Overton Vertis WRIGHT voit le jour en 1939 à Lenow, une bourgade paumée du Tennessee sur l’ancienne ligne ferroviaire Nashville–Memphis. Mais il y a bien longtemps que le train ne s’y arrête plus, faute de rentabilité.
Comme de nombreux concitoyens de son époque, Overton Vertis (que nous appellerons désormais O.V.) fait ses gammes au sein de sa chorale paroissiale. A treize ans, il prend des cours auprès du Révérend Hamblin, pasteur de la Golden Leaf Church, un tremplin qui lui permet d’intégrer les Five Harmonaires, ensemble de Gospel dans lequel chante son frère Edward⃰. En 1956, O.V. est recruté par les Sunset Travelers, l’un des groupes majeurs de Gospel basé à Memphis. A 17 ans, le jeune chanteur enthousiasme rapidement le public du circuit Gospel et enregistre plusieurs faces au sein des Travelers pour l’écurie Peacock de Don Robey.
Quand il ne chante ses louanges à Dieu, O.V. ramasse les poubelles des habitants de Memphis. En 1964, Roosevelt Jamison, un ancien chanteur des Redemption Harmonizers, lui propose une chanson qu’il vient d’écrire : "That’s How Strong My Love Is". Le chanteur tente d’enregistrer la chanson chez Stax Records qui refuse de la publier ; une bande parvient jusqu’au siège du label Goldwax qui décide de finaliser le titre en studio. Producteur et patron de label retord, Robey accuse son poulain d’avoir rompu son contrat en enregistrant pour une écurie concurrente et le met à l’amende. La chanson ne connaît hélas qu’un succès d’estime, c’est Otis REDDING qui décroche la timbale en reprenant le morceau à l’instigation du guitariste Steve Cropper. Cet échec lance cependant la carrière d’O.V. Wright, Robey le transférant sur le label Back Beat, l’une de ses filiales.
En 1965, O.V. parvient à placer deux titres dans le Top Ten national avec "You’re Gonna Make Me Cry" et "Eight Men, Four Women". Les deux titres figurent deux ans plus tard dans l’album "(If It Is) Only For Tonight" qui devient disque d’or. Propriétaire d’une discographie comptant 19 singles et 5 albums sous la bannière de Back Beat, O.V. Wright passe après dix ans de bons et loyaux services chez Hi Records, le label de Willie Mitchell, suite à la vente de Back Beat à la firme ABC-Dunhill. Malheureusement, si Willie Mitchell lui concocte des productions de toute beauté avec des arrangements et des orchestrations inattaquables et si la voix est toujours bouleversante, l’album "We’re Still Together" ne rencontre que peu de succès. Le jeune chanteur à la voix d’or qui a transposé le Gospel en de furieuses ballades R&B pleines de conviction n’est plus, il s’est transformé à vitesse Grand V en un vieillard tremblant et édenté diminué par une addiction à la poudre.

Fin 79, O.V. s’offre un dernier feu d’artifice en enregistrant au Japon, pays où il est adulé, un Live remarquable accompagné par la Hi Section toujours très en verve. La suite est moins rose. Miné par de graves problèmes de santé, Overton renoue avec ses premiers amours en enregistrant en 1980 4 And 20 Elders, un album de Gospel en compagnie des Luckett Brothers. Alors qu’il devait se rendre en Europe pour la première fois, O.V. Wright s’éteint à Mobile à 41 ans, rejoignant ainsi son créateur.

Enregistré à Tokyo au Nakano Sun Plaza et au Shibuya Kokaido les 17 et 29 septembre, O.V. Wright nous offre ici une superbe rétrospective de sa carrière. Secondé par les trois frères Hodges, le batteur Howard Grimes et deux excellents cuivres (Melvin Rogers et Dennis Bates) l’ancien chanteur de Gospel semble avoir retrouvé ses vingt ans. Annoncé en fanfare par un excellent chauffeur de salle, l'audience semble déjà en ébullition dès l’arrivée du chanteur. Quoi de mieux que d’attaquer par "I’d Rather Be (Blind, Crippled And Crazy)", un titre qui place le groupe sur de bons rails. Le chant haut en couleur est convaincant, plus subtil qu’Otis REDDING, moins complaisant que James Carr, Wright semble s’être ragaillardi pour le plus grand plaisir des auditeurs. Une version plus authentique que la reprise de Buddy GUY. Le chanteur est en forme, il parvient à impliquer la salle entre ses morceaux.
Le chanteur reprend ici quelques-uns de ses anciens titres Back Beat : "Ace Of Spades" ⸋, l’excellent "Eight Men, Four Women", chanson adultérine par excellence, semble faire l’adhésion auprès du public qui entonne quelques paroles. Si Little Milton reprenait la chanson avec une certaine verve, là c’est encore la voix qui illumine le titre et fait toute la différence. Il reprend le "Precious Precious" de la floridienne Jackie Moore et c’est encore une fois l’accompagnement et ce falsetto si particulier qui font la différence.
Wright reprend l’excellent "Love And Hapiness", n’oubliant pas de préciser qu’il s’agit d’une chanson d’Al GREEN, son ami du label Hi Records. Contrairement à la version studio d’origine, Wright impulse un chant plus volontaire, en adéquation avec certains prêches religieux et une Southern Soul bien en phase. Une version qui relègue à des années-lumière celles d’Al JARREAU ou de Gerald Alston qui délivrait une pâtée de Disco complètement bouffie. Second emprunt à Al GREEN avec "God Blessed Our Love" que Wright reprenait dans l’album studio "Into Something (Can’t Shake Loose)". Une véritable petite douceur typique de la Deep Soul. Si O.V. a parfois tendance à accentuer le côté théâtral, à l’instar de certains spirituals, son timbre est beaucoup moins sexy que celui d’Al Green qui se prenait pour l’occasion pour Marvin GAYE.
Il reprend le "When A Man Loves A Woman" popularisé par Percy Sledge. Un titre qui n’apporte rien de particulier et ne s’éternise pas, mais permet de communier avec la salle et de donner le micro aux frangins Hodges. Si certains risquent de préférer la version studio beaucoup plus religieuse avec son orgue, le groupe nous délivre une bonne interprétation de "That’s Strong My Love Is". Si le grand Otis REDDING connut un succès considérable, au même titre que les STONES, on conseille au passage la version oubliée des Sweet Inspirations. Toutes les influences et le poids du Gospel sont retranscrits sur "You Gonna Make Me Cry". Curieusement, le chanteur ne s’étend pas outre mesure sur son tube, celui-ci ne dépassant pas les 120 secondes, mais ce dernier lui permet encore de créer comme une symbiose avec le public nippon, le présentateur, véritable chauffeur de salle, remettant une couche. Le concert se termine sur "Into Something (Can’t Shake Loose)", un titre plus nerveux et funky qui finit par mettre la salle à genoux durant plus de sept minutes.

Avec cet ultime album Live, O.V. WRIGHT remettait les pendules à l’heure. Un public de connaisseurs, une troupe de virtuoses (probablement l’un des trois meilleurs ensembles de Deep Soul), un choix de titres judicieux, des relances efficaces, et enfin un chanteur qui, malgré ses problèmes de santé, avait encore envie d’offrir un excellent show. Histoire de faire la fine bouche, on pourra juste regretter l’absence de la triplette de choristes Rhodes/Chalmers/Rhodes. Mais Overton Vertis nous empreigne ici de toute sa ferveur émotionnelle. Ce disque édité en 1979 a été réédité à plusieurs reprises, Fat Possum a publié une réédition vinyle en 2016.

⃰ Edward connaît une modeste carrière profane sous le nom de Little Eddie Wright.

⸋ Titre homonyme à ceux de MOTORHEAD et Link WRAY.
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