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1966 Art Gallery

The ARTWOODS - Art Gallery (1966)
Par LE KINGBEE le 19 Août 2020          Consultée 754 fois

Après un bref passage au sein de Blues Incorporeted, groupe d’Alexis Korner, Arthur « Art » Woods, un ancien étudiant en art graphique et aîné d’un certain Ronnie, un futur rouleur de caillou, décide de monter son propre groupe en 1964, bientôt rejoint par Keef Hartley. Batteur remplaçant de Ringo Starkey au sein de Rory Storm & The Hurricanes, Hartley en a ras-le-bol d’être considéré comme une sempiternelle roue de secours. Les deux musiciens recrutent le bassiste Malcolm Pool, un pote de Ted Wood (le 3ème frère), en provenance des Roadrunners. L’organiste Jon Lord (futur cofondateur de DEEP PURPLE) vient grossir le combo avec le guitariste Derek Griffiths (futur Dog Soldier et Evelyn Thomas). Le quintet prend le nom d’ARTWOODS, la contraction du surnom et du nom du chanteur.

The ARTWOODS se taillent vite une solide réputation sur scène, le combo devenant l’un des groupes attitrés du célèbre 100 Club basé sur Oxford Street. Si leur répertoire comprend une majorité de reprises issues de l’Amérique, le registre voguant entre Blues, R&B, Mods, Rock et Garage ne peut que combler le jeune public anglais. Il n’est pas réducteur d’affirmer que la formation est une combinaison entre les ANIMALS, THEM, Spencer Davis Group, le Blues Uncorporated de Cyril Davies et Alexis Korner et le futur Alan Price Combo.
Fin 64, Art Woods parvient à décrocher un contrat avec la firme Decca. Le groupe met en boîte quelques démos intéressantes sous le nom de l’Art Wood Combo, dont une reprise de "Hoochie Coochie Man", standard de Willie DIXON popularisé par Muddy WATERS. Mais Decca tergiverse et, à force d’attendre, ce sont les versions de Long John Baldry, Graham Bond Organization et MANFRED MANN qui passent sur les ondes britanniques.
The ARTWOODS enregistrent deux singles dès 1964, mais "Sweet Mary" qui aurait pu devenir un hit ne rencontre qu’un succès d’estime. Le single ne bénéficie d’aucune promotion et le producteur Terry Kennedy semble déjà plus accaparé par la carrière de Donovan. En 1965, Decca France édite un E.P qui ne connaît aucun succès. Chez nous, à cette époque, on danse le Sirtaki ; AZNAVOUR nous ressasse "La Bohème" alors que France GALL nous redonne un cours d’histoire avec "Sacré Charlemagne". De l’autre côté de la Manche, les BEATLES cartonnent avec "Yesterday", les STONES avec "Satisfaction" ; les WHO témoignent d’une fulgurance avec "My Generation" et les THEM portent "Gloria" aux portes des paradis intemporels. En 1966, The ARTWOODS commettent leur premier album publié tant bien que mal par Decca.

En dehors d’une pochette peu porteuse, que n’importe quel groupe issu d’une de nos maisons de la jeunesse et de la culture aurait refusée, c’est le nombre de reprises qui frappe invariablement les esprits. Decca n’a pas jugé bon de glisser une seule création du groupe. Choix surprenant quand on sait que Decca a confié la production à l’excellent Mike Vernon ; certes, le producteur est âgé de 22 ans mais il vient de collaborer non sans une certaine réussite avec le pianiste américain Eddie Boyd et s’est attelé au Blues Breakers, le second disque de John MAYALL dans lequel figure Eric CLAPTON. Rentré chez Decca comme grouillot ou homme à tout faire à 18 ans, Mike Vernon, occupé par ses activités au sein de Blue Horizon, quittera la firme deux ans plus tard.

Ce sont donc 12 covers auxquelles nous sommes confrontés ici, déception d'autantplus grande quand on connaît la qualité des textes et des chansons que fourniront plus tard certains membres du band. Mais replaçons-nous dans le contexte de cette seconde partie des sixties. Notre contrée connaît toujours un retard considérable sur ses voisins européens. Au moment où Art Gallery sort dans les bacs des disquaires, le bon peuple français chante à tue-tête "Les Playboys" (DUTRONC), les couples se pelotonnent sur "Un Homme et une Femme", Antoine nous balance ses élucubrations, les ados se trémoussent sur le "Bang Bang" de SHEILA, tandis que nos radios nous refourguent jusqu’à plus soif "Les Sucettes" (France Gall)⃰. Constat assez caustique mais irréfutable d’autant plus que tout ce qu’on a retenu en provenance de l’Amérique et des Rosbeefs se résument à "Stranger In The Night" (SINATRA), "Good Vibrations" (The BEACH BOYS) ou le "Daydream" de Lovin’ Spoonfull. En clair, en 1966 l’auditeur gaulois est fortement impacté par des radios à côté de la plaque, des campagnes de promotion qui n’ont de cesse de nous refourguer les mêmes soupes souvent marquées par une faiblesse de textes destinée à appauvrir notre culture et notre intellect.

