Après deux albums aussi originaux que marquants, et une fin de carrière chaotique, les WICKED LADY jettent l’éponge en 1970. Martin Weaver leur leader (compositeur, guitariste et chanteur) s’associe alors avec le claviériste Dave Wadley, qui avait déjà travaillé avec Tony IOMMI (BLACK SABBATH) dans les années 60. L’histoire veut que les deux hommes, lassés de la scène Heavy Metal, et après une nuit très arrosée, décidèrent de s’unir pour produire une musique universelle qui regrouperait tous les styles.

Cet objectif, aussi ambitieux qu’irréaliste, n’est clairement pas atteint, mais ce On The Treshold of Reality fait tout de même preuve d’une grande largeur d’esprit. Le duo instrumental évolue dans un mélange de Rock psychédélique, de Drone ambient, et de Rock progressif. En privilégiant les longues plages musicales chargées d’ambiances aériennes et relativement dénuées de variations harmoniques.
Deux morceaux ("Never The Twain" et "Time Warrior") dépassent les 18 minutes, même si dans certaines versions, ce dernier titre est découpés en plusieurs phases : "The Return Of Narcissus", "Echo Dream", "Machine Mind", "Soldiers Of Misfortune", "Over The Threshold (Of Reality)".

On retrouve là un peu de cet amateurisme / je m’en foutisme qui caractérisait WICKED LADY et qui peut être symbolisé par la première phrase du site officiel du groupe : "les MIND DOCTORS se sont formé au début des années 70 (date exacte inconnue)…".Tournant un peu le dos au "tout guitare folle" qui semblait être sa ligne directrice jusqu’alors, Martin WEAVER élargit son style. Les sonorités rugueuses et lourdes laissent placent à des ambiances plus éthérées, plus planantes. Les claviers font leur apparition, Dave Wadley, apportant sa sensibilité classique qui est très palpable sur certains passages de "Never The Twain", ainsi que sur "Praeludian 3 (Bach)".

Le très long "Never The Twain" est assez symbolique de ce que propose le groupe. Cette longue pièce de plus de dix-huit minutes est une successions d’ambiances portées par des guitares planantes et des nappes de clavier nébuleuses. C’est souvent vaporeux, et l’introduction de plus de cinq minutes confine avec de la musique New Age. Puis, à partir de la septième minute les guitares évoquent furieusement THE CURE (période Disintegration). L’ambiance monte et évolue doucement et à partir de la neuvième minute, on retombe avec délectation dans l’univers des WICKED LADY, pour évoluer par moment au milieu d’orgues d’églises.

On sent que la groupe explore, tâtonne. Ses recherches le mènent parfois aux limites de nouveaux genres. On a évoqué le Drone ambient, le New Age, la musique classique… c’est également vers la New Wave que l’utilisation de clavier le porte ("Time Warrior"). Le résultat est souvent heureux et séduisant, même si le dernier morceau fleuve, "Time Warrior", semble parfois manquer un peu de cohésion et d’une ligne directrice lisible. Le groupe part alors un peu dans toutes les directions et on ressent moins ce charme qui monte progressivement, et qui est propre aux autres titres.

Les amoureux de WICKED LADY pourraient avoir quelques difficultés à entrer dans cette œuvre bien moins animal et directe que ce que proposait le premier groupe de Martin Weaver. Mais ce disque est attachant, et ses ambiances planantes ont de quoi séduire bon nombre d’auditeurs à l’esprit ouvert. Les fans de TANGERINE DREAM devraient également trouver quelques plaisirs à se plonger dans cet album surprenant.