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1957 Rock & Roll

Ruth BROWN - Rock & Roll (1957)
Par LE KINGBEE le 12 Octobre 2020          Consultée 824 fois

Originaire de Virginie où elle voit le jour en 1928, Ruth Weston est l’ainée d’une famille comptant pas moins de sept enfants. Elle fait son apprentissage dans l’église méthodiste locale, son père, docker de profession, dirigeant la chorale à ses heures perdues. Un portrait qui pourrait dessiner le parcours d’innombrables jeunes chanteuses noires, sauf que l’adolescente se met à écouter Ella Fitzgerald et décide de quitter les chemins de la parole de Dieu pour bifurquer vers la musique profane.
A 16 ans, elle s’enfuit du domicile familial pour tenter sa chance à New-York. Ruth remporte un premier concours à l’Apollo Theater puis part en tournée avec le trompettiste Jimmy Brown qu’elle épouse en cachette, devenant ainsi Ruth BROWN.

Elle intègre dans la foulée l’orchestre de Lucky Millinder qui la renvoie pour avoir apporté un verre d’alcool à l’un de ses musiciens lors d’une répétition. A l’instar de Cosette, Ruth sans un sou décide de regagner la maison familiale. Afin d’amasser assez d’argent pour le voyage du retour, elle se produit au Crystal Caverns, club où elle devient vite la chanteuse attitrée sous la houlette de Blanche Calloway, la sœur de Cab. Duke ELLINGTON la fait découvrir au Disc jockey Willis Conover qui tombe sous le charme. Le bonhomme la recommande à Herb Abramson et Ahmet Ertegun qui viennent de monter le label Atlantic. Excellent dénicheur de talent, Ertegun va convaincre sa nouvelle pouliche que sa voix se prête mieux au R&B qu’au Jazz vocal.

En 1949, Ruth BROWN signe son premier carton avec "So Long". La chanteuse accumule dès lors les best-sellers jusqu’à ce que le succès faiblisse au tout début des sixties. En 1961, lâchée par Atlantic comme une vieille chaussette, elle devient femme de ménage pour faire vivre sa famille. Mais il y a parfois une certaine justice : au milieu des seventies, elle revient sur le devant de la scène en endossant le rôle de Mahalia Jackson à Broadway. Elle participe alors à quelques séries TV et figure au générique d’une poignée de films dont "Hairspray". Ruth BROWN revenue bien sûr à ses premières amours enrichit sa discographie avec des productions pleines de punch où sa voix puissante et sa gouaille font merveille.

Si Ruth BROWN fait preuve d’une énergie débordante sur scène, c’est aussi une femme de caractère comme en témoigne son procès de neuf ans contre la firme Atlantic afin de récupérer ses royalties. Ce procès l’amène à monter la Rhythm & Blues Foundation, un organisme chargé de réclamer et de récolter les droits d’auteurs des artistes afro-américains lésés par l’Industrie du disque. La comédie de Broadway Black And Blue lui permet de décrocher un Tony Award. A l’orée du nouveau millénaire, elle enregistre avec la jeune Shemekia Copeland "If He Moves His Lips", un duo anti-macho à l’humour décapant. Ruth BROWN participe en 2006 à la production du film Honeydripper de Danny Glover, un projet qu’elle ne peut finaliser, un AVC et son cœur ayant raison de sa santé en novembre 2006.

Avec cette pochette rappelant certaines productions de Jazz de la fin des fifties, Ruth BROWN signe son premier album en 1957. Si son nom en lettres rose, rouge, orange et blanche se détache sur un fond aussi gris que neutre, on remarque le titre Rock & Roll tout en haut sur la gauche écrit dans un sens vertical. Historiquement, ce premier album est constitué de bric et de broc par la firme Atlantic, désireuse de lancer sa vedette sur le marché du 33-tours. Les 14 titres proviennent de 12 sessions enregistrées entre mai 1949 et septembre 1956. En clair, chez Atlantic on reprend des tubes qui ont cartonné en singles auxquels on ajoute des chansons qu’on pioche au petit bonheur la chance, histoire de se remplir les fouilles tout en faisant plaisir aux auditeurs. Pour les titres les plus anciens (pistes 6-11-13), Atlantic n’a même pas jugé bon de faire rejouer les morceaux mais a utilisé les premiers masters, cela revient moins cher, et l’auditeur de l’époque n’y voit probablement vu que du feu. Parmi ces 14 chansons, 9 d’entre elles rentrent dans le Top Ten R&B, la moitié montant tout simplement sur la plus haute marche des charts. A l’instar de sa puissance vocale, Ruth BROWN c’est du costaud au niveau du Billboard !

