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1976 The Modern Lovers
 

- Membre : The Cars, Talking Heads

The MODERN LOVERS - The Modern Lovers (1976)
Par NOSFERATU le 13 Juin 2021          Consultée 3120 fois

Quand on plonge tête baissée dans la fournaise du proto-punk (grosso modo tout ce qui n’est pas académique entre 1967 et 1977), d’évidents noms d’artistes ou de groupes apparaissent dans notre mémoire. On songe au garage rock sixties déjà étiquetté de punk, à la décadence urbaine du VELVET UNDERGROUND, à celle plus glitter du BOWIE de 73, à la violence sonique des groupes du 'Détroit sound' de la fin des sixties (MC5, STOOGES, ALICE COOPER BAND). Volatile anéanti, seringue dans le bras, cocktail molotov, tesson de bouteille sur la poitrine, délire transgenre, voilà pour les images, loin de la doxa du flower power de la même époque des hippies. On oublie un peu trop vite les seconds couteaux qui ont aussi apporté leur pierre à cet édifice. Les MODERN LOVERS en font partie. Ils apparaissent un soir de la Saint-valentin 1973 à la mythique salle new-yorkaise du Mercer en première partie de deux groupes phare de ce courant annonçant le punk rock : les bariolés stoniens NEW YORK DOLLS et l’inquiétant duo proto-synthpunk dénommé SUICIDE.

Le VELVET est à l’origine des MODERN LOVERS alors originaires de Boston. On connaît la fameuse phrase d’un rock critique (c’est qui d’ailleurs ?) que je cite de mémoire : très peu ont vu le VELVET en son temps mais tous ont formé un groupe le lendemain. En 73, depuis l’album Squeeze, les principaux leaders (Lou REED en tête chapeauté par son fan number one qu’est BOWIE) de la ténébreuse congrégation warholienne, en activité depuis au moins huit ans, ont largué les amarres, préférant se lancer dans des carrières solo. Seule, la batteuse Moe Tucker continue l’aventure avec des mercenaires comme Willie 'loco' Alexander. Le VELVET n’est donc plus que l’ombre de lui-même avant de s’éteindre de ses belles cendres.

Parmi tous ses fans, à Boston, durant les early seventies, un gamin malingre dénommé Jonathan Richman suit partout son groupe fétiche qu’il vénère d’une façon quasiment religieuse. Il ne rate aucun concert, allant même jusqu'à la grosse pomme pour les voir. Il va même dormir un soir, incognito, dans une salle de répétition du groupuscule 'shooté' de LOU REED. De retour à Boston, il forme ainsi vers 1970 les amoureux modernes, devenant le principal compositeur, avec son vieux pote, John Felice. Quatre ans de longévité particulièrement instables avec une première démo enregistrée l’année suivante.

Curieux destin que ces MODERN LOVERS qui ne feront aucun disque mais qui dégageront eux aussi une aura underground, attirant tous ces freaks en rupture de folk gnangnan baba. Des demos sont envoyées pourtant à Warner dès 72, toutes produites par l’idole de Richman, John CALE ; le violoncelliste pré-goth du VELVET qui a déjà touché à ce job avec le faramineux premier album des STOOGES en 69. D'autres démos sont aussi prises en charge par l’inénnarable Kim FOWLEY, toujours à l’affut de ce qui est hors-norme. Il faut dire que l’avant-gardiste CALE et ce grand cinglé de FOWLEY furent impressionnés par les compositions de la bande à Richman. Un autre, Alan Mason, plus conventionnel (d'où des disputes homériques avec Richman) y va de même de sa patte de producteur.

