Les apparences sont parfois quelque peu trompeuses. Si sur une mappemonde musicale, vous placiez la Grande Bretagne comme la seule terre d'une new-wave froide à claviers, il faudrait rapidement réviser vos classiques et votre géographie. En effet, à l'écoute de Fragrance, le premier album de LOBBY sorti à la fin de l'année 2018, on pourrait légitimement se dire que ces dix titres émanent d'un nouveau groupe briton qui sera encore une fois encensé au maximum deux jours par la presse spécialisée avant de retomber très rapidement dans un total anonymat. Sauf que LOBBY n'est pas de Leicester ou d'Oxford mais plus prosaïquement de... Pessac.

Fragrance s'inscrit donc pleinement dans ce revival d'au moins quinze ans, si ce n'est plus, et qui ne semble plus vouloir en finir. C'est évidemment son intérêt mais aussi son entêtante limite. En effet, les productions étant tellement nombreuses, la plupart un triste feu de paille d'ailleurs, qu'il demeure bien difficile de retenir réellement l'attention. Comment surnager dans cet océan de formations où l'habituel opportunisme et la hype la plus flagrante se débattent avec une difficile recherche de sincérité ? Vaste question à laquelle LOBBY bien que jeune formation semble vouloir et pouvoir même donner quelques éléments de réponse.

Pour ce faire, le quatuor expose d'abord deux-trois morceaux particulièrement réussis qui captent instantanément l'attention du corbeau blasé ou mieux, de celui toujours à l'écoute. Le corvidé y reconnaîtra naturellement les ombres d'INTERPOL ou CURE mais, dans l'absolu, ce n'est pas nécessairement gênant car le plaisir est vraiment là. L'introduction de l'excellent "Collapse" pose les choses de façon nette et sans bavure. La basse tendue comme une lame de rasoir, la guitare post-punk incisive et ces claviers tourbillonnants marquent indubitablement des points. Un peu, voire beaucoup, comme le définitif "Violence In Your Eyes" qui en plus de ce cocktail habituel bien maîtrisé se démarque par la voix agréablement pop et comme détachée de Timothée Roze Des Ordons qui offre alors un contrepoids bienvenu à la tension du propos (allez plutôt voir le clip réussi et ambiguë à souhait).

Ce qui distingue (un peu) en fait LOBBY de la plupart de ses congénères contemporains, c'est cette utilisation plutôt futée des claviers. Il faut dire qu'il est quand même difficile de passer à côté. Comment les ignorer en effet dès l'introductif éponyme où ces synthés se marient parfaitement avec une basse dansante et bien mise en avant. Alors, oui, parfois, ils sont trop présents, boursouflés à l'image du survitaminé "Chimeras". Le haut le cœur n'est dans ce cas pas vraiment loin. Tout demeure encore et toujours une question de savant dosage car lorsqu'ils se font plus mélancoliques et discrets, les espaces sonores ainsi esquissés sont d'autant plus émouvants ("Taking Down").

Les Girondins allègent parfois la tonalité de leurs notes et ceci leur va plutôt bien. Le triste instrumental "1881" avec cette guitare typée années froides chamboulera naturellement les petits êtres sensibles que nous sommes. C'est gris, mais pas noir. Des atours pop réussissent même à se profiler au détour d'un titre à l'image de "Your Jail" qui n'aurait pas dépareillé sur n'importe quelle galette d'ASYLUM PARTY. Cette pop froide ne prend malheureusement pas le pas sur des ambiances qui sur le long terme s'avèrent légèrement redondantes. Il suffit en effet d'écouter et comparer "Heat" avec "Upside Down" pour se dire que LOBBY patine. La limite entre influence digérée et copier-coller est parfois mince.

Fragrance s'avère quand même en définitive un bon album de new-wave qui sans être renversant se laisse toutefois agréablement écouter.