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Roberta FLACK - Quiet Fire (1972)
Par LE KINGBEE le 5 Avril 2021          Consultée 1241 fois

L’adage "Les chiens ne font pas des chats" se vérifie encore une fois dans le parcours de Roberta FLACK. Originaire de Caroline du Nord où elle voit le jour en 1939 ⃰, Roberta passe sa plus tendre enfance à Arlington, proche banlieue de Washington. Fille d’un dessinateur industriel, elle se passionne très tôt pour la musique par le biais d’une mère cuisinière qui officie le dimanche sur l’orgue de la paroisse locale. Une légende urbaine prétend que la petite Roberta aurait pris ses premières leçons sur un piano que son père aurait déniché dans une décharge. Roberta va faire ses gammes à l’African Methodist Episcopal Zion Church d’Arlington, obtenir plusieurs prix ce qui lui permet de décrocher une bourse afin de poursuivre des études de chant et de clavier à la Howard University de Washington, un institut renommé où elle rencontrera le chanteur Donny HATHAWAY.

Surdouée et diplômée précoce, elle se lance dans l’enseignement comme professeur d’anglais dans un collège de Farmville en Caroline du Nord alors qu’elle n’a pas encore vingt ans. Promue à Washington, Roberta se produit par plaisir et aussi pour arrondir ses fins de mois aux côtés de chanteuses d’opéra au Tivoli Club, un établissement huppé de Georgetown. Elle délaisse l’opérette pour se produire dans le circuit des clubs de Jazz, plus en adéquation avec son éducation musicale. En 1967, Les McCann chef d’orchestre réputé la repère lors d’un concert caritatif. Le bonhomme qui a découvert Lou Rawls au début des sixties la recommande à Joel Dorn son producteur chez Atlantic. Après une longue audition, Dorn ancien animateur pour une radio Jazz de Philadelphie à moitié sourd d’une oreille, décide de donner sa chance à Roberta.

Si Joel Dorn dispose d’un sérieux curriculum vitae, il a déjà produit Charles MINGUS, Shirley SCOTT, Keith JARRETT, Yusef Lateef ou David "Fathead" Newman, sa passion dévorante pour le Jazz le pousse à enfermer Roberta dans un registre Jazz Vocal, un peu dans la lignée de Carmen McRAE. Une erreur qui aurait pu être préjudiciable à notre pianiste chanteuse dont les deux premiers albums passeront presque inaperçus malgré une qualité au dessus du lot, tant au niveau du chant que des arrangements et de l’orchestration. En fait, on ignore ce qu’annonçait le futur de la chanteuse si Clint Eastwood n’avait pas incorporé "The First Time Ever I Saw Your Face" à la bande son du film "Un Frisson dans la Nuit" avec Jessica Walter et Donna Mills.

Troisième opus de Roberta FLACK, "Quiet Fire" traduisible par Feu Silencieux ou Force Tranquille résume incroyablement le contenu d’un album largement sous-estimé. Si aujourd'hui le nom de Roberta FLACK évoque pour de nombreux amateurs de Soul des duos avec Donny HATHAWAY ("You’ve Lost That Loving Feeling" ou "You’ve Got A Friend"), le hit "Killing Me Softly With His Song", ou bien encore "Feel Like Making Love" petit succès Soul alors que le monde allait être submergé face à la vague Disco, il convient de remettre les pendules à l’heure.

La pochette demeure bien représentative d’une époque, la coiffure de style afro demeure typique du débuts seventies et peut être un clin d’œil à Angela Davis. Enregistré lors de quatre sessions (6 janvier, 7 janvier, 7avril et 10 juin, la plus conséquente avec quatre chansons), "Quiet Fire" n’est pas une priorité pour Atlantic. La firme place la plus grosse partie de ses billes sur ses productions Jazz, Aretha FRANKLIN, grande vedette du label et se décide à lancer EMERSON LAKE & PALMER. Elle s’occupe aussi de la promotion de YES, J. GEILS BAND et MOTT THE HOOPLE tout en privilégiant le single "You’ve Got A Friend" chanté en duo par Roberta et Donny HATHAWAY. En mars, Roberta FLACK participe à Accra (Ghana) à Soul To Soul, un concert en plein air de 14 Heures en compagnie de Wilson PICKETT, Ike & Tina TURNER, The STAPLES SINGERS. Le 7 mai lors d’un concert au Carnegie Hall, Roberta enregistre pas moins de 18 titres qui ne seront jamais publiés. Deux semaines plus tard, elle met en boite 7 titres dans les studios d’Atlantic à New York, 7 chansons qui ne seront-elles non plus jamais éditées. Le 12 aout le duo FLACK/HATHAWAY enregistre 17 chansons dont apparaîtront sur l’album "Roberta Flack And Donny Hathaway" publié l’année suivante. Mais un autre événement va contribuer à faire de ce disque un échec. Le 13 aout, King Curtis, saxophoniste, arrangeur et chef d’orchestre de génie, véritable pilier du label Atlantic, se fait tuer par un SDF qui refusait de quitter le perron de sa maison. Pour le label c’est une perte énorme, ce qui explique en partie le manque de promotion lors de la sortie de l’album qui tombe un peu comme un cheveu dans la soupe.

Le disque s’ouvre sur "Go Up Moses", l’unique composition coécrite avec Joel Dorn et le Révérend Jesse Jackson, figure du CRM. Si une guitare un brin funky annonce l’ouverture des hostilités, les congas et les percussions quasi tribales prennent la suite, avec des chœurs imprimant une atmosphère entre le crépusculaire d’une église et une marche voodoo en destination d’un sacrifice. Un Gospel Psyché qui vient en réponse au Negro Spiritual "Go Down Moses" des Tuskegee Institute Singers enregistré en 1915, un titre rabâché et repris entre autre par Paul Robeson, Louis Armstrong ou les Jordanaires, adapté chez nous par John Williams et Nougaro.