Les morceaux, peu produits pour bien faire ressortir l’aspect live, sont bouillonnants d’énergie, rappelant les excès soniques du second album du V.U., le bruitiste White Light/White Heat (leur meilleur ?). On y entend effectivement des orgues saturés donnant le tournis, des guitares fuzz grésillantes à deux accords dans la droite lignée de garages bands sixties à la SEEDS. Et il y a des hymnes comme ce "Roadrunner" ultra-répétitif et Velvetien en diable, une ode aux joies d’écouter la radio en voiture, le fameux "Pablo Picasso" aux désopilantes paroles (Pablo Picasso n’a jamais été traité de trou de cul même à New York). Ce dernier morceau plait d’ailleurs tellement à un John CALE jaloux de l’intensité de ce dernier, qu’il le reprend sur son album solo, Helen of Troy. Même BOWIE en fait une brillante reprise. Les influences du groupe fétiche d’Andy Warhol se font ressentir sur "Old Word", sorte de folk urbain dont le phrasé rappelle inévitablement LOU REED ou cette façon désordonnée de faire des balades. Celle intitulée "Hospital" s’accélère, rappelant un peu le chef-d’œuvre du premier VELVET qu'est "Heroin". Une autre, "Girlfriend", ou "Dance with me", sorte de tango sombre ( !?) n’appelant justement pas du tout à la danse.

Outre le VELVET, ces titres évoquent aussi les DOORS ("Astral Plane") dans leur période La Woman, les STOOGES avec le flagrant "She Cracked" dont le riff pompe ouvertement le "I Wanna Be Your Dog" des crétins en nettement plus rapide, ou ce "Someone I Care A Lot" (surtout pour la voix rappelant l'ig de 69) et la rythmique déglinguée du premier album du gang de l’iguane. Au registre des références, "Government Girl" sonne comme un garage minimaliste et mélodique à la MARK AND THE MYSTERIANS. "Modern World" a un aspect psychédélique plus prononcé. Il y a deux morceaux annonciateurs des révolutions soniques à venir. "I m Straight", mélopée noire, annonce presque les délires de THE FALL. "I Wanne Sleep In Your Arms" est un titre qu’a dû écouter cent fois au moins un certain suiveur comme Richard HELL.

Warner vire pourtant le groupe qui reste à l’état de démo. Richman, déboussolé, dissout sur le coup son groupe matrice miné par des tensions internes. Il est tellement dégoûté de cette entreprise qu’il s’engage dans une carrière solo orientée vers des délires intimistes aux antipodes de sa bande déviante, attiré par un country rock à la Gram PARSONS, et ne joue plus jamais des chansons de ses cruciaux LOVERS. On retrouve les autres membres dans des formations After Punk aussi diverses que les CARS, chouette groupe power pop, que les REAL KIDS, sorte de garage pop en plus punky. L’un d’eux, Jerry Harrison perpétue la geste expérimentale entamée par les LOVERS au sein des 'très français' (dixit Jim Jarmush) TALKING HEADS. Un autre, Ernie Brooks accompagne divers artistes comme le chanteur des DOLLS, David Johansen, ou l’artiste folk rock Elliott MURPHY.

C’est un label californien appelé Bersekley qui se charge d’éditer tous les travaux du groupe foutraque de Boston. Il se voit réédité en 89 sur Rhino Records avec trois chansons produites par FOWLEY. La pochette montre un simple cœur stylisé sur fond bleu, n’illustrant pas le coté rageur et à la fois sensible des compositions. L’influence se fait sentir sur les suiveurs, en premier la scène new-yorkaise punk de 1976, surtout auprès des Patty SMITH, TELEVISON, NEON BOYS, TALKING HEADS, voire de la no wave, c’est-à-dire toute la facette arty du mouvement punk. L’autre portée se fait sur tout le courant post-punk anglais, avec WIRE et compagnie ou en France avec MARIE ET LES GARçONS. Même les SEX PISTOLS, emblèmes du punk british, reprennent "Roadrunner".

On termine par une déclaration du leader destroy de ces derniers, John Lydon, à propos de Jonathan Richman : J’aime beaucoup Jonathan Richman. Il possède un grand sens de l’humour. On lui a demandé de faire une tournée avec les PISTOLS et il a refusé en disant qu’il entrait en religion. C’était grand. Quelle façon d’envoyer promener quelqu’un !". Totalement punk !

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- Jonathan Richman (guitare, chant)
- Jerry Harrison (claviers)
- Ernie Brooks (basse)
- David Robinson (batterie)


1. Roadrunner
2. Astral Plane
3. Old World
4. Pablo Picasso
5. She Cracked
6. Hospital
7. Someone I Care About
8. Girlfriend
9. Modern World
10. Titres Supplémentaires De La Réédition De 1989
11. I'm Straight
12. Dignified And Old
13. Government Center



             



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