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2020 Mourning Jewelry

LESS BELLS - Mourning Jewelry (2020)
Par JOVIAL le 14 Janvier 2021          Consultée 1705 fois

Après Solifuge, inspiré par les étendues desséchées du parc national de Joshua Tree, Julie CARPENTER nous mène avec Mourning Jewelry vers des contrées autrement plus mystiques. On se le figure même d'emblée, sans écoute, à la vue de son splendide artwork. Au verso, sur fond noir, s'étale un cercle de sept cartes de tarot, en lien peut-être avec les sept titres du disque. Côté recto, sur fond clair, une femme à la tenue étonnement bigarrée, voire grotesque, debout aux portes du désert californien, berce un insecte géant. Elle est sans doute cette reine des criquets que nous évoque "Queen of Crickets" en quatrième piste. Le nom de l'album renvoie quant à lui à un type de parure très particulier, la bague de deuil, notamment en vogue à l'époque victorienne mais aussi aux États-Unis dans les années 30, pièces uniques contenant parfois les cheveux d'un proche décédé.

Par là même, plusieurs autres titres semblent se rapporter à la mort et à la religion, "The Gates" aux portes du Paradis ou de l'Enfer, "Fiery Wings" à une figure divine et "The Fang" au crochet de l'alphabet hébreu peut-être, allégorie de l'union avec Dieu, mais aussi de la naissance et de la fécondation – morceau qui ironiquement vient clore l'album. Issue de la scène gothique, on ne s'étonnera pas forcément de voir l'Américaine faire apparaître ici un imaginaire aussi ésotérique. Pour autant, cette dernière ne fournit en interview aucune explication quant à l'évidente symbolique qu'organisent ces titres et cette étrange pochette. Souvenons-nous pour finir que Julie CARPENTER a également beaucoup travaillé pour la télévision, signant personnellement les bandes-originales d'une soixantaine de documentaires et séries. Elle sait ainsi cette relation qui unit la musique à l'image, la première donnant le ton à la seconde, oriente le spectateur, le rassure, l'effraie ou au contraire brouille les pistes en jouant sur les contrastes.

C'est justement cela que LESS BELLS souhaite faire avec Mourning Jewelry. Se laisser flotter dans un perpétuel entre-deux sans jamais se poser nulle part. Un clair-obscur qui laisse une impression très étrange à l'écoute. Du deuil, Julie Carpenter ne retient ni la douleur ni les lamentations. Bien que ses atmosphères égrainent parfois une certaine noirceur, cette musique n'est pas triste, sinistre encore moins. Bien au contraire, elle apaise et soigne. La souffrance est niée, la perte est acceptée et vécue comme un renouveau. Est-ce la proximité phonétique de "Mourning" et "Morning" qui nous invite à imaginer l'aube ? Dans le brouillard matinal de "Brooch", émerge le disque solaire, dissipant peu à peu les nuées et illuminant les vallées. Mais la progression se fait toujours sur le fil, comme si dans les tenaces dernières brumes se cachaient quelques mystères, comme si d'un seul coup un orage lointain pouvait venir briser cet équilibre délicat.

Julie Carpenter prouve encore une fois qu'elle possède un très bon sens de l'arrangement et du contraste. Au drone menaçant, répondent les voix claires. Cordes et banjo tempèrent les claviers, le violoncelle traverse les nappes électroniques. Les instruments traditionnels se superposent sans détonner, avec légèreté, aux textures plus synthétiques. De même, chaque mouvement, chaque transition s'effectuent avec une grande fluidité, nous faisant lentement glisser d'une ambiance à une autre, voire d'un morceau à un autre, le tout créant une unique pièce parfaitement cohérente et immersive, une excursion olympienne, riche d'atmosphères saisissantes et intensément sereines.

En cela, Mourning Jewelry est un excellent disque d'ambient. Le petit plus, qui le distingue de la cohorte annuelle d'albums du même genre, ce sont encore une fois ses sonorités si particulières qui le rapprochent quelque peu du post-rock et du folk. À l'instar de Solifuge, son seul défaut réside encore une fois dans ces quelques longueurs, heureusement peu nombreuses, notamment sur "Plait". LESS BELLS a néanmoins franchi un sacré palier. Ce second effort est parfois d'une beauté que son prédécesseur n'effleurait même pas. Julie CARPENTER transcende la tristesse, créant à partir d'elle une œuvre d'une splendeur et d'une élégance rares.

Note réelle : 4,5/5

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- Julie Carpenter (violon, violoncelle, moog ...)
- Dain Luscombe (guitares, claviers ...)
- Leah Harmon (chant)
- Ryan Seaton (chant)


1. Brooch
2. Fiery Wings
3. The Gates
4. Queen Of Crickets
5. The Fault
6. Plait
7. The Fang



             



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