Enorme succès du tandem SIMON & GARFUNKEL, "Bridge Over The Trouble" sorti en janvier 1970 connaitra près de 80 reprises rien que pour l’année en cours. Roberta Flack tisse ici une forte intimité par le biais de son piano et d’un nappage de violoncelles, en fin de morceaux qui tels les anges bibliques semblent nous tomber sur le râble. Un titre de plus de 7 minutes qui aurait mérité d’être cependant raccourci. Elle reprend la ballade de la paire Carole KING/Gerry Goffin "Will You Love Me Tomorrow" en prenant soin de s’éloigner des sempiternelles interprétations offertes par la variété américaine ; Roberta privilégie un accompagnement sobre reposant sur le piano, un peu à l’image de la version de Carole KING dans "Tapestry". Le titre qui installa les SHIRELLES sur la plus haute marche du hit-parade américain en 1960, sera repris plus tard par Laura NYRO et Amy WINEHOUSE. Il faut tendre l’oreille pour reconnaître "To Love Somebody", une ballade Pop sentimentale et neuneu des BEE GEES. Si la chanson a connu d’excellentes reprises Soul (The Sweet Inspirations, P.P. ARNOLD ou James Carr) Roberta transpose cette mièvrerie pour adolescent boutonneux en un superbe mélange de Gospel Soul, l’orgue de Richard Tee instaure une forte ambiance churchy tandis que la guitare du Hugh McCraken touche la cible à chaque note. Une version qui relègue à des années lumières celle de Nina SIMONE bien trop brouillonne. Chez nous la parolière Vline Buggy en fera une adaptation chantée par Herbert Leonard. Autant dire que la Nation n’en ressortira pas grandie.

La pianiste glisse un beau parterre d’inusités. Jimmy WEBB lui apporte sur un plateau "See You Then", une ballade obscure pour piano. Œuvre de Sonny Thompson, "Let Them Talk" aura connu moult mitonnades de Little Willie John à James BROWN en passant par Mitty COLLIER jusqu'à Hugh LAURIE (alias Dr. House). Là, Roberta FLACK nous offre une plongée entre Jazz Vocal et Deep Soul, le saxophone et le vibraphone apportent une sonorité veloutée renforcée par la qualité des arrangements. Titre de Van McCoy, l’un des instigateurs du Disco, "Sweet Bitter Love" avait préalablement été enregistré par Aretha FRANKLIN. C’est une orchestration plus élaborée qui nous est ici proposée, mais le titre aurait dû être amputé d’une soixantaine de secondes. Terminons par la pépite de l’album avec "Sunday And Sister Jones". Derrière une histoire d’amour et de deuil, Roberta magnifie cette compo d’Eugene McDaniels. L’harmonica de Buddy Lucas (déjà entendu auprès de Laura NYRO, Count BASIE ou Yusef Lateef) apporte un gros grain de Southern Soul, tandis que les congas et la flûte contribuent à engendrer un arôme aussi élégant que sophistiqué. Le chant céleste procure un sentiment de profonde quiétude.

Cet album aurait pu accéder à la note maximale. Il n’y a pas grand-chose à reprocher au disque, si ce n’est deux titres trop longs à notre goût et l’absence d’un titre plus musclé qui aurait permis de désinstaller un léger sentiment de routine et de raffinement. Un disque de Soul 70’s patiné de Gospel Jazzy qui mérite d’être redécouvert. Note réelle 4,5.

⃰ Certaines encyclopédies et sites de vulgarisation indiquent par erreur 1937.

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   LE KINGBEE

 
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- Roberta Flack (chant, piano)
- Hugh Mccraken (guitare 1-3-4-6)
- Chuck Rainey (basse 1-3-4-6-7)
- Ron Carter (basse 5-7)
- Terri Plumeri (contrebasse 7)
- Bernard Purdie (batterie 1-3-4-6)
- Richard Tee (orgue 1-6)
- Grady Tate (percussions 1-7)
- Ralph Mcdonald (congas 1-3-4)
- Joe Farrell (saxophone 7, flute 3-4)
- Romeo Penque (saxophone7, flute 7)
- Seldon Powell (saxophone 3)
- Billy Slapin (flute 4)
- Hubert Law (flute 4)
- Wally Kane (basson 3)
- Corky Hale (harpe 4)
- David Carey (vibraphone 7)
- Buddy Lucas (harmonica 3)
- George Ricci (violoncelle 2)
- Kermitt Moore (violoncelle 2)
- Seymour Barab (violoncelle 2)
- Ted Hoyle (violon 2)
- Joel Dorn (chœurs 1)
- Arif Murdin (chœurs 1)
- Ronald Bright (chœurs 1)
- Sammy Turner (chœurs 1)
- Cissy Houston (chœurs 2)
- Eugene Mcdaniels (chœurs 6)
- Hilda Harris (chœurs 6)
- Joshie Armstead (chœurs 6)
- Les Mccann (chœurs 6)
- Tasha Thomas (chœurs 6)


1. Go Up Moses
2. Bridge Over Troubled Water
3. Sunday And Sister Jones
4. See You Then
5. Will You Still Love Me Tomorrow
6. To Love Somebody
7. Let Them Talk
8. Sweet Bitter Love



             



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