Cole Smith, le leader, qui se la joue Kurt COBAIN (son idole de toujours) finit en garde à vue avec sa copine Sky FERREIRA pour possession de drogues. Même si le terme est souvent galvaudé, il s'agit bien d'une véritable thérapie entreprise par Smith. De là à aller mieux...

La route a donc été sinueuse et chaotique avant que DIIV nous propose cette généreuse galette de dix- sept titres. Pendant plus d'une heure, l'auditeur se retrouve dans une position digne d'un docteur FREUD des années 2010. Il écoute avec attention les états d'âmes du leader. Le beau gosse en a bien gros sur le cœur. Cette mise à nu ne sera pas nécessairement accompagnée d'un changement musical notable. En effet, à l'image d'Oshin, son premier album sorti en 2012, DIIV propose tout au long de cette cure des ambiances très indie, parfois dream et totalement pop. Encore une fois, la (très) part belle est donnée aux guitares. Is The Is Are ou comment faire passer les émotions par les cordes. Smith expose ses tourments à travers de subtils morceaux, le plus souvent, mais pas toujours car la gourmandise s'avère parfois un vilain défaut. Smith avait tant de choses à nous dire qu'il en oublie parfois la retenue.

Les fleurs bleues un peu comme moi se satisferont aisément de titres qui sentent bon la mélancolie, de celle qui enveloppe les jours de fin d'été. Ecoutez-moi plutôt les tristounes "Healthy Moon" et son petit piano serre-cœur ou le maussadement pop "Loose Ends". Ils valent leur pesant de kleenex assurément. Smith est triste et nous parle de lune morte et du sempiternel temps qui passe. Les mélodies sont bien amenées et l'adhésion pour peu que ces ambiances vous touchent est forcément rapide. A l'écoute de ces sonorités, c'est à un autre Smith auquel on pense. Au petit Robert, encore une fois. L'ombre des CURE se promène ici (l'introductif "Out Of Mind") et là (l'excellent "Dopamine"). A bien y réfléchir, c'est quand même fou le nombre de groupes influencés par les Anglais. Chez DIIV, ceci se fait plutôt naturellement, les Américains passant sans problème de la lumière à des teintes plus sombres comme le souligne avec conviction l'anxiogène "Waste Of Breath" dont les lancinantes guitares apparaissent comme un improbable mix de PIXIES et d'INTERPOL.

Mais... car il y a quand même un mais, sinon ce serait trop simple... comme avec Oshin, Is The Is Are n'arrive pas à se départir de ce léger sentiment d'ennui et de linéarité. Je n'irais pas jusqu'à évoquer l'idée de remplissage, mais les deux instrumentaux que sont "Fuck" avec ses relents nirvanesques et le simili shoegaze "Napa" ne servent objectivement à rien. Ils rentrent peut-être dans le processus de guérison de Smith, mais je me sens un peu étranger à ces instants, comme à la marge. L'amour, c'est aussi important. Le leader désire nous le prouver avec "Blue Boredom", son petit duo en mode jeunes tourtereaux qui roucoulent. Tant mieux pour lui, tant pis pour nous, car ces petites messes basses sur fond de guitares souterraines n'émeuvent pas vraiment elles non plus, dommage.

Amputé de quelques titres superficiels, Is The Is Are aurait fait plus qu'une solide galette. C'est d'autant plus frustrant que, pour le reste, Smith en plus de ses doutes expose une pop mélodieuse et attachante.