Alors si Art Gallery avec sa pochette à la con ne propose que 100% de reprises, soulignons que celles-ci sont choisies avec soin. En ouverture, le combo s’attaque à "Can You Hear Me", une compo d’Allen Toussaint popularisée par l’impayable Lee Dorsey. Ici, les effluves de la Nouvelle-Orleans disparaissent au profit d’une tonalité Garage se rapprochant de Question MARK. Arthur et ses potes se penchent par deux fois sur le répertoire de Delores Burke (épouse de Solomon) avec "Down In The Valley", un R&B avec sousaphone et grosse section cuivre gravé en 62 par Solomon BURKE. Bien sûr, le titre connaîtra une seconde jeunesse via la version d’Otis REDDING mais le combo sera parmi les premiers à reprendre cette pépite. Les fans de Country et de Gospel feront probablement le rapprochement avec "Birmingham Jail", une compo du duo Darby & Tarlton bientôt reprise sous le titre de "Down In The Valley" par les Andrew Sisters. Seconde incursion chez le couple Burke avec "Keep Lookin’", titre jamais repris jusqu’alors. Après une intro d’orgue évoquant l’ambiance des églises baptistes du Grand Sud, le groupe nous plonge dans une atmosphère Garage à cheval entre QUESTION MARK et les ANIMALS.
Petite visite dans les archives de la Stax avec l’excellent "Things Get Better" d’Eddie FLOYD. Si le glorieux DR FEELGOOD fera tomber la chanson dans sa besace douze ans plus tard, la version des ARTWOODS pleine de peps se déguste comme une pionnière du Pub Rock avec une rythmique auteure d’un freakbeat imparable. Elmer Berstein reste associé aux génériques de nombreuses bandes originales hollywoodiennes ; à l’origine "Walk On The Wild Side"◊ figure au générique du film du même nom (La Rue Chaude) réalisé par Edward Dmytryk avec une toute jeune Jane Fonda. Le titre repris par Brook Benton dans une version R&B Bubblegum fait ici l’objet d’un instrumental en guise d’interlude avec, comme point d’orgue, les claviers de Jon Lord. "I Keep Forgettin’", une compo de la prolifique paire Leiber/Stoller, avait été popularisée par Chuck JACKSON dans une version que polluait une dramaturgie excessive. La version des Anglais, plus sobre, évoque les THEM ou les ANIMALS avec un chant plus volontaire. Une version qui nous paraît nettement plus authentique et simple que le futur essai Glam de David BOWIE. Si le timbre trop sucré et trop sensuel de Marvin GAYE offusque parfois certaines oreilles, "One More Heartache" propose ici une orchestration reposant sur un superbe nappage d’orgue tandis que le chant d’Art Woods se fait nettement moins larmoyant que celui du chanteur de la Motown.
Seconde visite dans la Crescent City avec "Work, Work, Work", œuvre de Naomi Neville (pseudo d’Allen Toussaint), enregistrée par Lee Dorsey. Le ton nous oriente ici vers la Mersey, le tempo et l’orchestration penchant du côté des Sorrows. Second gros clin d’œil à la Stax avec "Be My Lady", un instrumental de BOOKER T & The MG’s. Par rapport à l’original, l’orgue de Jon Lord endosse carrément le premier rôle tandis que la basse se fait moins ronde dans une orientation plus Garage et moins groovy. Petit succès du chanteur James Ray, "If You Gotta Make A Fool Of Somebody", un R&B avec harmonica, connaîtra de nombreuses reprises (Timi Yuro, Bobbie Gentry, Aretha FRANKLIN, Jackie DeShannon). Les Anglais proposent une version légèrement décalée mais dans laquelle l’harmonica est bien présent. "Stop Think It Over"nous rappelle que le Blues est l'une de leurs plus grosses influences ; le R&B de James Crawford est transformé ici en un Slow Blues aussi groovy qu’obsédant. Le disque se termine sur "Don’t Cry No More", une petite pépite de Don Robey popularisée par Bobby « Blue » Bland ». Là, les Anglais transvasent la froide Tamise dans le lac Pontchartrain. Le chant efficace, une batterie s’offrant le plein de breaks et un orgue au diapason viennent conclure la galette par un bon feu d’artifice.
The ARTWOODS proposent ici douze faces qui vont à l’essentiel. Les titres ne s’y éternisent pas, hormis "Walk On The Wild Side", et correspondent aux formats radio de l’époque. Art Woods n’a certes pas la rage de Van MORRISON ou d’Eric BURDON, mais il parvient à faire prendre vie à la plupart des morceaux. Enfin, quand, au début de sa chronique, votre chroniqueur évoquait le nombre de reprises, encore faut–il diluer ce faux problème, ici plus les ¾ des titres sont repris pour la première fois par les ARTWOODS. Les Anglais auront donc contribué malgré eux à faire connaître des titres qui auraient pour la plupart pu rester au fin fond d’un tiroir. Un disque sincère, une orchestration qui n’en rajoute pas, un choix de titres judicieux et une production sans esbroufe demeurent des atouts majeurs.

Note réelle 3,5. Pour une meilleure visibilité, ce disque sera classé dans le tiroir du Blues.

⃰ Le chroniqueur précise qu’il n’a rien contre les musiciens cités. Ce sont les premiers qui lui sont venus à l’esprit et il ne doute pas qu’il doit y avoir bien pire.
◊ Titre homonyme à celui de Lou REED.
⃰ ⃰ ⃰ Titre homonyme à celui du duo Dale & Grace.

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   LE KINGBEE

 
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- Arthur 'art' Woods (chant, harmonica 10)
- Derek Griffiths (guitare)
- Malcolm Pool (basse)
- Jon Lord (claviers)
- Keef Hartley (batterie)


1. Can Your Hear Me ?
2. Down In The Valley
3. Things Get Better
4. Walk On The Wild Side
5. I Keep Forgettin`
6. Keep Lookin`
7. One More Heartache
8. Work,work,work
9. Be My Lady
10. If You Gotta Make A Fool Of Somebody
11. Stop And Think It Over
12. Don`t Cry No More



             



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