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1970 Afreaka!

DEMON FUZZ - Afreaka! (1970)
Par LE KINGBEE le 16 Mars 2021          Consultée 1646 fois

En premier lieu, saluons la curiosité de deux lecteurs passés par la boîte à demande du site. Serait-ce un manque de vigilance, mais ces demandes étaient demeurées sans la moindre réponse de notre part.

Second préambule, cette chronique ne provient pas du vinyle édité par Dawn en 1970, mais d’une réédition Janus de 2004. On ne trouve en ce moment le pressage d’origine que dans des conventions ou des salons dédiés aux collectionneurs. Actuellement, alors que le monde semble toujours en crise et que de nombreux propriétaires de disques cherchent à faire fructifier leurs bas de laine, "Afreaka!" n’est même pas disponible sur les gros sites de ventes et de négociations en VPC. La dernière fois que j’ai aperçu le pressage Dawn lors d'une convention, il était réservé à un collectionneur hollandais pour la modique somme de 1300 €.

Etudions d’abord cette pochette qui pendant longtemps a mis certains auditeurs mal à l’aise. On y voit le haut du corps d’un homme torse nu, affublé d’un masque comme on en voit dans la lucha libre. Mais au contraire des masques de Lucha Libre évoquant bien souvent un personnage historique, un dieu, un animal ou tout simplement une figure du folklore mexicain, la représentation de ce masque renvoie aussi à une interprétation de style bondage que certains trouveront plus ou moins malsaine ou inquiétante. Et puis, que vient faire ce mec masqué sur cette pochette ? Faut-il voir ici une connotation avec le norteño, la pirekua, la ranchera et autres domaines issus de la tradition Tex Mex ? Certains feront peut-être un rapprochement avec le film "Huit millimètres" avec Peter Stormare et James Gandolfini, savoureux seconds rôles.

DEMON FUZZ est fondé au milieu des sixties par sept artistes originaires de diverses régions du Commonwealth, venus s’établir en Angleterre sous le chaud soleil londonien. Evoluant sous le nom de Blue Rivers & The Maroons sous la houlette d’Howard Joseph dans un registre mêlant Afrobeat, Ska et Soul, la formation enregistre pour Columbia un premier disque, Blue Beat In My Soul, qui passe inaperçu. Si la pochette du disque Columbia nous propose six musiciens habillés de superbes costumes violets, rappelant les tenues des Coasters ou des Drifters, la rupture avec le présent visuel semble plus que consommée. Il en est de même de l’orientation musicale. En 1968, à la suite d’une tournée au Maroc, des désaccords entre Howard Joseph et les autres membres du groupe interviennent. Joseph quitte le bateau et est aussitôt remplacé par Smokey Adams. Paddy Corea et Raphael Joseph prennent les rennes de l’attelage.
Le groupe change de nom et devient DEMON FUZZ (les Enfants du Diables).
De leur périple au Maroc, les membres ont apprécié la sonorité de plusieurs instruments locaux (kora, zurna, luth, derbouka). Paddy Corea étudie la gamme et la philosophie Soufie. A son retour en Angleterre, le groupe désireux de donner une nouvelle orientation à son répertoire va répéter pendant plus d’un an dans les sous-sol d’un magasin de disques. La formation enregistre une démo qui atterrit sur le bureau de Bill Murray, jeune producteur de Dawn Records, la nouvelle filiale de PYE Records. Murray a jusqu’alors peu fait parler de lui. Nouvellement recruté par Dawn, il vient de produire les Gallois de Blonde On Blonde, Titus Groan un groupe éphémère de Prog et les Good Time Losers encore plus éphémères. Murray se retrouve complètement désemparé face à une musique qui certes l’interpelle mais qu’il ne comprend pas. Il arrive parfois en musique que le mieux soit l’ennemi du bien. C’est ainsi que Murray laisse les choses se décanter naturellement, à l’instar d’un bon crû mis en carafe.

Demon Fuzz délivre ici cinq compositions issues d’un travail collectif. Si certains membres ne sont pas accrédités sur ces originaux, nul doute que chacun d’entre eux a apporté son obole ou une idée. Le septuor délivre cinq titres dont deux instrumentaux (les titres d’ouverture et de fermeture) échappant aux schémas de l’époque, quatre d’entre eux dépassant les 8 minutes. "Afreaka!" est enregistré en septembre dans les studios PYE de Marble Arch en moins d’une semaine. D’entrée, "Past Present And Future" nous plonge dans un maelstrom d'Acid Jazz et de Rock Psyché complètement barré. Si la basse imprime la cadence en début de piste, une guitare fuzz au phrasé inquiétant prend le relais d’où s’échappent tour à tour des cuivres et un orgue qui devient vite obsédant. Le titre prend des allures de chanson concept, toutes les 90 secondes, telle une palette de peinture placée sous un rayon de soleil, le titre change d’orientation prenant des teintes nuancées. Titre le plus court de l’album, "Disillusioned Man" débute sur un passage de guitare acoustique et de djembé (instrument de percussion mandingue) avant que l’orgue et divers cuivres berbères n’apportent un peu plus de consistance. "Another Country" termine la face A sur un principe identique : un titre long dans lequel s’emboîtent plusieurs mouvements. Si les influences parfois contradictoires se succèdent, le groupe distille une fluidité quasi permanente. On apprécie le passage d’ondulations berbères en milieu de titre, la trompette et cette basse qui devient de plus en plus torride.

