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1970 Just A Little Lovin''

Carmen MCRAE - Just A Little Lovin' (1970)
Par LE KINGBEE le 27 Octobre 2020          Consultée 669 fois

Nous vivons une période troublée ou troublante. Certains pourront rétorquer que cela dure depuis un sacré bout de temps. Pas plus tard qu’il y a deux jours, un enseignant s’est fait couper la tête pour une ridicule histoire de caricature. On peut dire que Lao Tseu, Tchang ou le Lotus Bleu n’ont rien à voir là-dedans. En cette période mouvementée, le titre de cet album nous a semblé couler de source !

D’ascendance Jamaïcaine, Carmen McRAE naît en 1920 à Harlem. Enfant, elle se passionne pour le chant et se met au piano à huit ans. Très rapidement, elle s’intéresse au Jazz et à Billie Holiday, son aînée de cinq ans. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, elle compose "Dream Of Life" que lui reprend son idole. Carmen devient chanteuse dans plusieurs grands orchestres (Count BASIE, Benny Carter) et se marie avec le batteur Kenny Clarke. Si elle chante brièvement sous le nom de Carmen Clarke, elle se fait bientôt remarquer par la firme Decca qui l’embauche pour un contrat de cinq ans avec douze albums à la clef. Elle enchaîne au sein du quartet de Tony Scott, chante avec Sammy Davis Jr. et dans l’orchestre de Dave BRUBECK jusqu’à sa signature chez Columbia à l’orée des sixties.

Après un passage chez Mainstream Records, le label de Bob Shad, elle signe un contrat avec la firme Atlantic en 1967. Au début de la décennie suivante, si Carmen McRae se produit sur les scènes du monde entier, elle ne figure plus parmi les priorités d’Atlantic, le label de Jerry Wexler et d’Ahmet Ertegun étant davantage préoccupé à faire fructifier Aretha FRANKLIN, Roberta FLACK, Dusty Sprinfield, CROSBY STILLS, NASH & Young ou LED ZEPPELIN. Pour Atlantic, si Carmen est toujours au top niveau tant du point de vue du chant que du répertoire, la chanteuse installée en Californie ne vend pas assez de disques, ou ne sait pas se vendre. Pour Atlantic, Carmen ne représente pas l’avenir, elle est de surcroit susceptible de pouvoir se faire embaucher par bon nombre de maisons de disques concurrentes.

Carmen ne semble pas constituer une primauté pour Atlantic, d’ailleurs jamais le label ne lui a concocté une seule fois le même orchestre, ni un arrangeur attitré lors de ses trois précédents disques. Cette fois-ci, la chanteuse est confiée à Arif Mardin, un producteur arrangeur, chef d’orchestre compositeur, grand ami d’Ertegun qui l’a fait rentrer dans la firme. Mardin, devenu vice-président d’Atlantic depuis un an, est un incontournable du label, mais ce touche-à-tout a la triste réputation de surcharger quelque peu ses productions. Le stambouliote naturalisé américain n’hésite jamais à placer des profusions de cordes et de cuivres selon ses envies. Afin de seconder Carmen, Mardin fait appel aux Dixie Flyers, un jeune ensemble de Memphis qui vient de se faire les dents auprès d’Aretha FRANKLIN, Lulu, Esther Phillips et Brook Benton. Afin d’apporter plus de consistance aux jeunes musiciens blancs parfois trop fougueux, Mardin décide d’incorporer quelques souffleurs réputés afin d’adoucir et de Jazzifier le répertoire : c’est ainsi qu’on retrouve le flûtiste clarinettiste Romeo Penque (ex Billie Holiday, Miles DAVIS, Wes MONTGOMERY), les saxophonistes King Curtis et Pepper Adams (ancien compagnon de route de Kenny Clarke, John Coltrane et Donald Byrd), le trompettiste Joe Newman (ex-Count Basie, Aretha FRANKLIN, Freddie KING) et le tromboniste Garnett Brown (ex-James BROWN, Johnny Hodges) et le joueur de cor Brooks Tillotson (ex-MOONDOG, Gabor Szabo).
Mardin a concocté un répertoire orienté sur des reprises Pop, registre dans lequel la voix de Carmen McRae peut se poser sans problème. Onze des douze titres proviennent d’une session enregistrée le 16 février 1970 dans les studios Atlantic à Miami. Afin de compléter les onze plages et ainsi de céder à la mode des douze pistes alors en vigueur, Mardin incorpore "Didn’t We", une compo de Jim Webb, gravée en compagnie du guitariste de Jazz Al Gafa.
Ce disque ne bénéficie pas d’une ligne directrice très claire, Mardin semble avoir opté pour des reprises Pop assez douces alors en vogue. On retrouve cependant plusieurs paires avec deux emprunts à Tony Joe WHITE, deux autres à Ed Hinton et enfin trois aux BEATLES. En ouverture, Carmen attaque avec "Just A Little Lovin’", une ballade de la doublette Barry Mann/ Cynthia Weil popularisée par Dusty Springfield. Si le titre donne son nom à l’album et figure comme point de départ de cette chronique, la version de Carmen nous semble moins surchargée de violonades que l’originalz. Un titre idéal à écouter dès le lever du soleil : "Just a little lovin'-Early in the mornin' "-Beats a cup of coffee-For starting off the day… ". Avec la future reprise de Shelby Lynne, vous avez là la meilleure interprétation de cette ballade, bien supérieure en intensité à celles de Barbara Streisand et de Tina TURNER. Elle reprend "More Today Than Yesterday", grand succès des Californiens de Spiral Starcase, en prenant soin de gommer tout le maniérisme vocal de la version originale. Une version bien plus paisible que celles de Diana ROSS ou du duo Sonny & Cher. Avec "I Love The Life I Live", compo de Willie DIXON et proche variante du "Live The Life I Love" enregistré par Muddy Waters, (le bluesman avait tendance à changer l’orthographe et la structure des titres dans la précipitation) Carmen injecte une coloration R&B rehaussée par un bon passage de guitare. Création du songwriter Jimmy Webb, "Didn’t We" a connu son lot de reprises Soul (Diana ROSS, Cissy Houston, Dionne Warwick) toutes plus ou moins ampoulées par des cordes intempestives. Là, juste secondée par la guitare d’Al Gafa, Carmen nous délivre un vrai Vocal Jazz, le morceau marquant une rupture avec le ton général de l’ensemble. La chanteuse rend hommage à Laura Nyro en reprenant l’inusité "Goodbye Joe" pour une clôture d’album tout en douceur.

