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2022 Carry Me Home

MAVIS STAPLES - LEVON HELM - Carry Me Home (2022)
Par LE KINGBEE le 19 Juin 2022          Consultée 923 fois

Pour Mavis STAPLES, dernière survivante des STAPLES SINGERS, et Levon HELM, ancien membre des Hawks de Ronnie HAWKINS, de Bob DYLAN et du BAND (excusez du peu), c’est une vieille histoire. La chanteuse et le batteur chanteur ont sympathisé lors du tournage de "The Last Waltz" réalisé par Martin Scorcese. En réalité, ce concert d’adieu du BAND ne comprenait pas à l’origine Mavis, Scorcèse rajoutera "The Weight" avec Mavis dans un rôle de guest lors d’une session postérieure dans les studios de la MGM. Tourné le 25 novembre 1976, jour de Thanksgiving, le documentaire ne sortira sur les écrans que deux ans plus tard.

Enregistré lors d’une session le 3 juin 2011 à Woodstock, dans les propres studios du batteur, "Carry Me Home" coïncide avec un retour aux sources traversé par les influences diverses (Gospel, Blues, Soul et Rock) des deux protagonistes. Si derrière ce titre se cache une coloration religieuse, de nombreuses pistes divergent vers d’autres horizons pour finir par brosser un superbe tableau. A la manière des Nymphéas de Claude Monet, Mavis et Levon nous distillent par petites touches un tas d’influences qui finissent par ne faire qu’un.

Victime d’un cancer de la gorge en 1998, Levon Helm avait pris pour habitude d’animer l’émission "Midnight Rambler" dans son studio, une série de shows destinés à rembourser de lourdes factures de chimiothérapie et qui redynamiseront sa carrière avec à la clef deux albums solo primés aux Grammy Awards. Ces shows permettront de surcroit d’entendre des invités s’illustrant en dehors de leurs carcans respectifs, des artistes qui finiront par se bousculer au portillon. Si certains de ses artistes au nom parfois ronflant pouvaient interpeler (Norah Jones), d’autres ne pouvaient qu’attirer les oreilles curieuses et open (Elvis Costello, Dr. JOHN) mais le nom de Mavis Staples s’imposait tout naturellement.

Il semble bien que les Dieux veillaient sur cette session. On retrouve d’un côté les musiciens attitrés de la native de Chicago, tandis que de l’autre, les Midnight Ramblers s’illustrent auprès de leur chef de file, la complicité et la cohésion ne laissent aucune place au doute.

D’entrée de jeu, la voix rauque de Mavis fait mouche sur "This Is My Country", compo militante de Curtis MAYFIELD popularisée par The IMPRESSIONS. Si l’original portait un regard critique sur le quotidien de la population afro-américaine, la batterie de Levon Helm s’annonce plus martiale, il faut dire que les States traversaient une période morose, entre les tueries (phénomène récurrent), les tornades meurtrières, le Mississippi qui déborde, des incendies ravageurs et un gouvernement qui a failli mettre la clef sous la porte, le Président Obama connaissant une année contrastée. On notera au passage que Mavis change quelque peu le texte d’origine, celui-ci devenant du coup plus critique. Sous forme d’un tempo lorgnant entre Rock et Protest Song, "I Wish I Knew How It Would Feel To Be Free" se révèle comme une ode à la liberté. Initialement instrumentale, cette création du jazzman Billy Taylor sera agrémentée d’un beau texte par l’entremise de Dick Dallas, une chanson popularisée par Nina SIMONE que Levon reprenait dans l’album "Electric Dirt". Une version entrainante et une dénonciation d’une injustice toujours latente chez la première puissance mondiale. Si "Move Along Train" prend ici une tournure plus bluesy par rapport à la version des STAPLES SINGERS, la connotation religieuse reste toujours marquée et constitue un bon mixte avec la version de Levon Helm, la thématique du train étant synonyme d’espoir et d’une vie meilleure dans les spirituals. Autre emprunt aux STAPLES SINGERS avec "This May Be The Last Time", chanson pleine de tristesse qui ne laisse rien inaugurer de bon. Si le phrasé de guitare et l’orgue maintiennent une tension constante, on regrette l’absence des aboiements de chiens à l’instar de la reprise des Blind Boys of Alabama (les chiens symbolisant la répression subie par la population noire lors des manifestations liées au Civil Right Movment).

Les deux comparses reprennent à leur compte de grands classiques du Blues. "Trouble In My Mind", standard du pianiste Richard M Jones, a été mis à toutes les sauces (Hillbilly, Blues, R&B, Jazz, Rock). Là l’intro de violon impulse une ambiance mélancolique que la guitare contourne apportant juste ce qu’il faut de rage, tandis que les cuivres viennent chauffer l’ensemble. Composition du guitariste Larry Campbell préalablement interprétée par Levon, "When I Go Away" s’inscrit comme un message de salut et non de peur comme pourrait le laisser penser cette oraison funèbre. Là encore le travail des choristes vient renforcer la puissance des paroles.

