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1963 Just One Look

Doris TROY - Just One Look (1963)
Par LE KINGBEE le 17 Mars 2021          Consultée 562 fois

Quel est le lien entre les STONES, PINK FLOYD, Bob MARLEY, Dr JOHN, Nick DRAKE et Johnny HALLIDAY ? La réponse se résume en un nom : Doris TROY. On aurait pu ajouter les BEATLES, James BROWN ou King Curtis qui figurent tous parmi une longue liste d’amis. En effet, Doris a été choriste dans de nombreuses productions sortant des sentiers de la Soul. On la retrouve dans "Let It Bleed", "The Dark Side Of The Moon" mais aussi dans "Make It England" (ATOMIC ROOSTER), "It Ain’t Easy" (Long John Baldry), "Rock On" (Humble Pie) ou le "No Secret" de Carly Simon.

La famille Higgensen s’agrandit au début de l’année 1937 avec l’arrivée de Doris Elaine. La gamine débute comme de nombreuses petites filles noires dans la chorale de sa paroisse où son paternel officie comme pasteur pentecôtiste. Elle intègre The Halos, un trio du Bronx, enchaîne brièvement au sein des Sweet Inspirations, la troupe de Gospel dirigée par Cissy Drinkard (future Cissy Houston). C’est là que Doris rencontre Dee Dee et Dionne Warwick, les nièces de Cissy. A 16 ans, bravant l’interdit de ses parents, elle devient ouvreuse à l’Apollo Theater où elle se fait remarquer par James BROWN.

Gagnée par le virus de la musique, Doris se lance activement dans l’écriture sous le nom de Doris Payne, nom de sa grand-mère. Elle compose deux titres pour Clarence "Junior" Lewis publiés par le label Fury, puis écrit "How About That" pour sa copine Dee Dee Clark, titre qui rentre dans le Top Ten R&B en 1959. Poussée par Gregory Carroll, son ancien équipier chez les Halos, Doris se décidant à franchir le Rubicon va pousser la chansonnette. Sous le nom de Doris Payne, elle met en boîte une poignée de singles pour les labels Shirley, Everest. En 1961, Doris enregistre un troisième 45-tours pour Arliss sous le nom de Jay and Dee. Mais c’est en 1962 que les choses vont véritablement se décanter. Si les Sweet Inspirations se produisent toujours dans le domaine du Gospel le week-end, en semaine la troupe participe dans un rôle de choristes à de nombreuses sessions Soul. Après avoir œuvré aux côtés de Ronnie HAWKINS, la troupe fait des apparitions auprès de Wilson PICKETT, Solomon BURKE, The DRIFTERS, Maxine Brown. Au fil des mois, les demandes se multiplient et Doris endosse de plus souvent le costume de choriste.
C’est à cette époque qu’elle compose avec Gregory Carroll "Just One Look", titre proposé à Juggy Murray du label Sue mais qui ne trouve aucun preneur, le producteur trouvant le titre trop lisse et sans intérêt.
Il faudra attendre 1963 pour que le nom de Doris TROY apparaisse en gros sur la carte des bestsellers de l’année. Doris vient de composer "Tell Him I’m Not Home" pour le label Wand, titre propulsé par Chuck JACKSON tout en haut du hit-parade R&B, ce qui ouvre des portes à Doris. "Just One Look" atterrit sous forme de démo sur le bureau de Jerry Wexler, la version comprenant alors le batteur Bernard Purdie et le pianiste Ernie Hayes comme accompagnateurs. Le producteur d’Atlantic est un grand fan des Sweet Inspirations, groupe qu’il lancera plus tard dans le grand bain, il a déjà entendu Doris et décide de tenter le coup. Désirant cependant apporter une orchestration plus limpide, il fait appel à une nouvelle équipe d’accompagnateurs. "Just One Look" sort en mai couplé à "Bossa Nova Blues ». Quelques semaines plus tard, la chanson atteint la 3ème marche des classements R&B et reste dans le Top 100 du Billboard pendant quatorze semaines. Une aubaine pour le label Atlantic qui décide alors qu’il est temps pour Doris Troy de passer à l’étape suivante, celui d’un album complet.

"Just One Look" provient de trois sessions : la première du 5 mars comprend les deux titres du single, celle du 29 juillet s’avère plus luxuriante avec neuf chansons. Afin de cadrer avec les codes et la compression de l’époque, Atlantic décide de renvoyer Doris en studio le 5 août pour graver une douzième et dernière piste. En dehors des deux titres du single, Doris et Gregory Carroll ont amassé assez de matière : auteurs de six autres morceaux, la doublette permet qu’une trame se dégage de l’album à travers des chansons écrites pour un public non pas de teenagers mais correspondant aux évolutions du moment.
Le disque repose clairement sur le succès du titre "Just One Look" comme l’annonce la pochette. A l’instar de nombreuses productions américaines de l’époque, la galette sort sous deux formats mono et stéréo. De ces douze titres, deux ont l’honneur des charts. Placé en tête de gondole, "What Cha Gonna About It"⃰ se classe à la 37ème place. La belle ligne de piano aux ondulations exotiques, une mélodie simple mais accrocheuse et la voix de Doris sont les meilleurs atouts d’un titre qui a remarquablement passé les ans. Le titre tombe dans la besace de nombreuses formations britanniques : les Hollies, Peter Doyle (futur chanteur des New Seekers), Jeanette Simpson dans une version Ska/Ragga ou Cilla Black. Dee Dee Clark, ancienne complice de Doris, reprend la chanson en duo avec Ben E. KING dans une approche plus veloutée.
Dès la fin des fifties, la Bossa Nova, registre issu du croisement du Cool Jazz et de la Samba brésilienne allait déferler pendant plus d’une demi décennie. Si les premières mesures de "Bossa Nova Blues" nous orientent vers un rythme de Samba, le titre se dirige vite vers un mélange de Gospel avec des chœurs jouant le jeu des questions réponses et de Soul sixties, alors que Napoleon Allen s’offre un splendide solo de guitare hélas trop court. Parmi les autres créations du tandem Troy/Carroll "Lazy Days (When Are You Coming Home" reprend tous les codes de la Southern Soul. Porté par une rythmique indéboulonnable et un jeu de piano proche de certains spirituals, le chant prend ici une dimension encore plus grande. "Draw Me Close" se déguste comme un excellent titre où le Blues et le Jazz essaient d’endosser à tour de rôle le premier rôle via la guitare de Chauncey Westbrook, ancien membre des Orioles, de Buddy Johnson, Little Willie John et Aretha FRANKLIN. Du Jazz, il en est encore fortement question avec "A School For Fools", titre qui pourrait s’inscrire dans un disque de Carmen McRAE ou Sarah Vaughan. "Be Sure" "Time"et "Someone Ain’t Right", plus légers, évoquent certaines faces B des Chiffons, des Ronettes ou des Shirelles.

Trois pistes échappent au pré-carré des deux compositeurs : "Somewhere Along The Way", une compo de Jimmy Van Heusen, avait fait l’objet de reprises larmoyantes par de nombreux crooners (Nat King Cole, SINATRA, Tony BENNETT) et sera adaptée par Aznavour sous le titre "Quelque part dans la nuit". Là, Doris transforme cette niaiserie démodée en une honnête ballade à l’accompagnement sobre et un chant sans esbroufe. A notre sens, la meilleure reprise du titre avec celle de Timi Yuro. Enorme standard du Jazz, "Stormy Wearther" a fait le bonheur de Billie Holiday, Dinah Washington, d’innombrables crooners bien barbants et de nombreuses formations de Jazz. Début sixties, Etta JAMES et Judy Clay (ancienne partenaire de Doris au sein des Drinkard Singers sous le nom de Judy Guions) avaient repris le titre à la sauce Soul avec une certaine verve. Là, le timbre monte en puissance, Doris nous délivre une cover de toute beauté. Les amateurs de variété française pourront écouter les adaptations de Zizi Jeanmaire ("Ciel de plomb"), Marie Myriam ("Nostalgia") ou celle plus récente de Liane FOLY, ils se rendront compte qu’on n’est pas là sur la même planète. Dernière reprise avec "Trust In Me", un vieux titre de Jazz des années trente peu emballant. Si Etta JAMES lui avait redonné un bain de jouvence à l’orée des sixties, Doris lui donne un aspect moins clinquant avec un chant qu’on croirait sorti d’une église.
Terminons ce tour d’horizon avec "Just One Look", titre intemporel et quasiment le seul grand succès de la chanteuse. La chanson fait l’objet de nombreuses reprises, souvent serviles ou mal élaborées. Hormis les essais d’Harry Nilsson ou de Linda Ronstadt, peu de repreneurs s’en sortent avec les honneurs. Au début des eighties, Klaus Nomi en lancera une version sortant du contexte Soul. Chez nous autres, Eddy MITCHELL avait transformé le hit avec "Juste un regard", adaptation trop énergique à notre goût.

En 1969, Doris Troy, ignorée sur ses terres, s’installe en Angleterre où elle décroche un contrat avec le label Apple fondé par les BEATLES. Après de nombreuses sessions comme choriste ou invitée de luxe, elle regagne l’Amérique au milieu des années 70, se produisant dans les circuits des casinos, des croisières ou des tournées rétro. En 1983, Doris sert d’ancrage à la comédie musicale "Mama I Want To Sing" créée par sa sœur Vy et sa nièce. Chanteuse à la voix ample et expressive, Doris Troy demeure pour beaucoup d’amateurs le parfait exemple de la One Hit Wonder. Résumer sa carrière à "Just One Look" nous semble plus que réducteur. Victime d’un emphysème, elle s’est éteinte en 2004 à 67 ans.
Presque soixante ans après les faits, les paroles perdurent "Just one look and I fell so hard - In love, with you, oh oh - I found out how good it feels … ". Curieusement, le disque n'a pas pris trop de rides.

Note réelle 3,5.

⃰ Titre homonyme à celui des Small Faces.

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- Doris Troy (chant)
- Horace Ott (piano)
- Chauncey Westbrook (guitare 1-4-5-6-7-8-9-10-11-12)
- Eric Gale (guitare 1-4-5-6-7-8-9-10-11-12)
- Napoleon Allen (guitare 2-3)
- Barney Richmond (basse)
- Bruno Carr (batterie)
- Myrna Smith (chœurs)
- Estelle Brown (chœurs)
- Sylvia Guions-shemwell (chœurs)


1. What'cha Gonna Do About It
2. Bossa Nova Blues
3. Just One Look
4. Trust In Me
5. Lazy Days (when Are You Coming Home?)
6. Somewhere Along The Way
7. Draw Me Closer
8. A School For Fools
9. Be Sure
10. Someone Ain't Right
11. Stormy Weather
12. Time



             



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