Les titres allant par paire sont parfaitement disséminés dans l’album. Donnie Fritts, ancien claviériste de Kris Kristofferson, lui apporte deux perles : "Breakfast In Bed" avec un orgue crépusculaire et une flûte forgeant une atmosphère pleine de quiétude. Si Dusty Springfield, Joan OSBORNE ou Lucinda WILLIAMS en duo avec le regretté Donnie en délivrèrent de somptueuses interprétations, Carmen McRae s’en sort ici sans la moindre difficulté. Second emprunt à Fritts, "What’ Cha Gonna Do" se déguste comme une bonne pépite de Deep Soul. On regrette simplement que le titre n’ait pas été enregistré avec les musiciens de Muscle Shoals. Les Fab Four ont souvent inspiré le monde de la Soul. Carmen reprend ici "Something", l’un des titres phares d’Abbey Road. En 1970, environ 80 artistes le reprennent, mais avouons qu’on reste attaché à la version des liverpuldiens. Issu de Revolver, "Here There And Everywhere" a lui aussi connu une flopée de reprises. La chanteuse en délivre, selon nous, l’une des meilleures avec celle de Bobbie Gentry. Autre titre tiré d’Abbey Road, "Carry That Weight" et, là encore, Carmen s’en tire haut la main malgré une avalanche de cordes et de cuivres, instruments chers à Mardin. Terminons ce tour d’horizon par deux super pépites de Tony Joe White : "I Thought I Knew You Well", jamais repris. Le dobro et la slide nous expédient ici entre les berges du Mississippi et les marécages de Louisiane. Ce titre mérite la Mention ! Issu du même album (Continued), "I Want You"* permet d’apporter une tension constante. La voix s'y fait plus virulente et l’orchestration évoque les productions FAME de Rick Hall. Sur le coup, les Dixie Flyers montent d’un cran, rappelant les rares morceaux où ils secondèrent Bettye LaVette.

Formidable chanteuse de Jazz, capable de bifurquer vers la Soul et la Pop, Carmen McRae délivre ici un excellent album combinant Jazz Soul et Pop. Les reprises formant la totalité du disque, une orchestration parfois trop rembourrée et des arrangements bien caractéristiques des productions d’Atlantic ne permettent pas au disque d’acquérir une superbe note. Mais un demi-siècle après sa sortie, "Just A Little Lovin’ " contient une moitié de pépites apportant de doux moments de quiétude.
Le disque a été réédité en CD en 1991 avec trois titres bonus. Par cohérence avec la discographie de la chanteuse, cet opus est classé en Jazz Vocal, mais les cases Pop ou Soul auraient aussi pu l’accueillir.

Note réelle 3,5.

⃰ Titre homonyme à ceux de DYLAN, KISS, The TROGGS, Marvin GAYE, Elvis Costello, Debbie Harry, The Beau Brummels.

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- Carmen Mcrae (chant)
- Charlie Freeman (guitare 1-2-3-4-5-6-7-8-9-10-12)
- Jim Dickinson (guitare 1-2-3-4-5-6-7-8-9-10-12)
- Tommy Mcclure (basse)
- Sammy Creason (batterie)
- Mike Utley (claviers, piano)
- King Curtis (saxophone 2-5-6-8)
- George Dorsey (saxophone 2-5-6-8)
- Pepper Adams (saxophone 2-5-6-8)
- Joe Newman (trompette 2-5-6-8)
- Garnett Brown (trombone 2-5-6-8)
- Romeo Penque (flûte, clarinette 1-7)
- Wally Kane (flûte, haubois 1-7)
- George Marge (flûte 1-7)
- Joseph Deangelis (cor 1-7)
- Brooks Tillotson (cor 1-7)
- Tony Miranda (cor 1-7)
- George Orloff (violon)
- Sylvia Shermwell (chœurs 3-4-10-12)
- Estelle Brown (chœurs 3-4-10-12)
- Myrna Smith (chœurs 3-4-10-12)


1. Just A Little Lovin'
2. Something
3. I Thought I Knew You Well
4. I Want You
5. More Today Than Yesterday
6. Here There And Everywhere
7. Carry That Weight
8. Breakfast In Bed
9. I Love The Life I Live
10. What'cha Gonna Do
11. Didn't We
12. Goodbye Joe



             



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