Le Gospel est également partie prenante. Si à l’image de nombreux chants religieux traditionnels, on ignore avec exactitude quel est le véritable auteur de "Father Along" (William B Stevens un prédicateur du Missouri est souvent accrédité), Mavis reprend la fonction originelle de la chanson chantant a capela, n’étant juste renforcée lors de certains passages par les cœurs avec une Amy Helm qui tutoie les sommets. Une version crépusculaire qui s’écarte des nombreuses reprises Country Gospel (ELVIS, Johnny CASH, Wanda JACKSON) ou de celle plus sucrée des Soul Stirrers. Peut être le meilleur enregistrement avec celui d’Hoyt Axton. Décriée dans la Bible comme pervertie et décadente, Babylone est devenu le symbole de l’orgueil des hommes. Mavis reprend "Hand Writing On The Wall" *, titre probable de Nadine Hopson figurant dans l’album "Unlock Your Mind" des Staples Singers. A mi-chemin entre Spiritual, Holly Blues et marche Country, la chanteuse nous met en garde contre les effets pervers de l’orgueil. On se laisse aisément prendre au jeu, tandis que les paroles font références au roi Balthasar qui ne tardera pas à passer l’arme à gauche. "I see the handwriting on the wall - Somebody read it, tell me what it says - Old King Belshazazar got trouble in mind - Go get Daniel somebody said…", une belle parabole du prophète Daniel.

"Wide River To Cross", superbe pièce Americana du couple Julie/Buddy Miller, se retrouve ici transformée en ballade Gospel. Un titre sur les aléas et les mauvais choix de la vie marqué par une touche d’espérance. Une version bien supérieure aux guimauves barbantes de Diane KRALL ou Carrie Rodriguez. Bien avant de tomber dans l’escarcelle du Blues par le biais de Fred McDowell puis d’être mondialisée par les STONES, "You Got To Move" avait fait les beaux jours de nombreux quartets et de prédicateurs itinérants. Là, l’orchestration prend de la voilure, magnifiée par les chœurs, Mavis impulse une ligne mélodique entre Newgrass et Hillbilly Gospel.
Dans un album, figure bien souvent un titre plus coton à classer. C’est le cas avec "You Got To Serve Somebody", piste d’ouverture du "Slow Train Coming" de DYLAN. Si la chanson fait partie intégrante du répertoire religieux du barde, elle prend ici une sonorité plus Rock. Mavis s’était déjà attaqué au morceau dans un Tribute dédié à Dylan, marchant ainsi sur les traces de son paternel. Une excellente version qu’on rangera auprès des essais de Shirley Caesar, Etta JAMES ou Nanette Workman. Chez nous, Francis CABREL en avait fait « Il faudra que tu serves quelqu’un », une adaptation relativement réussie.

En clôture, comme attendu, Mavis reprend "The Weight", titre de Robbie Robertson devenu la marque de fabrique du BAND. Pour l’occasion, Levon Helm lui succède brièvement au chant. Si le titre gravé en une prise distille une mélodie plus enjouée que la normale, on appréciera (ou pas) le nappage cuivré (trompette et sousaphone) et les chœurs particulièrement communicatifs encore une fois. Un titre intemporel dont le refrain passe encore sur nos radios : "Take a load off, Fanny - Take a load for free - And (and) (and) you put the load right on me".

La voix éraillée et la puissance du timbre de Mavis Staples viennent enrichir un répertoire aussi fécond que généreux. Si la trame oscille en permanence entre Gospel, Soul et chansons engagées, l’album conviendra aussi aux amateurs de Pop. Certains titres ont été enregistrés dans les circonstances d’un Live, certaines interventions des choristes et des sidemen de premier plan (les guitaristes Rick Holmstrom ex Johnny Dyer, Junior Watson Rod Piazza, Jim Weider ex Band, Los Lobos ou le trompettiste Steven Bernstein ex John Zorn, Carla Bley, The Lounge Lizards) apportent un caractère enjoué. A l’heure où ces modestes lignes apparaitront sur le site, Mavis se produisait en France et en Angleterre. Victime de son cancer, Levon perdra sa bataille contre la maladie à peine un an après cet ultime feu d’artifice. Ce recueil existe en format CD et sous forme d'un double vinyle.



*Titre homonyme à ceux des Jubilaires, il fait aussi référence à un discours de l’évangéliste Billy Graham de 1958, discours resté célèbre pour avoir été prononce cent soirs de suite au Madison Square Garden.

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- Mavis Staples (chant)
- Levon Helm (batterie, chant 12)
- Rick Holmstrom (guitare)
- Jim Weider (guitare)
- Larry Campbell (guitare, mandoline, choeurs)
- Jeff Turmes (basse)
- Byron Isaacs (basse)
- Stephen Hodges (batterie)
- Brian Mitchell (piano, orgue)
- Steven Bernstein (trompette)
- Jay Collins (saxophone, sousaphone)
- Erik Lawrence (saxophone)
- Amy Helm (chœurs)
- Yvonne Staples (chœurs)
- Teresa Williams (chœurs)
- Vicki Randle (chœurs)
- Donny Gerrard (chœurs)


1. This Is My Country
2. Trouble In My Mind
3. Farther Along
4. Hand Writing On The Wall
5. I Wish I Knew How It Would Feel To Be Free
6. Move Along Train
7. This May Be The Last Time
8. When I Go Away
9. Wide River To Cross
10. You Got To Move
11. You Got To Serve Somebody
12. The Weight



             



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