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1964 The Sect

The DOWNLINERS SECT - The Sect (1964)
Par LE KINGBEE le 10 Mai 2021          Consultée 786 fois

L’Angleterre, gros terreau de groupes de Rhythm' N' Blues, n’a pas enfanté que des vedettes. Parmi les seconds couteaux, The DOWNLINERS SECT ont longtemps fait figure d’épouvantail. A la fin des fifties, le tout jeune Mike O Donnell chante au sein des Downliners, un petit combo de Twickenham. Le groupe tire son nom de "Down The Line", un titre de Roy Orbison enregistré par Jerry Lee Lewis en février 58 pour le célèbre label Sun de Memphis. Le combo investit le circuit des pubs et des tavernes dont le pays regorge. En 1962, le groupe franchit la Manche pour se produire en France, mais l’aventure ne va pas plus loin. Si Mike aime bien en découdre sur scène, déçu des résultats et du manque d’investissements de ses équipiers, il met un terme à l’expérience.

Le début des sixties est marqué par d’importantes mutations sociopolitiques : l’Angleterre en plein essor pleurniche pour adhérer à la CEE (elle fera des pieds et des mains pour en sortir). En 1962, le Skiffle est tombé en désuétude. En janvier, les BEATLES auditionnent chez Decca, mais Dick Rowe ne les retient pas. En mars, Alexis Korner se produit au Ealing Jazz Club, les STONES donnent leur premier concert au Marquee en juillet. Mi septembre les BEATLES, chapeautés par George Martin, signent chez EMI-Parlophone. Après s’être produit en Allemagne, en Autriche, en Suisse, à Paris à l’Olympia, la première tournée de l’American Folk Blues Festival passe au Trade Hall de Manchester le 3 octobre, seul endroit ayant accepté d’accueillir John Lee HOOKER, Magic SAM, T Bone Walker et consorts. Deux jours plus tard, Sean Connery s’oppose au Dr No. En décembre, Dick Taylor lâche sa basse et les STONES, remplacé par Bill Wyman, le pianiste Manfred MANN fonde son groupe à son nom, tandis que Bob DYLAN se produit au Troubadour à Earl’s Court sous le pseudo de Blind Boy Grunt. Tout change en permanence.

Pendant ce temps, le jeune Mike O’ Donnell tournant comme un lion en cage décide de reformer un groupe avec une nouvelle équipe sous le nom de The DOWNLINERS SECT. Il recrute le batteur John Sutton (futur Pasadena Roof Orchestra, Chris Barber), Keith Grant qui troque ses baguettes pour une basse et les guitaristes Terry Gibson (ex-Hoods) et Mel Lewis, celui-ci rapidement remplacé par Ray Sone, un adepte du mélodica et de l’orgue à bouche.
En 1963, Mike qui s’est transformé en Don Craine parvient à enregistrer une première démo avec "Roll Over Beethoven" et "Cadillac", deux chansons qui prendront la poussière jusqu’en 1985. Malgré des prestations souvent incendiaires, la formation qui ne parvient pas à décrocher de contrat avec une maison de disques se retrouve dans l’obligation de s’autoproduire avec un E.P Live gravé au Club Studio 51 et édité à 400 exemplaires par Contrast Sound. Si la concurrence est rude dans la Capitale et si le groupe est managé en amateur, ce E.P leur permet de se faire remarquer par la Columbia, firme pour laquelle le groupe enregistre trois singles et un premier album baptisé The Sect.

Si la pochette ne renseigne guère sur le contenu, l’allure des cinq énergumènes soulève quelques questions. Sur la gauche, deux membres prennent un air goguenard, deux autres semblent moins souriants, presque menaçants, tandis qu’à l’extrême droite Don Craine, coiffé d’un chapeau semblable à celui de Sherlock Holmes, fixe l’objectif d’un air irrévérencieux. Le port de ce costume et de cette casquette n’est pas si anodin, Don Craine, le plus petit du groupe et leader incontesté, est hostile à l’aristocratie et à l’establishment et il ne s’en cache pas. Autre élément indicatif, le titre écrit tout en bas à gauche et en noir interpelle, le groupe semblant vouloir se situer un peu à l’écart des nombreuses formations Blues, Rock et Beat qui poussent comme des champignons sur tout le territoire.

