Si vous lisez F.P régulièrement, vous savez déjà que j'écume les groupes islandais ! Un des plus cotés actuellement est KALEO dont le blues-rock alternatif esplendit. Le groupe s'est rendu célèbre en produisant ses vidéos dans les endroits les plus impressionnants, au milieu de la magnifique nature islandaise. On se souvient de l'emblématique "Way Down We Go" tourné dans les entrailles du volcan Þríhnúkagígur, puis de "Save Yourself" au lac glaciaire du Fjallsarlon. Le tellurisme est toujours présent dans leur musique, le vent, les craquements du glacier, plus bas, la lave en fusion ou la mer impavide. Voilà un troisième opus qui s'annonce drôlement bien !

Le groupe de Mosfellbaer, dans la banlieue nord de Reykjavik, connaît maintenant la célébrité, le chanteur Jökull "JJ" Juliusson devient un sex symbol pour la jeunesse. La guitare limpide de Rubin Pollock revient systématiquement dans le mélange si particulier proposé par le groupe, cette fusion de blues-rock avec une forme d'indie pas si éloignée que cela de leurs compatriotes de OF MONSTER AND MEN, tout en restant plus mainstream que SOLSTAFIR – pas bien compliqué -. Bref, vous aurez compris que voilà une nouvelle ode à la terre de feu et de glace, sinon, matez donc la couverture !

"Brother Run Fast" ouvre ce nouvel album sur un ton sépulcral, mais aussi sidéral, presque sidérant. La voix de Jokull sonne comme celle d'un prédicateur halluciné, l'ensemble méritant déjà quelques écoutes mais c'est déjà fort. On s'assoit confortablement pour déguster "Break My Baby" et ses intonations bien crados. Cette fois, Jokull se fait plaintif sur cette ode blues-rock où sa voix rocailleuse prend une belle dimension. On apprécie à sa juste valeur le riff sympa, tout ceci est bien addictif. D'autant que, si vous êtes comme moi amoureux de l'Islande, vous ne resterez pas sans regarder la saisissante vidéo tournée sur le rocher phare de Þrídrangar, au large des îles Vestman.

On entre de plein-pied dans un hard-rock racé de chez racé avec "Skinny" dont le son grésillant rappelle les meilleurs moments de NIRVANA. Jökull y abat un travail considérable. Eh oui, la fusion du Blues et de l'alternatif reste vivace sous la plume des Islandais. Je ne peux que vous conseiller de mater sur le tube la vidéo tournée de nuit au pied du volcan Fagradalsfjall dont le sourd grondement envahit en permanence la chanson. Ce trek est d'ailleurs une expérience fabuleuse que je conseille à tout le monde, le groupe ayant eu la lumineuse idée de mettre en exergue le volcan associé au glacier – Jökull – sur la couverture de l'album. "Alter Ego" est sans doute plus entendu, du hard-blues de belle allure, aux intonations quasi southern rock, de la belle ouvrage qui ne révolutionne pas les mœurs mais perpétue la bonne parole, ça devient rare chez les jeunes groupes.

Le son spécifique du "résonateur" retentit sur la revendicative "Free The Slave" qui évoque l'Amérique profonde et les vicissitudes de son passé, dans un élan qui n'est pas sans évoquer historiquement le "Strange Fruit" de Billie HOLIDAY. Une boite à musique évidente en intro de "Into My Mother's Arm", un piano tristounet accompagne la voix et l'émotion est palpable, réelle. La souffrance, la mort, la fin. Tout cela n'est bien sûr guère positif pour un groupe si jeune, mais il n'empêche que la composition est de toute beauté.

La cristalline "I Want More" plonge dans une ambiance folk de première bourre, quelques cordes ajoutant au sentiment de solitude qui règne sur ce très joli titre. On pressent l'espoir qui pointe à l'horizon, le tout donnant vie à un morceau d'une belle qualité. La voix rauque porte "My Fair Lady" en compagnie d'une guitare fruste. On remarque les choeurs très intenses de la torturée "Backbone" et son atmosphère mortifère. Evidemment, mon goût perso me pousse peu vers le bluesy-funk à la ROLLING STONES de "Hey Gringo", mais il semble évident que le titre est bien foutu.

On se transforme en Jésus sur "I Walk On Water" ? Allons, tout fan de blues-rock sait que le clodo céleste s'est paumé sur la route de Chicago à la Nouvelle Orleans. Alors, de là à marcher sur l'eau, ne me faites pas rire ! Le titre presque ambient de prime abord permet à Jökull de laisser libre court à un chant bien enlevé. Ensuite, la compo plus rythmée nous emporte d'un coup avec elle, avec une redoutable efficacité, les cordes ponctuant tel APOCALIPTICA cette chanson d'une étrange beauté irréelle. Il faut dire que le sujet s'y prêtait ! Le final fait penser au boss du New Jersey. Mais après tout, blues-folk avec une voix rauque, quoi d'étonnant ?

Quoi d'étonnant ? Détonnant ? Comme éruption du volcan ou craquement du glacier ? En tout cas, une chose est certaine, on est en Islande. Les mecs le revendiquent tellement que c'en est drôle. Avouez qu'on ne voit jamais un groupe français tourner sa vidéo dans les beaux paysages de l'Hexagone, pas plus les ricains avec leur pourtant magnifiques parcs nationaux. KALEO est un groupe à ne pas ignorer. Voilà un quatre resplendissant.