Pour cette centième chronique sur Forces Parallèles, j'ai décidé de mettre en lumière un album discret qui mérite sans conteste d'être exposé à un peu plus de lumière. Il s'agit de la première galette des Américains d'ELEFANT. ELEFANT, c'est un quatuor new-yorkais arrivé sur le devant de la scène indie renouveau-revival rock au début de ce nouveau millénaire. Emmené par le talentueux auteur-compositeur Diego Garcia, le combo a comme tant d'autres pleinement profité de l'élan impulsé par les STROKES. Pour les plus paresseux d'entre nous, l'ombre de CASABLANCAS d'ailleurs plane certainement plus ou moins sur ces dix titres. Sunlight Makes Me Paranoid vaut cependant amplement la peine d'être écouté pour lui-même et pour ce qu'il a à nous dire.

Comme je l'ai déjà écrit dans les quelques lignes concernant THE BRAVERY, ces années 2000-2005 se caractérisaient par un bouillonnement créatif où la hype la plus habituellement cynique se partageait l'espace avec l'espoir tenu d'avoir des artistes qui comptent et qui surtout durent dans le temps. A chaque semaine, sa nouvelle sortie, son nouveau talent. Avec plus de quinze ans de recul, on constate un peu amèrement que cette effervescence s'est dégonflée aussi vite qu'une baudruche. ELEFANT ne déroge malheureusement pas à cette impérieuse règle. Un petit tour et puis s'en va, encore une fois.

Le combo ne manquait pourtant pas d'atouts pour éviter l'écueil de l'énième coup d'épée dans l'eau. Ce qui me frappe à l'écoute de ces dix titres, c'est leur concision. Ils ne dépassent que rarement les quatre minutes, ce qui reste cependant amplement suffisant pour être attractifs. Si époque oblige, la référence des STROKES semble elle aussi de mise (à l’extrême rigueur, le riff de guitare sur l'excellent et définitif "Misfit"), j'ai la nette impression que le regard du leader se porte plus volontiers sur le Vieux Continent et forcément sur ses terres anglaises. Les intonations de Garcia rappellent le plus souvent, mais en un peu moins maniérées, celles de MORRISSEY. Ce feeling d'outre-Manche n'est pas que vocal. Il se ressent encore plus dans chacune des notes distillée par ELEFANT.

C'est bien une douce mélancolie qui irrigue tranquillement cet univers aux teintes pastel. Elle passe aussi bien par le jeu discret des claviers sur "Tonight Le'ts Dance" qu'avec les arpèges de guitare du morose et très réussi "Annie". C'est un peu le spleen mancunien des années 80 revisité à la sauce américaine des années 2000. Les plus grincheux peuvent sans doute y trouver une forme de linéarité que je qualifie pour ma part de belle cohérence. Ceci n'empêche pas l'insuccès relatif d'être au rendez-vous. C'est dommage car l'écoute du pop quatre étoiles "Bokkie" relève tout le potentiel qui animait les Américains. Cette fluidité mélodique à l'image de l'introductif "Make Up" fait aussi le sel de ce premier effort. Ce ne sera pas suffisant.

Pour qui aime la pop efficace et classieuse, Sunlight Make Me Paranoid atteint sans problème son but. ELEFANT n'est assurément pas apparu au moment opportun pour obtenir une reconnaissance plus large. Heureusement, il nous reste ses mots et ses notes.