D’entrée de jeu, cet antagonisme envers la bonne société se ressent avec la reprise de "Hurt By Love" ⃰, titre enregistré par Inez et Charlie Foxx pour le label Symbol. Si la version originale s’inscrivait dans une combinaison de R&B et de Soul, celle des DOWNLINERS, plus véhémente, se positionne à la frontière du Garage. A l’instar de ses confrères stoniens, ils égrainent le répertoire de Chuck BERRY, Bo DIDDLEY et Jimmy REED. Si la première chanson évoquait une blessure suite à une rupture, il est encore question d’amour avec "Our Little Rendez-vous", reprise de BERRY en mode Garage. L’intonation du chant fait la différence et rehausse la désinvolture du texte : "Hello little Suzie, hello little Suzie - Can I walk home with, can I walk home with you ? - To see will your mother and your father". Second emprunt à BERRY avec "Too Much Monkey Business" reposant sur un tempo ultra-rapide, cette version pourrait faire figure de proto Punk. Si le jeu de guitare et les diverses percussions sont approximatifs, Don Craine privilégie ici une énergie haute en couleurs. Une version bien supérieure, selon nous, à celles des Hollies ou d’ELVIS. A l’image de nombreuses formations britanniques, Jimmy REED fait l’objet de deux essais transformés plein centres : l’inusité "Baby What’s On Your Mind" et "Bright Lights" supposé apporter un peu de douceur si ce n’est que le chant évoque plus Shane MacGowan, leader édenté des POGUES, que le timbre nonchalant de Reed. On attribue souvent à Bo Diddley "Cops And Robbers" en lieu et place de Kent Harris, pianiste chanteur de Boogaloo & His Gallant Crew. Avouons que la version du Mississippien demeure la plus connue. Là, l’harmonica après un temps de flottement et de douceur reprend son rythme de croisière, tandis que la rythmique se montre stoïque face au déchaînement de Don Craine. Le Blues est encore de la partie avec "I Wanna Put A Tiger In Your Tank", compo de Willie DIXON pour Muddy WATERS. Là encore, le combo prend une orientation Garage avec un harmonica qu’on a dû bourrer de caféine.
Au rayon des bonnes trouvailles, figurent deux inusités du rocker Larry Bright enregistrés sur le label californien Tide Records : "One Ugly Child" dans lequel le piano endosse le premier rôle et "Bloodhound" un Rock bourré de vitamines rappelant les YARDBIRDS. Si le groupe témoigne d’une énergie parfois frustre mais sincère, tout n’est pas du meilleur crû. On se demande par exemple ce que vient faire la version instrumentale mi-Skiffle mi-Folk de "Guitar Boogie" d’Arthur Smith dans l’album.

Quatre compo' principalement écrites par Collier/ O’Connell/Evans viennent agrémenter l’opus : "Lonely And Blue", un Harmonica Blues de bonne facture, "Easy Rider", un Blues Garage porté par le timbre de Don Craine, l’imparable "Sect Appeal" qui pourrait s’inscrire comme un standard de Bo Diddley, alors qu’en fermeture "Be A Sect Maniac" fait plus penser à une démo'.

Si "The Sect" peut paraître fruste et parfois mal maîtrisé, il n’en déborde pas moins d’une énergie brute. Des caractéristiques qu’on retrouve pour la production lo-fi à la limite du trash. Si le groupe s’est séparé en 1967, il s’est reformé à la fin des eighties à l’instigation de Don Craine. Seul changement notable, l’abandon du Deerstalker, le célèbre couvre-chef de Don Craine.
Les DOWLINERS SECT représentent un cocktail fort en bouche avec des arômes qui s’entrechoquent, une pincée de PRETTY THINGS, quelques gouttes de STONES, un soupçon de KINKS avec pour bouquet final un mélange de Blues, de R&B, Pub Rock et de Garage. Le groupe souvent cité dans de nombreuses autobiographies musicales anglo-saxonnes. Les fortes émanations Garage nous incitent à classer cet album dans le tiroir du Rock et non dans celui du Blues. Le disque a fait l’objet de plusieurs rééditions CD avec quelques titres bonus.
Cette chronique provient de l’écoute du pressage UK en Mono.

⃰ Titre homonyme à celui de Cris Spedding.

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   LE KINGBEE

 
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- Don Craine (chant, guitare, tambourin, maracas, autoharp)
- Terry Gibson (guitare)
- Keith Grant (basse)
- Johnny Sutton (batterie)
- Ray Sone (harmonica, mélodica)


1. Hurt By Love
2. One Ugly Child
3. Lonely And Blue
4. Our Little Rendezvous
5. Guitar Boogie
6. Too Much Monkey Business
7. Sect Appeal
8. Baby What's On Your Mind
9. Cops And Robbers
10. Easy Rider
11. Bloodhound
12. Bright Lights
13. I Wanna Put A Tiger In Your Tank
14. Be A Sect Maniac



             



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