"Hymn To Mother Earth" débute sous un nappage de flûte, d’un orgue imitant un clavecin, d’une basse aussi ronde que groovy. Au bout de 90 secondes, le chant volontaire nous immerge dans un mélange de Deep Funk et de Soul Psy tandis qu’une guitare bluesy fait son apparition. Alors que le début nous immergeait dans un mélange mélancolique entre Saint-Preux, Jean Christian Michel, la basse instaure un refrain évoquant l’Ave Maria de SCHUBERT pour une ambiance de Soul Psyché se terminant sur une note mélancolique. "Mercy (Variation N°1)", une longue décoction de plus de 9 minutes, clôt les débats sous forme d’une Jam irréelle dans laquelle se côtoient Soul, Funk Psy dans une ambiance dantesque. En début de morceau, les percussions distillent une consonance tribale bientôt remplacée par l’émergence d’un orgue et la charge d’une brigade de cuivres.

Les premières influences des différents musiciens issus de régions paradisiaques et exotiques (Corea est originaire de Trinidad et Tobago, Folarin du Nigeria) se mêlent harmonieusement à ce curieux assemblage de Jazz Rock, Soul, Funk Psyché et d’Afrobeat. Pour résumer "Afreaka!", c’est quelques extraits de CHICAGO de SWEET SMOKE et de BLOOD SWEAT & TEARS, une pointe de FUNKADELIC et de SLY & The FAMILY STONE, une goutte de CYMANDE et de MAXAYN, un soupçon d’HENDRIX et de ZAPPA et quelques fragments de Stevie SALAS et de COLD BLOOD.

Demon Fuzz disparaît 18 mois après la sortie du disque. Un maxi 33-tours de trois titres dont une ébouriffante reprise de "I Put A Spell On You" de Screamin’ Jay Hawkins est édité par Dawn la même année. En 1976, alors que le groupe a disparu des écrans radars depuis quatre ans, le micro label Paco Records publie "Roots and Offshoots"⃰, un album de huit titres qui se négocie aux alentours de 1200 euros, encore plus cher que la présente galette. Le percussionniste Ayinde Folarin° connaît plus tard une belle carrière auprès de Fela Kuti, Charles Hilton Brown, Stevie WONDER, CARMEL, BRONSKI BEAT, Mike Thorne et Assagai, le groupe du saxophoniste Dudu Pukwana. Paddy Corea enregistre un single sous son nom avant de s’envoler pour New-York. On retrouve brièvement Winston Raphael Joseph au sein de The Ebony Steel Band, tandis que Ray Rhoden rejoint The Senators, groupe de Ska/Reggae. Le producteur Barry Murray voit grossir son portefeuille en lançant Mungo Jerry.

Le disque a été édité à plusieurs reprises : en dehors de Dawn et de Janus Records, "Afreaka!" a fait l’objet en 2009 d’une édition CD via Esoteric Records avec trois bonus à la clef. En 2020, Music On Vinyl, sous-filiale allemande de Sanctuary, proposait le disque dans une version vinyle de 180 grammes. Toujours est-il que si on ignore toujours qui se cache sous cette belle cagoule, cet album entre de plein fouet dans la catégorie des disques dits de Référence. Pour une meilleure visibilité et cohérence, ce premier jet de Demon Fuzz est classé en Rock Psyché.

⃰ A titre personnel, je n’ai jamais vu ce disque en dehors du Net.
° Ayinde s’est également souvent produit sous le nom de Johnny Folarin, il figure ici à titre d'invité.

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- Winston Raphael Joseph (guitare, luth)
- Paddy Corea (flûte, saxophone, congas, djembé, zurna)
- Smokey Adams (chant 2-3-4)
- Sleepy Jack Joseph (basse)
- Steven John (batterie)
- Ray Rhoden (orgue, piano)
- Clarance Brom Crosdale (trombone, zurna)
- Ayinde Forlarin (congas, percussions)


1. Past Present And Future
2. Disillusioned Man
3. Another Country
4. Hymn To Mother Earth
5. Mercy (variation No. 1)



             



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