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1975 Jail

BIG MAMA THORNTON - Jail (1975)
Par LE KINGBEE le 23 Juillet 2020          Consultée 1268 fois

Si on interrogeait des quidams lors d’un micro-trottoir sur le thème des disques enregistrés dans une prison américaine, il est fort probable que les deux disques enregistrés par Johnny CASH à la fin des sixties arriveraient en tête de liste.

Originaire d’Alabama où elle voit le jour en décembre 1926, Willie Mae Thornton débute le chant dans la paroisse de son paternel pasteur en compagnie de ses six frères et sœurs. Suite au décès de sa mère, elle quitte l’école à 14 ans pour subvenir aux besoins de la famille. Elle devient bonne à tout faire dans une taverne de Montgomery avant de rejoindre la Hot Harlem Revue, une troupe de Vaudeville avec laquelle elle apprend le métier en se mettant à la danse, à la comédie, à l’harmonica et aussi aux baguettes. Etablie à Houston en 1948, elle intègre les Harlem Stars de Joe Fritz et enregistre un premier single pour E&W, un micro label local. Repérée par Don Robey, patron du label Peacock, elle place son nom sur l’échiquier de l’industrie phonographique le 13 août 1952 en mettant en boîte "Hound Dog", une compo du jeune tandem Leiber/Stoller, épaulée par l’orchestre de Johnny OTIS. Le single ne sort que vers la fin de février mais reste en haut des charts pendant 14 semaines dont la moitié sur la première marche.
Willie Mae gagne très vite haut-la-main son sobriquet de BIG MAMA THORNTON. Il faut dire qu’elle s’habille souvent en garçon, qu’elle semble plus attirée par les filles et qu’elle pèse tout de même pas loin des 150 kilos. Durant les fifties, elle se produit aux côtés de Bobby "Blue" BLAND, de Johnny Ace (qui se tirera une bastos dans la tête en jouant à la roulette russe) et occasionnellement dans la revue du Johnny Otis Show. En 1957, sa carrière dégringole quelque peu. Peacock ne lui renouvelant pas son contrat, elle s’installe à San Francisco. Elle se produit alors dans des clubs de moindre importance, enregistrant pour de petits labels parfois non distribués nationalement (Sotoplay, Sharp, Irma, Bay-Tone, Carolyn ou Speed). Au fur et à mesure que sa côte descend, son poids augmente, la chanteuse atteignant les 180 kilos. Selon certains témoignages, BIG MAMA qui n’aime pas trop qu’on l’emmerde porte une matraque dans ses sous-vêtements, un procédé efficace lui permettant d’éviter toute mauvaise surprise.

En 1965, Chris Strachwitz, patron du label Arhoolie, lui permet de figurer au Monterey Festival et parvient à l’intégrer à l’American Folk Blues Festival (AFBF). Pour la première fois, la native d’Alabama vient poser ses guêtres en Europe. Lors d’une session à Londres, Big Mama enregistre avec une solide équipe d’accompagnateurs (les guitaristes Buddy GUY, Fred McDowell et Jimmy Lee Robinson, le batteur Fred Below et le pianiste Eddie Boyd) ce qui débouche sur In Europe. S’ensuit Ball N Chain, gravé au sein de l’orchestre de Muddy WATERS. Mais c’est une jeune chanteuse blanche à la chevelure rousse qui décroche le cocotier en reprenant le titre "Ball N Chain". Sur la pochette de Cheap Thrills élaborée par Robert Crumb, le nom de Big Mama THORNTON apparaît dans un cercle au centre du visuel. A partir de 1969, elle enchaîne chez Mercury avec trois galettes plus orientées sur le commercial, avant d’atterrir chez Vanguard, firme pour laquelle elle grave Jail.
La suite sera moins rose. Si elle se produit fréquemment sur scène et si son physique et son expérience lui permettent de rencontrer encore du succès dans le circuit du Blues Revival, son penchant pour l’alcool et la poudre blanche ont des effets aussi soudains que dévastateurs sur sa santé. En 1983, alors qu’elle s’est installée dans une pension de famille en Californie, elle tombe malade. Alors qu’elle a été en surcharge pondérale toute sa vie, Big Mama passe de 200 à une quarantaine de kilos. Victime de graves problèmes hépatiques, son cœur lâche pendant l’été 1984. A 57 ans, Willie Mae n’avait plus rien d’une " BIG MAMA".

