Aussi incroyable que cela puisse paraitre, The COLLINS KIDS n’ont enregistré que des singles. Historiquement, Lorrie et Larry Collins n’ont gravé que treize singles pour la Columbia auxquels il convient d’ajouter deux E.P dont un avec Joe Maphis. Une dizaine de compilations viendra grossir les bacs des disquaires, le plus bel effort étant dû au label allemand Bear Family qui leur dédiera trois compilations, deux coffrets et quatre DVD composés de show télés captés dans "At Town Hall Party", célèbre émission télé et radio passant sur toute la Côte Ouest.

Lorrie Collins voit le jour en Oklahoma en mai 1942. La famille s’agrandit avec l’arrivée de Larry en octobre 44. Le paternel des deux enfants, producteur de lait, décide de quitter veaux et vaches pour répondre à l’appel de la Californie. Si le père est embauché dans une aciérie, Hazel la mère, se passionne pour la musique et pratique la mandoline. Par le biais de leur mère, les deux gamins se mettent à la guitare. Larry se voit offrir une Mosrite à double manche, cadeau du Père Noël, instrument qu’il va rapidement maitriser, sous la houlette de Joe Maphis. Le gamin ne vit que pour la guitare, s’entrainant jusqu’à huit heures par jour. De son côté, Lorrie participe à divers concours de chant, remportant haut-la-main un talent contest organisé par Leon McAuliffe.
Le frère et la sœur se produisant ensemble raflent plusieurs trophées ce qui leur permet de passer au "Town Hall Party" et d’être retransmis sur plusieurs stations radio et à la télévision. Le duo excellent au chant frappe les esprits par son exubérance, ses costumes sortis tout droit d’un western, et la guitare à double manche de Larry. En 1954, Lorrie et son cadet font plusieurs passages au Grand Ole Opry, la Mecque du Hillbilly. Leurs prestations pleines de dynamisme n’échappent pas à l’œil ni aux oreilles de Don Law qui les prend sur contrat avec la Columbia en juillet 1955.
Les KIDS mettent alors en boite d’excellents Hillbillies Boogies et de superbes Rockabillies, le jeune Larry se révélant extrêmement doué pour la composition. En janvier 1958, Lorrie apparaît dans un épisode de "The Adventures Of Ozzie And Harriet", série qui conte l’histoire d’une famille américaine type et dans laquelle elle rencontre Ricky NELSON. Les deux tourtereaux connaissent les joies de l’amour pendant de longs mois. Un mois plus tard, Larry participe à son tour à un épisode de cette incontournable série.
Lorrie enregistre sous son nom trois 45-tours en 1959, avant de convoler en juste noce avec Stu Carnall, le manager de Johnny CASH, un bonhomme deux fois plus âgé que la chanteuse. Lorrie se produit sporadiquement avec son frangin avant de se consacrer à sa famille et l’éducation de ses deux filles. Durant les années 70, après s’être associé à Joe Maphis son mentor, Larry s’installe à Nashville et devient un songwriter très prisé du monde de la Country.
En 1993, le duo participe à plusieurs concerts en Angleterre. A la mort de son époux en 1998, Lorrie reprend la guitare plus durablement, participant sporadiquement avec son cadet à plusieurs concerts rétro dans le circuit de Las Vegas. En 2006, les COLLINS KIDS (plus vraiment Kids) viennent en France à l’affiche du Good Rockin’ Tonight ; deux ans plus tard, le duo est invité au Ponderosa Stomp Festival. Suite à divers problèmes de santé, Lorrie Collins arrête de chanter en 2012. La chanteuse s’éteint en aout 2018 des suites d’une mauvaise chute.

Cette compilation constitue une excellente approche pour tout néophyte voulant découvrir ce duo. Certains regretteront le manque de chronologie dans la position des différentes faces, mais le compilateur a pris soin de varier les titres selon leurs tempos. Ce recueil regroupe quasiment tous les titres parus en singles, il ne manque que "My First Love" (Columbia 4-21560). Afin de donner un autre aperçu, le compilateur a ajouté un titre de Lorrie sans Larry, un titre de Larry avec Joe Maphis et quatre morceaux issus de l’émission « At Town Hall Party ».

