Recherche avancée       Liste groupes



      
PIANO  |  STUDIO

L' auteur
Acheter Cet Album
 

ALBUMS STUDIO

2020 Shoden
2023 Xaos
 

- Style : Andrea Viscardi

Cécile SERAUD - Shoden (2020)
Par GEGERS le 19 Octobre 2020          Consultée 1193 fois

Je dois bien vous avouer devenir quelque peu frileux dès lors qu’il s’agit d’aborder la sortie d’un album instrumental. Issu d’une culture majoritairement folk et rock, richement agrémentée de chanteurs dits « à texte », j’avoue fort bien avoir du mal à appréhender une œuvre musicale lorsqu’elle ne contient pas de partie chantée. L’absence de lignes vocales laisse en effet chez moi une impression de réalisation incomplète, de manque d’un vecteur nécessaire pour la transmission d’un message ou d’une émotion. Il s’agit là d’une erreur, j’en conviens fort bien, et je travaille à sa correction. Pour cela, des artistes tels que Cécile SERAUD viennent heureusement à mon secours et prouvent que l’absence de mots ou de lignes de chant n’empêche pas la naissance d’une émotion. Le déclencheur, c’est la note juste.

Compositrice lorientaise, diplômée du conservatoire en guitare classique, Cécile SERAUD s’est récemment intéressée à un autre instrument, le piano, auquel elle a consacré cinq années d’apprentissage, et qui est au cœur de son premier album, Shoden, accompagné par intermittences d’un violoncelle discret. Ces deux instruments suffisent à construire un univers à la fois délicat, intimiste et glacial, presque rude parfois, qui évoque la mélancolie sucrée de Yann TIERSEN tout autant que la rugosité polaire de SIGUR ROS.

Les différentes pièces qui constituent l’album prennent le temps de se déployer, et Cécile SERAUD ne se jette pas à corps perdu sur son instrument. Elle se manifeste par petites touches, avec retenue presque, pour mieux faire résonner chaque note et, c’est une évidence, pour laisser à l’auditeur le temps d’écouter le silence, qui joue ici un rôle prédominant. Si les notes sont la vie, les silences sont les vastes espaces polaires, banquises craquelées, symbolisées sur la splendide pochette qui illustre cette première réalisation.

Les notes sont savamment pesées, et les mélodies timides se construisent peu à peu. Il n’y a pas ici de frénésie virtuose, bien au contraire. Les notes sonnent justes car l’instrument semble abordé avec une certaine candeur. Comme un aperçoit un traineau là-bas, au loin sur la banquise, les morceaux se laissent voir de loin, avant de dessiner plus précisément leurs contours à mesure de leur progression. Il en va ainsi pour « Pen Er Malo », pièce la plus longue de l’album, d’une beauté aussi insondable que la profondeur de la mer du Groenland.

Comment parler d’un album instrumental ? Je n’ai pas les outils pour le faire, mais peu importe la technique. Si le monde meurt par manque d’émerveillement, alors émerveillons-nous, car Cécile SERAUD, en posant ses doigts sur des touches noires, des touches blanches, nous fait entrer dans un monde où l’onirisme joue un rôle prédominant. « Tendresses » est un songe, « La Petite Valse Perdue » évoque des images entre les grands yeux d’Amélie Poulin et le désespoir de l’héroïne inuit du roman De Pierre et d’Os, naufragée sur la banquise. Bien entendu, Shoden est une porte d’entrée vers un imaginaire que chacun va construire de manière personnelle, mais il y a cette opposition complémentaire constante entre la chaleur d’un cœur qui bat et la froideur de l’environnement. « Life », qui clôture l’album et qui constitue une de ses plus belles pièces, est un peu cela : le son issu du silence, la vie coûte que coûte.

Les 42 minutes de Shoden s’écoutent d’une traite, dans un demi-sommeil méditatif. Intime, presque discret parfois, cet album est un souffle chaud sur la glace, un souffle froid sur les braises. C’est ce mariage, que l’on retrouve sur la pochette, qui donne à ce sublime premier album de Cécile SERAUD une saveur inqualifiable. « Je compose donc je suis », clame l’artiste avec une sincérité désarmante. Et dans les interstices, entre les notes et les silences, nous vivons avec elle.

4,5/5

A lire aussi en DIVERS par GEGERS :


Marketa IRGLOVA
Spirit Is Here Too (2024)
A remonter aux oreilles des belligérents éternels




Les FATALS PICARDS
Pamplemousse Mécanique (2007)
Fourre-tout parodique made in picardie


Marquez et partagez





 
   GEGERS

 
  N/A



- Cécile Seraud (piano)
- Juliette Divry (violoncelle)


1. Frozen Earth I
2. Le Baiser Bleu
3. Frozen Earth Ii
4. Petite Valse Perdue
5. Shoden I
6. Shoden Ii
7. Pen Er Malo
8. Tendresses
9. Shoden Iii
10. Life



             



1999 - 2024 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod