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1969 New Message

Marion WILLIAMS - New Message (1969)
Par LE KINGBEE le 16 Avril 2021          Consultée 593 fois

Au risque de se répéter, 98% des chanteurs et chanteuses noires du siècle dernier ont frotté leurs fonds de culottes sur les bancs d’une église. Dès le début des fifties, le Gospel subit d’importantes transformations avec l’arrivée soudaine du R&B. Si la frontière est parfois aussi mince qu’une feuille de papier à cigarette, il y a tout de même un monde entre la musique du Seigneur et celle du Diable, un monde que vont rapidement franchir certaines figures de proue. C’est ainsi que Lou Rawls quitte les Pilgrim Travelers, O.V. WRIGHT les Sunset Travelers, Wilson PICKETT les Violonaires. Certaines chanteuses ne sont pas en reste et vont répondre à l’instar des leurs homologues masculins à l’appel de modes et de l’argent, l’art de la guerre. Les sœurs Dionne et Dee Dee WARWICK, Cissy Houston, Doris TROY avaient quitté les Drinkard Singers pour chanter au sein des SWEET INSPIRATIONS, Aretha FRANKLIN avait fait tache d’huile bien avant en délaissant la New Bethel Baptist Church de son paternel pour devenir Lady Soul. Si Little RICHARD ou AL GREEN virèrent leur cuti à plusieurs reprises, Marion WILLIAMS se situe plus du côté de Solomon BURKE ou des STAPLE SINGERS, excellents équilibristes entre les louanges du Seigneur et la musique plus avantageuse du Diable.

Revenons à nos moutons, pas ceux de la Bible, mais vers Marion WILLIAMS. Originaire de Miami où elle voit le jour en 1927, elle quitte l’école à neuf ans pour subsister aux besoins de sa famille. La pauvre gamine deviendra femme de chambre, aide soignante, blanchisseuse. Le weekend elle chante au sein de sa chorale et se produit parfois dans les rues. En 1947, elle intègre le Clara Ward Singers, l’une des troupes phare de l’âge d’or du Gospel. Suite à diverses dissensions financières avec Gertrude Ward, l’omnipotente mère de Clara, Marion quitte la troupe après onze ans de bons et loyaux services. Rejointe Esther Ford, Frances Steadman et Kitty Parham, elle fonde Stars Of Faith. Avec ses belles soutanes blanches, l’ensemble enregistre plusieurs albums pour Savoy et Vee Jay Records. En 1964, Marion prend ses distances avec l’ensemble, les Etoiles de la Foi étant désormais bien établies, pour voler vers une carrière solo. Après un album édité par Fontana, elle enregistre deux galette pour Epic, dont une en compagnie des Stars Of Faith, jusqu’à ce que Jerry Wexler, grand admirateur depuis longtemps, la persuade de rejoindre l’écurie Atlantic, avec un contrat juteux à la clef.

Pour Jerry Wexler, l’arrivée de la chanteuse est une aubaine ; après avoir misé sur les SWEET INSPIRATIONS, il décroche une fameuse seconde lame. Producteur souvent avisé, le bon Jerry avait pris soin d’enregistrer deux titres publiés en singles comme coup d’essai, un 45T. couronné de succès, loin d’être un coup d’épée dans l’eau. Wexler se frotte les mains, Il suffit de voir à quelle vitesse il envoie sa nouvelle pouliche en studio, le contrat tout juste signé Marion est expédiée en studio trois jours de suite, les 7, 8 et 9 avril, trois sessions d’où sortent six titres. Peu satisfait de la séance intermédiaire, Wexler décide de laisser de côté quatre titres. En mai, Atlantic fait revenir sa chanteuse à New York pour finaliser l’album. Wexler a mis les petits plats dans les grands, hormis la section rythmique indisponible les 14 et 15 mai, c’est exactement les mêmes belligérants qui épaulent la chanteuse.

Si Williams Fischer (déjà entendu auprès de Cannonball Aderley, Yusef Lateef ou Joe Zawinul) s’occupe de la partie arrangement et orchestration, le répertoire provient scrupuleusement d’un étroit échange d’idées entre Wexler et sa chanteuse, avec comme équation finale une égalité entre la musique profane et celle du Seigneur.

Parmi les pièces issues du Gospel, "Around God’s Throne", une compo des CONSOLERS ouvre les débats. Le caractère rustique presque campagnard de l’original s’efface sous de douces volutes de piano et une guitare souvent aérienne. Si le titre sera repris par le Révérend James Cleveland et Claudelle Clarke alias The Reggae Gospel Queen, les arrangements font toute la différence. Rien à voir avec la version de Jimmy Swaggart, un prêtre défroqué cousin du Killer, propriétaire à une époque de deux programmes Gospel passant sur 80 chaines TV. La parole de Dieu et de ses anges illuminés est partout en Amérique.
Marion Williams reprend "I'm Going To Live The Life I Sing About In My Song" création de Thomas Dorsey, l’un des plus grands auteurs de Gospel. Détail amusant, avant de vanter le Seigneur, Dorsey était pianiste dans des bouibouis de Chicago où il chantait des titres des plus salaces. Si Mahalia Jackson fut la première à la graver, Williams connait bien la chanson, elle l’avait enregistrée derrière le tandem Milt Jackson/Ray Brown pour lequel elle officiait comme vocaliste. Une interprétation à l’opposé du Folk Gospel de Vivien Richman. Autre anecdote, la toujours étonnante Nina HAGEN reprendra elle aussi le titre dans l’album "Revolution Ballroom" dans une version bluesy décapante.
Jésus a du se retourner sur sa croix en découvrant le nombre de variantes suscité par la mélodie de "The Great Speckle Bird", titre du Révérend Guy Smith tombé dans l’escarcelle du Country Gospel. Vernon Dalbert le transformera en "Prisoner’s Song", pour la Carter Family il deviendra "I'm Thinking Tonight of My Blue Eyes", Buddy Williams (aucun lien avec Marion) en fera un Yodel avec "I’ll Be Back Never Fear" tandis que Jimmy Heap le transposera en "Wild Side Of Life". En 1952, Al Montgomery s’accapare de l’air pour en faire "Did God Make Honky Tonk Angels", tandis que Johnny HORTON chante "The Child’s Side Of Life". Avouez qu’il y a de quoi s’y perdre entre tous ces titres péquenots pur jus, d’autant plus que pas un ne rivalise avec la présente version. Certaines associations féministes luttant contre le harcèlement moral se servent du morceau pour sonoriser leurs campagnes.
Composition de Virginia Davis, "I Have A Friend Above All Others" avait été reprise par les Soul Stirrers, Mahalia Jackson et Sam COOKE. Renforcé par le chœur des SWEET INSPIRATIONS, le chant monte en gamme superbement secondé par une guitare pleine de flamboyance pour nous emmener vers un sommet de quiétude. La meilleure version, selon nous, avec celle du Révérend Cleophus Robinson. Standard du Gospel, "Will The Circle Be Unbroken" provient de la plume de Charles Gabriel, un gars qui aurait écrit près de 8000 titres dédiés au Seigneur et ses comparses. Si le morceau a été repris par toute une flopée de péquenots en habits de messe dans des versions souvent peu gouteuses, Marion Williams lui influe un punch sortant de l’ordinaire, la guitare s’enflamme sur une rythmique groovy. L’une des versions les plus captivantes avec celles de PENTANGLE, John Lee HOOKER et Delaney & Bonnie. Au générique de nombreuses séries TV, ce standard est utilisé par les congrégations pour faire monter la mayonnaise.
Hit mineur de Lander Coleman, oncle d’Ann COLE, "Milky White Away" fera l’objet de reprises via les Trumpeteers, The Angelic Gospel Singers et Sister Rosetta Tharpe. Mais c’est par le biais du King Presley qu’il connaîtra une plus grande notoriété. Le titre sera repris plus récemment par le français Jake Calypso. Elle reprend "How I Get Over", titre du Révérend Brewster qu’elle interprétait au côté de Clara Ward. Si le titre incite l’auditeur à s’élever probablement vers les cieux ou le Seigneur, personnage décidément emblématique, Marion Williams envoie les watts derrière une guitare énergique, le tempo nous parait plus contagieux que la version postérieure d’Aretha FRANKLIN. Aujourd'hui, Vickie Winans se sert encore du titre comme base de lancement lors de ses concerts et ça déménage souvent très sec.

Trois pistes échappent à priori au registre du Gospel. Williams reprend ici deux titres de Bob DYLAN. Vu les rapports quelque peu complexes et ambigus du barde avec la religion, on peut se dire que ces titres ne figurent pas dans ce disque par l’opération du Saint Esprit. "I Shall Be Released" sera chanté par moult repreneurs, à l’image de nombreux titres du Sieur Dylan. Parmi les nombreuses covers sortant du lot, citons celles de The BAND, Joe COCKER (pourtant pas ma tasse de thé) ou de Lilly Wood & The Prick Si Dylan ouvrait le disque, c’est également sur sa plume qu’il se ferme avec "I Pity The Poor Immigrant". Repris à la sauce Folk par Joan BAEZ et Gene Clark, le titre sera transformé en Blues par Taj MAHAL. Ici, Marion Williams chemine entre Deep Soul et Blues, l’orchestration rappelle les enregistrements de Muscle Shoals. Un morceau intense de toute beauté. Enfin elle n’hésite pas à booster le ton avec "People Got To Be Free", un Rock des Rascals. L’orgue de Junior Mance monte en arôme, tandis que les Sweets Inspirations lâchent de belles ogives.

Ce premier disque édité sous la bannière d’Atlantic constitue une pièce de choix. Les arrangements et l’orchestration naviguent entre une sonorité d’église et une teinte démoniaque poussée vers une Soul aussi délicate qu’authentique. Ajoutons-y la cohérence d’un répertoire millimétré, la présence des Sweet Inspirations pour le coup très en verve, de brillants accompagnateurs et on a entre les mains un disque fortement recommandable. Jamais réédité sous format CD, cette chronique provient de l’écoute du pressage français.

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- Marion Williams (chant)
- Eric Gale (guitare)
- Junior Mance (piano)
- Chuck Rainey (basse 1-2-3-6-9-10)
- Jerry Jemmott (basse 4-5-7-8)
- Ray Lucas (batterie 1-2-3-6-9-10)
- Bernard Purdie (batterie 4-5-7-8)
- Cissy Houston (chœurs)
- Sylvia Shemwell (chœurs)
- Estelle Brown (chœurs)
- Myrna Smith (chœurs)


1. I Shall Be Released
2. Around God's Throne
3. People Got To Be Free
4. I'm Going To Live The Life I Sing About In My Song
5. The Great Speckled Bird
6. I Have A Friend Above All Others
7. Will The Circle Be Unbroken
8. Milky White Way
9. How I Got Over
10. I Pity The Poor Immigrant



             



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