Atlantic a pris soin de mélanger les titres à qui mieux-mieux, la chronologie n’est pas respectée, un procédé qui permet plus ou moins de noyer le poisson. Cela dit, les musiciens ou orchestres qui accompagnent la New-Yorkaise d’adoption frisent tous l’excellence. Le disque s’ouvre sur l’un des derniers succès de la chanteuse pour le compte de l’écurie Atlantic avec "Lucky Lips", un R&B enjoué débutant sous un délicat nappage de cuivre. Le titre sera bien évidemment repris par moult formations ; Cliff RICHARD épaulé de ses fidèles SHADOWS en livre une version aux consonances Country, une interprétation ayant beaucoup moins de charme.
Parmi les titres classés Number One figurent "Teardrops From My Eyes". Cette compo de Rudy Toombs fait la joie de quelques countrymen, avant d’être repris par Ray CHARLES et BB KING. Mais certains textes ne sont jamais mieux chantés que par la gente féminine. Ruth BROWN et Ella Mae Morse demeurent, à notre sens, les meilleures interprètes de ce classique. "5 -10 -15 Hours", autre création de Toombs, nous dévoile une chanteuse dont l’humour se fait plus caustique sur un tempo tempéré. La reprise de Pat Boone a de quoi faire sourire, même s’il est impossible d’y croire une seule seconde. Si Ruth BROWN est à ranger parmi les pionnières du R&B fifties, celui joué à New-York au célèbre Apollo Theater, elle peut néanmoins se montrer aussi suave que subtile, comme en atteste "Oh What A Dream", une ballade de Chuck Willis. Dès le milieu de la décennie, de nombreuses formations de Jazz et de R&B s’essaient au mambo, registre issu de Cuba et dérivé de la charanga. Ruth BROWN nous en délivre une version très new-yorkaise. Rien à voir avec celle de Georgia Gibbs qui essaie de copier servilement Tito Puente ou Pérez Prado. "(Mama) He Treats Your Daughter Mean" demeure peut-être son titre le plus emblématique, celui qui connaîtra le plus de reprises. Si Anita Wood, une ancienne compagne du King PRESLEY, reprend la chanson avec une certaine verve, on reste attaché à l’originale avec Mickey Baker à la guitare.

Parmi les titres intégrant le Top Ten du Billboard, "So Long" fait figure de vilain petit canard : c’est en effet l’un des rares à n'être pas une avant-première pour la chanteuse. Le titre de Russ Morgan enregistré pour Decca dès 1940 a connu plusieurs versions antérieures à celle qu’on ne tarde pas à surnommer "Miss R&B". Le titre enregistré au sein de l’orchestre d’Eddie Condon nous dévoile une Ruth BROWN encore fortement inspirée par le Jazz. Si la chanson connaîtra encore du succès via les interprétations de Sam COOKE et Aretha FRANKLIN, Wynona Carr, Dr. JOHN ou la surprenante Pat BENATAR en délivreront de savoureux essais. Composition d’Ahmet Ertegun sous le pseudo de Nugetre, "Wild Wild Young Men" sert de pont entre le R&B et le Rock' N' Roll. Si la chanteuse Country reprend le morceau à sa sauce, on conseille la version de Johnny Carroll gravée en 56 pour Decca, un vrai titre de Rockab bien sauvage.
Parmi les autres pistes, signalons "Sentimental Journey", une ballade enregistrée pendant la Seconde Guerre par l’orchestre de Les Brown avec une jeune Doris Day au micro. Si le titre a connu environ 280 covers, celle de Ruth BROWN bien groovy se situe largement dans le haut du panier. Elle reprend "Old Man River" popularisé par Paul Robeson au début des thirties dans une version où elle est entourée par les Rhythmakers. En guise de conclusion, nous décernons une mention à "As Long As I'm Moving", un titre plein d’entrain servant de passerelle entre R&B, Boogie et Rock' N' Roll.

Pionnière du R&B de la Big Apple, Ruth BROWN a connu une décennie de succès pour la plus grande joie des portefeuilles d’Ahmet Ertegun et du staff de la firme Atlantic. Elle a vécu une seconde carrière par le biais de la télévision et du théâtre et dispose somme toute d’une discographie aussi luxuriante que captivante.

Ce disque a été réédité en 2012 sous le format CD. Il n’y a à ce jour aucune indication plus précise concernant les accompagnateurs de Ruth BROWN.

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   LE KINGBEE

 
  N/A



- Ruth Brown (chant)
- Mickey Baker (guitare 7-8-12-14)
- Rector Bailey (guitare 3)
- John Collins (guitare 11)
- Eddie Condon (guitare 13)
- Benny Motten (basse 12-14)
- George Duvivier (basse 3)
- Lloyd Trotman (basse 7)
- Joe Marshall (batterie 7)
- Jack Lesberg (basse 13)
- Connie Kay (batterie 3-8-9)
- Noruddin Zafer (batterie 12-14)
- Sidney Catlett (batterie 13)
- Bu Pleasant (piano 12-14)
- John Lewis (piano 7)
- Ernie Hayes (piano 11)
- Joe Buskin (piano 13)
- Hatwood Henry (saxophone 3-6)
- Willis Jackson Saxophone 6-9)
- Sam Taylor (saxophone 2-7)
- Arnett Cobb (saxophone 12-14)
- Sylvester Thomas (saxophone 12-14)
- Paul Williams (saxophone 7)
- Dick Cary (saxophone 13)
- Ernie Caceres (saxophone 13)
- Taft Jordan (trompette 3-8)
- Ed Lewis (trompette 12-14)
- Bobby Hackett (trompette 13)
- Richard Harris (trombone 12-14)
- Will Bradley (trombone 13)
- Peanuts Hucko (clarinette 13)
- The Rhythmakers (chœurs 2-5)
- The Delta Rhythm Boys (chœurs 11)


1. Uu
2. As Long As I'm Moving
3. Wild Wild Young Men
4. Daddy Daddy
5. Mambo Baby
6. Teardrops From My Eyes
7. Hello Little Boy
8. Mama He Treats Your Daughter Mean
9. 5 -10 -15 Hours
10. It's Love Baby
11. Sentimental Journey
12. Old Man River
13. So Long
14. Oh What A Dream



             



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