La pochette du disque nous met sur la voie avec cette paillasse, un modeste sommier métallique, un tabouret sur lequel sont entreposés trois harmonicas et une flasque d’alcool médicinal. On est dans la cellule d’un pénitencier, au mitard !
Enregistré au Monroe State Prison, un pénitencier basé dans l’état de Washington, et à l’Oregon State Reformatory d’Eugene, une prison datant du milieu du XIXème siècle, ce disque rentre d'emblée dans le vif du sujet. Si les disques de Johnny CASH furent enregistrés devant un parterre de prisonniers souvent mutiques (leurs gardiens auraient exigé le silence et une tenue irréprochable), BIG MAMA quant à elle met le feu au poudre d’entrée. Le physique imposant et la gouaille de la chanteuse semblent produire un effet immédiat sur l’assistance. Il faut dire que l’histoire du petit coq à crête rouge a de quoi émoustiller plus d’un prisonnier. La chanteuse semble se comporter comme sur n’importe quelle scène du territoire. Elle se produit ici avec son orchestre habituel, des musiciens qui l’épaulent depuis plusieurs années comprenant notamment l’harmoniciste George "Harmonica" Smith, les guitaristes Bee Houston (ex-Bobby BLAND, Junior PARKER) et Steve Wachsman (futur membre des R&B Bombers) et le saxophoniste Bill Potter (ex-Apollo Stars). Quoi de mieux que "Little Red Rooster", une compo de Willie DIXON popularisée en 61 par Howlin’ WOLF et que les STONES feront monter trois ans plus tard sur la première marche des hit-parades britanniques ? Elle enchaîne avec l’approprié "Ball And Chain", titre gravé en 59 pour le label Bay-Tone et qui connaîtra une surprenante seconde vie via la reprise de Janis JOPLIN. Cette remarquable métaphore sur les boulets agrémentant les chaines des bagnards s’avère ici des plus cocasses. Cette face A s’achève avec "Jail", un blues lent coécrit par Thornton et le producteur acteur Link Wyler avoisinant les 6 minutes dans lequel l’harmonica fait feu de tout bois bien appuyé par la guitare aérienne de Bee Houston.

La Face B s’ouvre avec "Hound Dog", grand succès de BIG MAMA via la cover de PRESLEY. Si le titre semble mettre en ébullition le public, on ne peut s’empêcher de constater que BIG MAMA est moins mordante que dans la version d’origine ou celle publiée pour Arhoolie. La chanteuse ne grogne plus que de loin, les dents et l’envie de mordre semblent maintenant éteintes. En regardant le visuel dorsal, on se dit que BIG MAMA devait déjà être malade à cette époque, usée par les abus. Malgré tout, parmi les nombreuses chanteuses a s’être essayé à la reprise, seules Koko TAYLOR, Thornetta Davis et Gizzelle parviennent à se hisser à son niveau. La récente interprétation de Crystal Shawanda, nouvelle coqueluche amérindienne navigant entre Americana et Blues pourrait presque faire sourire. Mais encore une fois, le charisme de Big Mama a fait plus d’un heureux lors de ces représentations en prison et puis les paroles ont dû en fustiger plus d’un : "You ain't nothing but a hound dog - Lying all the time - Well you ain't never gonna lovin' and you ain't no friend of mine…". Les bluesmen s’inspirent les uns les autres, certains piochent sans vergogne dans la besace d’un collègue, ce n’est pas nouveau. Avant de devenir un gros succès en 1961 pour BB KING, "Rock Me Baby" avait connu plusieurs variantes : du "Roll Me Mama" de Curtis Jones, au "Rocking Chair Blues" de Big Bill Bronzy en passant par le "Rock Me Mama" d’Arthur CRUDUP, en bifurquant par le "Rockin’ And Rollin’" de Lil’ Son Jackson sans oublier le "All Night Long" pompé par Muddy WATERS. Une fois encore, c’est l’orchestre qui se paye le meilleur rôle sur un tempo extra lent, mais quand Big Mama entonne : "Rock me baby, rock me all night long - Honey, roll me baby, like you roll a wagon wheel…", nul doute que plus d’un taulard a eu son lot d’étoiles dans les yeux. Dans un registre Folk, Big Mama apporte un peu d’humour avec "Sheriff O.E. & Me" du songwriter Allen Wayne. Si ces concerts dans des pénitenciers de haute sécurité étaient organisés par l’entremise d’associations et d’organisme en faveur d’une amélioration carcérale, il était de bon ton de terminer le show sur une bonne note. Ancienne chanteuse de Gospel, Big Mama nous délivre un "Oh Happy Day" relativement sage, porté par le sax de Bill Potter, une rythmique métronomique et des claquements de mains en provenance des cellules et des couloirs. Avouons que le tube popularisé à la fin des sixties par les Edwin Hawkins Singers a encore du chien. C’est autre chose que les versions de Chimene Badi, Willem ou PAGNY, mais comparons ce qui est comparable.

Produit dans la difficulté par George "Hog" Wyler, (on le retrouvera aux côtés de Mance Lipscomb, Lightnin’ Hopkins et Pee Wee Crayton), ce disque nous offre un aperçu des possibilités vocales de cette tête de gondole du R&B qui n’a malheureusement pas connu la richesse ni la notoriété qui lui revenait. Jail a fait l’objet de plusieurs rééditions vinyles et CD. On conseille aux amateurs d’exhaustif de s’orienter sur le coffret The Complete Vanguard Recordings regroupant les trois opus édités par Vanguard en 2000.

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   LE KINGBEE

 
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- Big Mama Thornton (chant)
- Bee Houston (guitare)
- Steve Wachsman (guitare)
- Bruce Sieverson (basse)
- Todd Nelson (batterie)
- J.d. Nichols (piano)
- George 'harmonica' Smith (harmonica)
- Bill Potter (saxophone)


1. Little Red Rooster
2. Ball 'n' Chain
3. Jail
4. Hound Dog
5. Rock Me Baby
6. Sheriff O.e. & Me
7. Oh Happy Day



             



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