D’entrée de jeu, le compilateur nous fait tomber dans la marmite Rockabilly avec "Hoy Hoy", une reprise plus virulente que celle de Clyde STACY enregistrée un an plus tôt. La voix quelque peu nasillarde de Lorrie et les fulgurants solos de Larry sur son double manche s’avèrent efficaces en diable. "Hop Skip And Jump"⃰, une étonnante compo du gamin, se déguste comme un Rockabilly redoutable. La voix entraînante de Lorrie conserve certaines intonations sudistes ne dépareillant guère du style Country. Si les Bugaloos et la portugaise Ruby Ann reprirent la chanson, aucun ne parvient à restituer le rythme imposé par Larry. Et puis, n’oublions pas les paroles, comme dirait l’autre : "It's just a hop, skip and a-jump, the way my baby's at -It's just a few more hops and I'll be boppin' with that cat -There's a real cute boy who lives next door".
L’hallucinant "Whistle Bait" se situe à mi-chemin d'un Psycho Rockab et du Rock' n' Roll. Derrière les rafales de guitares envoyées par Larry, la frangine prend un vocal syncopé et éraille son timbre à la manière de Wanda Jackson. Mais cette voix de petite fille qui peut parfois agacer chez Jackson fait ici feu de tout bois. Certains titres se situent à la frontière du Rock' n' Roll et du Hillbilly Rock. "Hot Rod", pas exploité en single, en demeure le plus bel exemple. D’autres titres pourraient figurer au panthéon du Rockabilly : "The Rockaway Rock" distille tous les ingrédients ; voix syncopée, basse slappée, rythmes frénétiques. Au rayon des Hillbilly Rock, notons "Heartbeat" plein de nuances, alors que "The Lonesome Road" se montre plus ambigu, proche d’un répertoire à la Johnny HORTON avec Grady Martin en première guitare.

Les influences issues du Hillbilly sont bien palpables sur divers morceaux. "Just Because"⃰⃰, un titre des années 30 des Nelson’s Hawaiians, avait été transformé en Polka et en Western Swing avant d’être repris par Elvis PRESLEY. Là, la guitare rythmique influe une cadence de métronome dans laquelle s’engouffrent les flamboyants solos de Larry. "Beetle- Bug Bop" enregistré en 1955 permet de découvrir l’évolution vocale du duo, Larry déversant ici quelques paroles. Inédit en single, "The Cuckoo Rock" se place entre Hillbilly Rock et Western Swing. Avec des interventions de fiddle et de steel, l’humoristique "Make Him Behave" s’inscrit résolument dans le Hillbilly. Même constat avec "They’re Still In Love" où Samuel Pruett quitte la guitare au profit du banjo. Comme peut l’indiquer son titre "Rock And Roll Polka" se situe entre Hillbilly et Polka. Les amateurs de steel guitare devraient être comblés avec "Move A Little Closer". On pourra également se délecter sur "Go Away, Don’t Bother Me" dans lequel Joe Maphis et le gamin se tirent une bourre d’enfer.

Le duo est capable de se diversifier en apportant une coloration bleutée sur quelques titres. "Rock Boppin’ Baby", titre Sun d’Edwin Bruce, se range ici en plein tiroir Blues. La basse bien ronde de Tiny Timbrell et la batterie de Marion Adams impriment une cadence guère éloignée du "Fever" popularisé par Peggy LEE. Alors que la chanteuse n’avait pas encore seize ans lors de l’enregistrement, elle fait preuve d’une maturité et d’un fort sex-appeal. On goutte moins "Young Heart", une guimauve trop sucrée, bourrée de chœurs intempestifs.
Le compilateur n’a pas oublié d’incorporer "T Bone", un instrumental de Larry sans son aînée. En fin de disque, "Get Along Home Cindy" permet d’entendre la métamorphose vocale de Larry entre ses 13 ans et ses 20 ans.

Cette compilation bénéficie d’un prix attractif et d’une excellente restitution sonore. Elle permettra aux néophytes de découvrir ce duo sous-enregistré. On peut penser que sans Mitch Miller, un ancien hautboïste devenu chef d’orchestre et directeur artistique pour la Columbia, que le duo aurait probablement connu une carrière un peu plus longue, mais Miller avait la réputation d’être un peu coincé du bulbe et opposé au Rock' n' Roll. Si trois ou quatre pistes s’avèrent plus faiblardes, le CD nous offre un beau panorama représentant les qualités et l’énergie du duo. On regrette juste l’absence du titre "Home Of The Blues".

Note réelle 3,5

⃰ Titre homonyme à celui de Roy Milton.
⃰⃰ Titre homonyme à ceux de Loyd Price, Johnnie Taylor, Anita Baker et King Of Hearts.